Confinement - Jour 41
Batailles choisies #45
En deux mots:
Il existe quatre processus sociaux qui freinent les carrières artistiques féminines. Vous voulez les connaître? Ils s’appliquent aussi aux mamans, quelle que soit leur carrière d’ailleurs. Et il est urgent de les dynamiter.
Les quatre grands processus sociaux qui, selon la chercheuse Marie Buscatto dans cet entretien de Visuelles, constituent des obstacles sont:
L’existence de stéréotypes féminins péjoratifs
L’entre-soi masculin des réseaux
La valorisation des qualités considérées comme masculines
Le fait qu’un artiste sera certainement aidé par sa conjointe, mais qu’une artiste n’est souvent pas aidée par son conjoint.
Je veux donc adapter cette analyse aux mères artistes.
Il est évident que les stéréotypes d’une mère ne font pas bon ménage avec les stéréotypes de l’artiste. L’une dévouée aux autres, l’autre dévouée à son art, pour faire bref. Il est difficile de voir une mère avec gamin en écharpe ou ribambelle de rejetons et de se dire, ah, en voilà, une artiste!
Les réseaux sociaux (au sens large) sont essentiels pour qu’un travail artistique soit diffusé : or, je cite la chercheuse, ceux-ci “favorisent les hommes, fonctionnent de manière masculine”. Il y a une véritable cooptation entre les hommes, un entre-soi: les hommes favorisent les hommes et pour les femmes, l’énergie dépensée à se faire connaître là est colossale, épuisante et donne peu de résultats. Avec des enfants, quand le temps se fait rare, combien de temps pouvez-vous passer à faire circuler votre nom dans ce réseau?
Les qualités considérées comme masculines sont valorisées. Alors évidemment, les valeurs autour de la famille et du foyer, ne sont pas bien viriles. La chercheuse explique aussi qu’il y a une lassitude à vouloir se plier à des valeurs masculines, une fatigue qui explique qu’on finisse par abandonner d’entrer dans ces cercles ou de s’y battre.
Enfin, il est essentiel de s’intéresser au fait que, vers leur trentaine, les femmes deviennent dans la majorité des conjointes d’hommes, et qu’elles aident leur conjoint dans sa carrière alors que l’inverse n’est pas vrai. Un artiste, père ou non, fait carrière avec sa compagne. Une artiste, surtout une artiste mère, fait carrière malgré son conjoint.
La chercheuse Marie Buscatto s’intéresse alors aux manières de contrer ces obstacles, et je me suis reconnue dans l’une d’elle. Elle parle de la stratégie d’effacer sa féminité, pour s’identifier à des valeurs masculines. Je m’y suis reconnue car je suis passée par là, refusant de parler de ce que je considérais comme féminin ou choisissant des narrateurs masculins pour mes récits.
Sauf qu’avec la maternité, toute ma féminité m’est revenue en pleine poire et que j’ai dû arriver à la réalisation que certes, ce serait sûrement plus dur de faire de la littérature avec une vie de maman, que certes j’allais devoir me battre bien plus pour le faire reconnaître, que certes je n’avais aucune garantie de résultats et qu’il est si pénible, si épuisant de parler dans le vide, mais que c’était la bonne chose à faire.
Conclusion de cet entretien, de ma réflexion: être maman, c’est dur, être écrivaine, c’est dur, être maman écrivaine, c’est pire, mais c’est là que je vais (un jour, peut-être, priez pour moi, j’en suis certaine mais en doute souvent) réussir.