Pulvérisation du bordel
Batailles choisies #214
Cette semaine, spéciale dédicace aux re-confinés avec la semaine du bordel! 4 articles sur le bordel, la pagaille, le bazar, le foutoir, enfin le chez moi. Et chez vous, c’est comment?⛸🧢🥽🔋
Une boîte de coton-tiges vide dans le salon.
On y avait rangé des dominos quand la boîte originale avait été perdue. Il n’y a plus les dominos, mais il y a toujours la boîte de coton-tiges vide.
Un peigne dans l’entrée.
Trois feutres sans capuchon sur le comptoir de la cuisine.
Une souris d’ordinateur sur la table de nuit des enfants.
Des dessins dans le placard à parapluies.
Des cuillères pour bébé sur le bras du canapé.
Nos papiers d’assurance posés tout en haut de la bibliothèque des enfants.
Petite voiture dans le tiroir à couverts.
Veilleuse à côté de la machine à café.
Souvenirs en pâte à sel contre la vasque de la salle de bains du bas.
Bêche dans la boîte à jouets hippopotame.
Coupe-ongles sous une boîte à chaussures dans l’entrée.
Ce matin, avant le départ pour l’école, je vaque et m’active. Je tombe dans le couloir sur cette majorette, dans la salle de bains cette louche, dans les toilettes ce tube de crème atopique, sur le lave-linge ce déodorant, dans la chambre ce paquet de biscuits vide, ce… ce… comment ça s’appelle déjà?
Ah oui: ce bordel.
Ce gros bordel.
Ce gros énorme bordel.
Je n’en peux plus!
Le bordel familial aura ma peau, j’en suis certaine.
Ils me hérissent, ces objets déplacés qui ont été mis là en attendant mais qui se tapent l’incruste, qui sont à remettre à leur place mais qui y restent pour toujours, qui vont bientôt être rangés et ne rencontrent jamais ce bientôt.
Attention, je ne parle même pas de ce que les dames comme il faut appellent la bonne tenue de la maison! Il n’est question ici ni des lits défaits, de la poussière sur les étagères, des tasses de café qui trainent, des peluches sous le canapé ou des discrètes taches de betterave sur les chaises des enfants. Non!
Je parle juste de cet ogre de bordel, chacun de ces dizaines d’objets éparpillés que je croise tous les jours, mis là en attendant le déluge, qu’il faut vraiment que je range, tous ces bidules déplacés qui se plaisent, à chaque fois que je les vois, à me donner une décharge de culpabilité:
Oh, la louche, il faut que je la lave et que je la remette dans le tiroir!
Et cette majorette, il faut la réparer!
Le déodorant, il est vide ou bien? Je vérifierai tout à l’heure!
Et elle est passée où cette satanée boîte de dominos, là!
Une maison avec des enfants, on dirait une expérimentation psychologique pour les anciennes jeunes filles rangées, celles qui avaient des codes couleur avec leurs stabilos dès le lycée, celles qui ne laissent jamais traîner leurs vêtements, celles qui achètent des boîtes pour ranger d’autres boîtes.
Cette jeune fille rangée que j’étais, je l’avoue, je ne la regrette pas beaucoup. Elle ne me manque pas. Elle est devenue une mère débordée, fatiguée, arnaquée, mais aussi plus mûre, moins naïve, plus empathique aussi - sauf pour le bordel.
Les enfants, savez-vous de quoi est capable une ancienne jeune fille rangée devenue maman dérangée?
Les objets, là, qui me mettez du poil à gratter dans les yeux tous les jours, pire que si on met du stabilo bleu alors que le contenu exige le rose, vous avez déjà vu l’intérieur de la poubelle?
Non, produire encore des déchets, non. Je vais les ranger dans des endroits plus… logiques, oui c’est exactement ce que je vais faire pour me sentir mieux.
La majorette dans la boîte à chaussures de l’entrée.
La louche dans le bureau.
Le déodorant dans la bibliothèque des enfants.
Le peigne à côté de la machine à café.
Voilà, c’est beaucoup mieux.
Prête pour le reconfinement.