Photo de famille
Batailles choisies #503
[Recherche tips] Comment prendre une belle photo de ses 3 enfants? Changer d’appareil? Ou changer d’enfants? 😛
Je n’ai aucune jolie photo de mes trois garçons. Aucune. Prendre une photo de mes trois garnements où tous sourient regardent l’objectif, où ils sont bien à peu près coiffés, où ils sont propres n’ont pas de chocolat autour de la bouche a été, jusqu’ici, impossible. Et ça me frustre terriblement: c’est pas trop demandé, non, d’avoir de l’amour en barre sous forme de photo de catalogue de ses enfants, à dévorer des yeux pour se rappeler, le jour où on a envie de les renvoyer à l’expéditeur, qu’on les aime? J’aimerais une photo, juste une photo parfaite de la fratrie parfaite. Et je crois que c’est pour aujourd’hui. Oui, aujourd’hui! Les conditions sont réunies, écoutez plutôt:
On est à deux adultes.
Mari a un bel œil et sait cadrer.
Son téléphone prend des photos de qualité.
Au square où nous nous trouvons, il y a un arbre aux branches basses et solides où les garçons aiment grimper.
La lumière de fin de journée en ce début de printemps est belle.
J’imagine mes trois garçons, avec leurs grands yeux brillants, leurs sourires aux dents blanches, assis à califourchon sur une branche de jacaranda, le feuillage en arrière-plan et la lumière dorée caressant leurs bouilles mignonnes et intelligentes… Cette photo, je la veux et je l’aurai.
- Allez, Grand, vient, on va faire une photo! Une belle photo, d’accord?
Grand se plie avec bonne grâce et commence à grimper dans l’arbre. Son agilité laissant encore à désirer, il tente et échoue, puis retente et re-échoue à monter par lui-même. Il finit par me demander de lui faire la courte échelle, je m’exécute avec difficulté, réussit à le hisser sur la branche, où il attend ses frères, malaisé par la peur d'être déséquilibré, avec son plus beau sourire.
- Milieu, tu viens?
Milieu, pour une raison qui n’est connue que de Milieu, est d’une humeur massacrante.
- Non, répond-il en tirant la langue.
J’ai beau tenté de tout, cajoleries, encouragements, menaces, suppliques, non, non, Milieu ne veut pas monter dans l’arbre pour faire une belle photo et continue de me tirer la langue.
Et cette lumière magnifique, et cette belle branche, et cette photo parfaite de la famille parfaite!
Je ne sais comment mais j’arrive à faire grimper Milieu, toujours d’humeur massacrante, mais au moins à califourchon sur la branche.
Allez, plus que Dernier!
-Viens mon bébé!
Je me contorsionne pour tenir Dernier sans que ça se voit dans la photo, mon visage collé au tronc, la main tremblante mais ferme. Je n'ai peur ni de donner de ma personne ni des positions ridicules ni des passants interloqués.
-Vas-y, chéri, prends les photos! Je hurle presque.
Dix clichés. Dans le premier, Grand est le seul à regarder l'objectif. Dans le deuxième, Milieu tire la langue. Le troisième est flou, le quatrième mal cadré. La belle lumière du cinquième révèle les taches de jus d'orange sur le t-shirt de Dernier et le chocolat autour de la bouche de Grand. Dans tous les autres, Grand a un sourire figé, Milieu, de son humeur massacrante, tourne ostensiblement le dos à l’appareil pendant que Dernier regarde en direction du sol et de cette maman qui prend des poses bizarres.
Bon, ben, il faut croire que c’est une fidèle représentation de ma famille.