À K.
Batailles choisies #298
“Des fois, je veux juste me casser. Prendre mes affaires et me barrer!” À toi, K., et à toutes les mères qui ont envie de se faire la malle: flot de bienveillance, love, sororité. On vous reçoit 5/5. 🏃♀️
Il y a un découragement tout particulier à être maman d’un enfant de deux ans. Un épuisement vraiment unique qui vient de l’impression qu’on ne s’en sortira jamais.
On m’avait dit que c’était plus facile quand ils grandissent… mais non, c’est pire! On m’aurait donc menti?
Lors d’un groupe de paroles co-animé pour Nos enfants, nous-mêmes, K., maman au foyer d’un enfant de deux ans, tu as dit ça. Tu as dit que tu avais parfois juste envie de te casser. Et puis avec un peu de honte et de culpabilité, tu as ajouté que tu voyais plus de désagréments que d’avantages à être maman. Que tu te sentais mal à ne voir que des points négatifs à être mère, parce que tu aimes, malgré tout, être maman, parce que tu ne regrettes pas ta maternité. Mais que certains jours, vraiment, tu voulais juste te barrer.
K., j’ai eu envie de t’écrire. De te dire que je te comprends, que je passe par là aussi, souvent.
K., j’ai eu envie de te dire que tu es une mère comme les autres.
K., j’ai eu envie que tu saches, que tu sois confortée dans l’idée que tu es la meilleure mère possible dans une société où la maternité n’est pas considérée à sa juste valeur.
K., je ne vais pas te dire que ça vaut le coup, d’avoir des enfants. Je ne dirai pas que les enfants finissent par grandir et qu’on ne regrette pas les sacrifices faits pour eux. Je ne vais pas te le dire parce que c’est à toi de le penser, ou non, et absolument librement, sans jugement.
Par contre, j’ai envie de te dire que j’ai bien plus souffert quand je n’avais qu’un enfant de deux ans, que maintenant que j’en ai trois.
Il y a un découragement tout particulier à s’occuper d’un enfant de deux ans toute la journée.
K., un enfant de deux ans est un genre très spécial d’enfant. C’est le genre d’enfant qu’on a envie de rendre au service après-vente.
Il touche à tout. Tout le temps. Partout.
Il ne fait plus de sieste, ou plus aussi longues.
Il s’oppose à toi pour se construire.
Il fait des crises, submergé par toutes les émotions qu’il a en lui.
Il parle, mais manque de mots.
Un enfant de deux ans déborde: déborde de joie, déborde d’énergie, déborde d’idées, déborde de personnalité. Et en débordant, il nous éclabousse. Beaucoup.
C’est un âge en trompe-l'œil: il ressemble de plus en plus à un enfant, mais c’est encore un bébé. Il croit savoir faire tout seul et il a toujours besoin d’un adulte. C’est un âge terriblement attachant. Et terriblement désespérant.
Un enfant de deux ans, c’est une sorte de retour en arrière. Parce qu’il était plus facile quand il était un bébé en adoration devant sa maman, parce qu’il nous mouline le cœur à passer de la haine à l’amour pour nous, il nous met à terre. Et puis quand, comme toi, ou comme moi, on s’en occupe toute la journée, j’ai le sentiment qu’on se dit quotidiennement: allez, je prends mes affaires et je me barre.
J’ai vécu la même situation que toi deux fois: quand je n’avais que mon aîné, et quand, durant le confinement, l’aîné a passé plusieurs mois chez sa grand-mère, me laissant mon deuxième à charge toute la sainte journée, puisque la crèche était fermée.
Moments de grand découragement.
Moments percés par des joies ineffables.
Moments de grand découragement.
Moments percés par une admiration folle pour ses progrès, incroyables.
Moments de grand découragement: mais quand est-ce que ça s’arrête! Quand est-ce que ça devient plus facile?
Je n’en peux plus qu’il se roule par terre parce que j’ai mis la confiture avant le yaourt, n’en peux plus qu’il délaisse ses jouets pour essayer d’empiler les verres à pied, n’en peux plus qu’il s’endorme à 22h30 et se réveille à 6h45, n’en peux plus qu’il se cogne et tombe tout le temps, n’en peux plus qu’il plonge ses mains dans un paquet de farine que j’ai oublié de ranger, n’en peux plus qu’il déchire avec concentration les pages de ses livres parce qu’il aime bien le bruit que ça fait, n’en peux plus, n’en peux plus.
Mais le temps a passé et tout doucement, imperceptiblement, je ne me dis plus que je vais faire mes valises et partir pour un pays lointain avec lequel il n’y a pas d’accords d’extradition. Du moins, je ne me le dis plus tous les jours. Je me le dis une fois par semaine, peut-être - ça n’en a pas l’air, mais c’est le signe que ça va. Du moins que ça va mieux.
Tout doucement, l’enfant ne cherche plus à jongler avec les couteaux.
Tout doucement, l’enfant fabrique son monde imaginaire et joue seul.
Tout doucement, l’enfant parle, explique, comprend.
K., on a le droit d’avoir envie de plier bagages.
K., on n’est pas une moins bonne mère pour autant.
K., ce n’est pas toi le problème, pas l’enfant non plus. C’est le monde qui pousse à l’envers.
K., il y a des jours où, comme on n’a pas pris le premier avion pour Tombouctou, on a vu des choses extraordinaires.
K. Courage. Force. Amour.