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La Macarena contre-attaque
 

Batailles choisies #291

Face à mes aînés qui se chamaillent dans la voiture et au son endiablé de la Macarena, je donne, en sortant mon meilleur jeu d’actrice, une leçon de sécurité routière.  💃


 

-Oui, oui, oui, la Macarena, j’ai compris, je mets la Macarena… souffle une maman fatiguée.

-Plus fort! ordonnent des enfants exigeants.


À chaque trajet en voiture, les enfants réclament ce tube des années 90, devenu l’infortunée B.O. de ma vie, Grand adorant cette chanson, Milieu copiant son aîné. 

Faire des courses? La Macarena, aaaye!

Sortir en promenade? La Macarena, aaaye!

Manger une glace? La Macarena, aaaye!

Aller à la crèche? La Macarena, aaaye!

Revenir de la crèche? La Macarena, aaaye!

Aïe, je n’en peux plus de la Macarena!


Pourtant, aujourd’hui encore, je l’endure, sur le trajet de retour de la crèche.

-On ne peut pas mettre une autre chanson?

-Non! La Ma-ca-re-na! scandent les grands en cœur.

-On chante alors, au moins, les garçons? On dira que c’est de l’éducation musicale…

-Oui!

Dale a tu cuerpo alegría Macarena

Que tu cuerpo para dar alegría es cosa buena…

Notre boom rétro est de courte durée. En raison d’un désaccord sur les paroles (- C’est pas “cochat buena”, c’est “cossa buena” - Non! “Cochat, cochat”!) Grand et Milieu se mettent des coups, de pieds, de mains, se crachent dessus, commencent à se pincer et à se tirer les cheveux.

Outre que je déteste leurs disputes ridicules, je refuse de conduire avec des énergumènes agités qui me déconcentrent, qui me tirent les yeux vers la banquette arrière alors qu’ils devraient avoir toute leur tête pour regarder devant.

Mi énervée, mi stratège, je me dis qu’il est temps de leur donner une leçon de sécurité routière qu’ils n’oublieront pas de si tôt.

Clignotant. 

M’engager sur une route secondaire. Me mettre sur le bas-côté. M’éclaircir la voix pour sortir mon meilleur jeu de maman énervée.

Les enfants! Arrêtez ça tout de suite! Il est hors de question que je conduise dans ces conditions! Quand je suis au volant, je dois être parfaitement concentrée, je ne peux pas assurer notre sécurité à tous si vous vous disputez comme ça! Je ne veux plus jamais prendre le moindre risque en voiture, c’est aussi votre responsabilité de me donner les meilleures conditions de conduite sécuritaire! Maintenant, on va rentrer en silence! Ni disputes, ni musique, voilà! 

Les garçons sont très impressionnés. Ils cessent leurs chamailleries, se taisent, sanglotent un peu. 

Et la conductrice?

Pas fâchée de sa performance, pas fâchée d’échapper à la alegría Macarena, elle profite, en roulant doucement, d’un inhabituel silence.


Oh… mais la Macarena est la chanson qui ne meurt jamais…

Qu’entends-je?

Qu’est-ce que ce son… cette… cette musique?       

Quelque chose de très doux monte...

Dale a tu cuerpo alegría Macarena...

Une voix a percé les sanglots finissant.

Que tu cuerpo para dar alegría es cosa buena…

C’est Grand qui, tout doucement, fredonne sa chanson préférée.

Dale tu cuerpo alegría Macarena…

J’éclate intérieurement de rire. Il l’aime donc tant que ça, cette chanson, qu’il se la chantonne à lui-même jusqu’à la maison?

Eee, Macarena, aayae!


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La Macarena
 

Batailles choisies #271

Qui veut avoir La Macarena dans la tête toute la journée? Voilà. De rien. Trois histoires autour de cette chanson, B.O. infortunée de ma vie de mère: aaaaayye! 👯‍♂️


 

1.


Le mercredi à 8h30, Grand a sa classe de sport par visio. L’enseignante a décidé de leur faire danser la Macarena.

Or Grand danse très mal, ayant la grâce d’un poireau, s’emmêlant les pinceaux et les tiges avec une cadence molle de légume.

- Mais c’est une super idée, la Macarena! Je vais t’apprendre, mon chéri! lui dis-je avec enthousiasme.

Je ne suis pas un peu fière parce que je me souviens de la chorégraphie et ça me rappelle ma jeunesse, mais Grand n’aime pas bien ma démonstration et menace de se braquer. Pas de problème, on va regarder le vidéo-clip. 

Le clip, donc:

Deux vieux types en costume noir rayé de blanc - c’est les années 90, hein. Une dizaine de jeunes femmes qui ont l’âge d’être leurs filles se trémoussent en mini-short, hauts de bikini ou jupes courtes. Plans suggestifs sur des lèvres pulpeuses qui appellent un baiser, sur des hanches qui réclament du collé-serré, plans sur des corps offerts, en bref. 

