Ça pourrait être pire

 

Batailles choisies #229

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Pour ce deuxième confinement, j’en suis réduite à me dire que c’est exaspérant, mais que ça pourrait être pire. Vous reprendrez bien un verre de jus de pomme? 🍎


 

Aujourd’hui encore, je vais passer d’un gosse à l’autre, endormir Dernier mais promis on joue aux petites voitures après, ok?, donner un jus de pomme à Milieu qui en réclame, à Grand un morceau de pain, faire une partie de Monopoly avec mon aîné en gardant un oeil sur Dernier dans son berceau, construire des châteaux dans le bac à sable et balancer d’une main la poussette, un jus de pomme? d’accord, laisser un gamin pour me retrouver avec un autre, pousser Milieu sur la balançoire en jouant à 1-2-3-Soleil avec Grand entre deux classes par visioconférence, oui, le jus de pomme, j’ai entendu, donner le sein à Dernier et espérer, espérer, follement, frénétiquement, naïvement, que dans ces tirs croisés j’arriverai à trouver un moment à moi, où personne n’a besoin de Maman, d’une maman fatiguée d’être, de six heures du matin à vingt-et-unes heures le soir, jour après jour d’un confinement qui se prolonge, avec un gamin dans les bras, les jupes, la tête. 


Le covid et le confinement ont formé une association de malfaiteurs pour me voler mon congé maternité avec Dernier, dont je rêvais comme d’un moment de partage et de douceur, hors du temps du travail, dans un temps souple et fluide que je sais sculpter pour m’y laisser une place. Je m’imaginais un congé en tête-à-tête avec lui, ses aînés à l’école. Je m’imaginais profitant de lui pendant son éveil et profitant pour moi pendant son sommeil.

J’en suis rendue à voir passer ses siestes sans pouvoir lire, écrire, me reposer, à m’occuper d’un autre gamin, à amener à droite et à gauche du jus de pomme, à ruser, avec la fatigue que les stratégies constantes supposent, pour respirer, exister.


Encore aujourd’hui je ne vais vivre que dans les interstices, voler du temps pour moi, quelques minutes par ci, dix par là, cinq entre la sieste et une partie de cartes, vingt après le déjeuner, dix plus tard. 

Mon mari travaille dans le bureau. Ma belle-mère s’occupant déjà des classes de Grand, du travail domestique, de Milieu lorsque je dois allaiter, je ne peux raisonnablement lui en demander plus.

Il me reste à tenter de vivre à minima, tenter de tenir ce blog, laisser pour je ne sais quand d’autres projets en attente à cause du combo confinement-enfants qui menace de me mettre K.O.

Lorsque le micro-temps pour moi échoue (on se réveille, on me réclame), m’envahissent ces sentiments si familiers que le confinement exacerbe avec violence: les sentiments d’impuissance, d’injustice, la rage d’être prisonnière d’un modèle de famille qui me bouffe, m’étouffe.


K.O. 

Je repense au premier confinement dont je suis sortie amochée et épuisée, physiquement et mentalement.

Les conditions ne sont plus les mêmes: je suis à la campagne, dehors l’essentiel de la journée; je ne m’occupe pas de la maison; je peux allaiter tranquillement Dernier; je ne fais pas l’école à la maison; certains jours, je réussis à faire une courte sieste; d’autres je me libère trente minutes pour lire ou écrire. 


Ça pourrait être pire.

Voir le verre de jus de pomme à moitié plein.

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