Le contrôle coercitif

 

Batailles choisies #367

Et si un ex con était en fait un père violent? Autour du contrôle coercitif, avec mes respects pour le travail de Gwénola Sueur et Pierre-Guillaume Prigent. 👸


 

D, appelons-la D, a quitté son compagnon quelques mois après la naissance de leur fille.



Choses vues ou entendues:

  • Pour son premier anniversaire, thème princesse, D. a organisé, avec ses moyens modestes, une grande fête. Elle a tout préparé, pendant des semaines, tout fait elle-même (décorations, buffet, animations) avec sa famille. Le père de la princesse, l’ex donc, arrive au milieu de la fête. D. et lui se placent de chaque côté de leur fille. Ils sourient. Clic. Immédiatement après la photo, l’ex part rejoindre ses amis.

  • D. arrive un jour vingt minutes en retard chez son ex, parce qu’elle est coincée dans les bouchons. Il la menace par texto durant ces vingt minutes de la dénoncer pour non-représentation d’enfant à l’équivalent chilien du juge aux affaires familiales.

  • Le père refuse de bouger leur organisation de garde partagée. Ah, non, je dois l’avoir le vendredi, ça peut pas être le samedi, ni le jeudi. Non, on ne peut pas échanger les week-ends. C‘est à 19h, pas à 19h15, ni 18h45. De toute façon, je suis pas là. Lorsque la petite est avec son père, D. a appris à rester disponible parce que, Monsieur étant musicien dans un groupe, il lui arrive de décrocher des contrats à la dernière minute, à des horaires atypiques. 

  • Le père ne participe pas aux frais de l’enfant parce qu’il lui achète souvent, dit-il, des jouets et des bonbons.

En voyant ou entendant ces choses, je me suis dit: c’est vraiment un con, son ex.





Et puis, magie de Twitter, je commence à suivre des comptes et découvre des chercheuses et chercheurs Gwénola Sueur ou Pierre-Guillaume Prigent en particulier qui analysent les violences intrafamiliales, notamment dans un contexte de post-séparation (voir le site de l’association Réseau International des Mères en lutte)

Leurs travaux parlent des stratégies des pères séparés, qui évoquent le contrôle coercitif qu’on peut définir en partie ainsi: “techniques de contrôle, de violence et d’appauvrissement, exercées par les pères violents sur les mères”.

Non, l’ex de D. n’est pas un con. C’est un père qui emploie techniques et stratégies pour faire payer à D. sa séparation et exercer sur elle de nombreuses formes de violences, verbales, psychologiques, économiques.

Un homme qui n’a de paroles qu’agressives, menaçantes, faites pour blesser. 

Un homme qui l’appauvrit en la laissant subvenir seule aux besoins de leur fille. 

Un homme qui cherche à contrôler la vie de son ex-compagne, à la rendre impossible à construire librement hors de son vu et su à lui.  



C’est un homme qui exerce un contrôle coercitif envers D. 

À ma connaissance, il n’y avait pas de violences physiques dans ce couple. Mais on comprend aisément comment elles pourraient y prendre leur place. 






D. me raconte que des amis, de la famille bien intentionnée, lui expliquent qu’il est ainsi parce qu’il est malheureux, parce qu’il veut la récupérer. Elle leur répond que s’il voulait la récupérer, il serait la meilleure version de lui-même plutôt que celle-là.

Mais, en fait, je me dis qu’il ne cherche pas à la faire revenir sur sa décision par amour, mais par peur, par résignation. L’alternative est clairement posée: avoir un ex qui fait vivre un enfer ou avoir un compagnon qui ne fait pas vivre cette violence souterraine, quotidienne, faite d’attaques constantes (ou qui, plus probablement la fera vivre tout de même à l’intérieur du couple à une compagne résignée à la subir). 






Et où chercher de l’aide? Ces stratégies d’appauvrissement, de violences, de contrôle sont faciles à ne pas voir si on ne les cherche pas. Leur ampleur peut être cachée. Il n’est pas difficile de faire porter la responsabilité sur les deux parents et pas seulement sur celui qui est l’initiateur de ces violences.






Je me dis que “être un ex con” est une étiquette commode, à la place de “père violent”.

Que lorsque la petite grandira, qu’elle aura l’âge de comprendre, mais pas celui de voir le tableau en grand, il l’utilisera probablement pour attaquer la mère.  

Je me dis que D. va payer sa vie entière pour offrir tout de même à sa fille des anniversaires heureux et l’illusion de la présence aimante d’un père sur des photos de famille aux sourires figés.

Pauvres princesses.


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Heloise Simonétude, violence