Et les paroles, au fait? Je n’y avais jamais prêté attention, mais ça vaut la peine de tendre l’oreille: “Donne de la joie à ton corps Macarena, parce que ton corps donne de la joie, Macarena rêve d’habiter à New-York et de s’habiller à la dernière mode, Macarena a un petit-ami et rêve de shopping.”

Grand regarde le clip fasciné, toutes ces couleurs, ces cheveux qui volent, ces corps de femmes sous un male gaze terrifiant. Il a donc 5 ans. 


On n’a pas le cul en mini-short sorti des ronces du patriarcat. Aaaye!


2.


Ma belle-mère s’inquiète:

- Grand ne sait pas danser, c’est catastrophique. Tu l’as vu danser la Macarena?

C’est vrai qu’il n’a pas le sens du rythme. Il lève bien les bras et les jambes, sautille et fait des tours sur lui-même, mais de là à appeler ça “danser”... 

- Il faut lui apprendre, me dit-elle, sinon il va avoir honte devant ses camarades, il va se l’interdire, et en moins de deux, il n’osera plus danser et sa vie sociale s’en trouvera irrémédiablement affectée. 

Je suppose qu’elle l’imagine adolescent, invité à aucune fête, invité par aucune fille, les bras ballants, les joues rouges de honte et pleurant seul dans son coin. 

Belle-Maman est toujours alarmiste. Elle s’inquiète que ses petits-fils soient en retard, ne se développent pas assez dans tel ou tel domaine. Elle nous dit sans arrêt qu’il faut travailler avec eux, leur apprendre qui la géographie, qui les règles du foot, qui les couleurs, les chiffres, les plats en sauce, la politesse. Il y a toujours quelque chose qui manque, ne va pas. 

Pour moi ce qui compte, c’est que Grand aime danser, qu’il y trouve de la joie.

Que ce soit pour la danse ou autre chose, un de mes questionnements de maman concerne les limitations. Avant trois ans, un enfant n’est que potentiel. Tout ou presque l’intéresse et sa curiosité donne l’impression qu’il pourra tout faire et tout apprendre sans effort. 

Mais à partir de trois ans, et là, je le vois bien pour Grand qui en a 5 et demi, ses goûts, ses forces et donc aussi ses faiblesses sont bien plus nettes et visibles.

Alors que faire? Que faire quand mon fils danse comme un poireau, confond la Russie et le Brésil, ou tape dans un ballon avec la vivacité d’un mollusque? J’avoue avoir davantage peur de le traumatiser en le forçant à danser qu’en le laissant grandir tranquille. Comme si j’avais besoin de m’ajouter des cours de boum des années 90 dans ma vie! Et puis zut!

Ou est-ce moi qui suis trop passive, n’en fais pas assez, suis une mère attentiste? Parce que la mère de Barack Obama lui faisait une double journée d’école pour s’assurer qu’il apprenait assez.

Je suis une mère indigne! Mon fils ne sera pas président des Etats-Unis et ne saura même pas danser la Macarena lors d’une boum.


C’est dur d’être parent. Aaaye!

3.


- Encore la Macarena? Les enfants, on l’écoute dans la voiture, dans la salle de jeux, dans le bain, le soir, le matin, le midi, on peut pas, s’il vous plaît, mettre autre chose? Celle-ci, c’est dans le même style: “Sensual, un movimiento sensual, este baile que es una bomba...” Quoi? Ça ne vous plaît pas? Bon, ben, ok, la Macarena.

Nous sommes dans la cuisine. En attendant que les enfants mangent, j’essaie de les occuper, ce qui n’est pas une mince affaire, Milieu pénible tiraillé par la faim, Grand taquinant son cadet et Dernier dans mes bras, qui geint et s’agite.

La perspective d’un dîner tranquille s’assombrit.

- Oh, Maman, j’ai une idée! s’écrie Grand.

Eurêka!

- Je vais faire un spectacle pour Dernier.

Lumière!

Grand se met face à Dernier que je tiens dans les bras et se met à chanter… quoi d’autre? La Macarena, évidemment. Il chante et accompagne bientôt son chant de danse, sauts de crapauds, pas-de-bourrée maladroits, ports de bras mous et entrechats flanchant du genou, le tout sans rythme. Il danse vraiment comme un poireau.

Sauf que Dernier le regarde avec de grands yeux allumés de joie, d’amour et rit, des éclats de rire splendides, gazouillis aigus, glousseries, fou-rires, gargarismes. C’est une cascade de bonheur, de joie, de complicité.

Pour Dernier, son frère est un héros, le meilleur pitre et le danseur étoile de son cœur.    

Alors qu’on la chante tous les jours, la Macarena et aaaye!


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