6 mois
Batailles choisies #150
En deux mots:
J’ai perdu une amie aujourd’hui. Et le sens des choses.
Aujourd’hui, mon amie et collègue, Claire, est morte. Elle a été diagnostiquée d’un cancer au mois de mai. Mai, juin, juillet, août, septembre, octobre. Six mois ont suffi à l’emporter.
C’était la collègue dont j’étais le plus proche, la seule que je voyais en dehors. Ma seule amie du lycée.
Elle a lutté six mois.
Six mois à vivre, six mois sans vivre vraiment, à courir après une guérison sur deux continents. Elle a été traitée par deux sessions de chimio au Chili, quasiment seule, visites interdites à cause du Covid, bulle sanitaire et bulle terrible de solitude que ça devait être. Puis elle est partie en France pour un traitement de pointe qui n’a pas fonctionné. Elle m’avait dit, dans son dernier message, que les nouvelles de sa santé n’étaient pas bonnes.
Elle avait demandé à avoir quelques photos, il y a moins d’une semaine. Il fallait que j’en cherche, est-ce que j’en ai, pas sûr. Je vais lui écrire en tout cas.
J’ai épinglé son dernier message Whatsapp pour penser à lui répondre, prendre le temps de lui donner des nouvelles de la famille, parce que ça lui faisait du bien, je crois, et prendre de ses nouvelles, lui donner de la force ou de l’amour, à défaut. C’était il y a quatre jours. Je vais le faire demain, demain, il faut que je réponde à Claire. Elle est partie avant.
J’aurais voulu lui écrire plus souvent, lui laisser davantage de messages, l’assurer de mon amitié, constamment.
Mais on était loin. J’étais emporté dans mon tourbillon de la vie de famille, des enfants qui réclament des câlins et des dîners. Elle était dans son propre tourbillon, bien plus infernal.
Je viens seulement de comprendre, que son dernier message Whatsapp d’il y a quatre jours, où les nouvelles n’étaient pas bonnes, message qui répondait avec retard à plusieurs des miens, c’était pour faire ses adieux. Je n’ai pas compris. J’ai continué ma vie, la cavalcade avec les enfants.
C’est ça, la vie?
On est tous des tourbillons qui s’enroulent et se dandinent en panique, les uns à côté des autres, et ce n’est que quand tous se taisent et s’écrasent, qu’on a le temps de compter nos morts?