Les yeux revolver
Batailles choisies #259
Grand et ses yeux pleins de joie, Milieu et ses yeux revolver. 🔫
On joue à chat avec mes garçons, une version chilienne apprise à l’école qui s’appelle “Le canard et l’oie”. Un des joueurs, passant au milieu d’enfants assis en tailleur (les canards) doit désigner une oie en lui touchant la tête. L’oie ainsi choisie doit rattraper le canard qui tente, lui, de s’asseoir après quelques tours de terrain à la place où se trouvait l’oie. Bref, on se court après.
Chez ma belle-mère existe l’emplacement idéal pour “le canard et l’oie”: un immense palmier dont le tronc est entouré de grosses pierres blanches décoratives, sur lesquelles les canards s’assoient parfaitement, et autour desquelles on peut faire les tours de terrain.
Mon aîné adore ce jeu. Qu’il soit le poursuivi ou le poursuivant, il pique des courses en riant aux éclats, jambes et bras qui ont le dégingandé de sa maladresse, ses yeux marron clair allumés de joie.
Milieu joue également parce qu’à deux, juste Maman et Grand, ce n’est que modérément amusant - en plus d’être complètement crevant. Milieu participe à sa hauteur d’enfant de bientôt trois ans, peinant à comprendre le concept de chacun son tour ou du sens de la course, l’essentiel étant qu’il ait intégré qu’il faut courir après quelqu’un, ou bien se faire courir après.
Dans ce jeu, la différence entre Grand et Milieu est ce qui m’apporte la plus grande joie. Car Milieu, lorsqu’il poursuit et surtout lorsqu’il est poursuivi, court très différemment de son grand frère. Il court de manière plus ramassée, bras et jambes en mouvements précis, sans dépense d’énergie inutile. Il ne sourit pas. Il ne rit pas. Il a un regard droit et franc. Il est très concentré - sur sa cible: il ressemble à un assassin, avec ses yeux noirs qui tirent des balles imaginaires, en hurlant en silence “je vais t’avoir, je vais t’avoir!”.
Et à mesure qu’il s’approche de sa cible, qu’il lève son bras très haut pour toucher sa victime, ses yeux se teintent de méchanceté, ses dents se serrent… Le poursuivi serre, quant à lui, les fesses face à tant de détermination.
La main va s’abattre, aïe, aïe, aïe... Poum! Le coup est tombé.
Qu’il est mignon, ce petit tueur à gages.