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Une longue pause
 

Batailles choisies #694

Reculer pour mieux sauter - c’est en tous cas ce que j’espère. ⏸


 

J’ai eu besoin de prendre une longue pause de ce blog. 


Je n’ai pas écrit depuis deux mois et je ne vais pas reprendre tout de suite. 

J’ai besoin de faire une pause.


Pourquoi? Pourquoi suspendre ainsi cette écriture qui me tient tellement à cœur? Pourquoi, alors que je réunis depuis la fin du mois de novembre, en plus et pour une fois, toutes les conditions pour écrire: la fin de l’année scolaire est arrivée enfin, allégeant avec elle son lot de corrections et de préparations; mes parents sont arrivés enfin, m’offrant des fins de journée plus tranquilles, moins seule contre tous (mes enfants); la fin des trois ans de mon cadet est arrivée, enfin, lui donnant un tout petit peu plus d’autonomie et m’offrant un tout petit plus de tranquillité. 

J’avais, bien sûr, prévu de profiter de ces conditions idéales pour moi qui écris depuis cinq ans dans des conditions chaotiques - vous vous rappelez quand j’écrivais quatre fois par semaine avec un enfant de 5 ans, un de deux ans et demi et un nourrisson, confinée chez ma belle-mère? Moi je m’en souviens. 

J’avais, donc, bien prévu d’en profiter. Et puis, ce n’est pas arrivé.

Ce n’était pas une pause préméditée, pensée, planifiée, une petite pause pour sortir la tête hors de l’eau avant de replonger, comme j’ai pu en prendre à d’autres moments depuis que j’ai commencé l’écriture de Batailles choisies, il y a cinq ans. 

Non, il y a eu quelque chose qui m’a empêché d’écrire, de trouver le temps, l’énergie, la disponibilité nécessaire, pour écrire. 


J’ai eu besoin, et j’ai encore besoin, de cette pause.

Pas parce que je n’ai plus rien à dire sous ce format de blog. Croyez-moi que fêter mes 40 ans avec une sortie au centre commercial et au cinéma où mes enfants affamés et intenables ont été tellement ingérables, enchaînant crise sur crise et caprice sur caprice, que j’en ai pleuré; croyez-moi qu’avec l’anniversaire des 9 ans de mon aîné, son voyage en France avec son frère Milieu et leurs grands-parents, mes deux garçons qui franchissent donc le palier si symbolique de voyager sans ses parents; croyez-moi que j’aurais pu écrire trois billets de blog sur le fait que j’ai désormais un vélo à assistance électrique et que je sais désormais changer une roue de vélo toute seule (je crois, hein, Mari, je crois que je suis prête); croyez-moi que le tête-à-tête soudain avec Dernier, dont j’ai le sentiment de profiter, plutôt que celui de le subir, dû à l’absence de ses frères, est le genre de sentiments dont j’aurais fait mes choux gras; croyez-moi que le week-end en amoureux avec Mari, le premier depuis neuf ans… neuf ans… celui où on décide d’aller boire un verre (d’alcool) avec des tapas (beaucoup) mais qu’on décide d’y aller à vélo parce que j’ai un VAE mais pas Mari alors le retour après le vin et le Gin, la montée c’est un peu plus dur pour l’un que pour l’autre mais ça fait rire autant l’un que l’autre.     


Croyez-moi, des choses à dire, à écrire dans ce blog, j’en ai.    


Mais la fin d’année scolaire m’a épuisée, siphonnée, vidée. Je suis arrivée au mois de décembre en bout de course, complètement au bout du rouleau. Cette année scolaire qui s’est terminée il y a un mois, je ne m’en suis pas remise, en fait, pas encore. 

C’est mon travail de prof, mon vrai boulot, qui m’a empêchée d’écrire puisque j’ai subi une fin d’année très stressante, qui m’a bouffé le cerveau, qui m’a dévoré d’angoisses, de sentiment  d’être prisonnière d’un système cynique, hypocrite, de toute une noirceur qui s’est engouffrée dans ma vie avec des histoires de réforme, de service, de collègues, de hiérarchie, ces histoires qui semblent minuscules, anodines, mais ne le sont pas. 


Et, même si ça peut sembler ridicule d’y ajouter ceci, la réélection de l’homme orange à la tête des États-Unis, comme un signe que l’humanité choisit de courir à sa perte, préfère l’obscurantisme, m’a grandement affecté, m’a inspiré un réel dés-espoir, sentiment de petitesse et d’impuissance face à un monde qui ne me va pas. 


Alors j’ai eu envie de couper, de prendre du recul, de me remettre en question aussi, de réfléchir à comment profiter davantage de ma famille, à comment vivre une vie qui est plus proche de mes valeurs. J’ai eu besoin de couper court à tous les à-côtés dont la futilité m’est soudain apparue en pleine lumière. Je me suis dit, en même temps que la fin d’année languissait et que l’humanité élisait le reculons: combien de temps est-ce que je passe devant Youtube? Trop. Combien de temps est-ce que je passe sur les réseaux sociaux? Trop. Et, au-delà de ça, combien de temps je passe à stresser qu’il faut que j’écrive plus, que j’écrive des mails, que je contacte telle ou telle personne pour faire connaître mon travail?

Quelles décisions ai-je prises, alors?


Prendre soin.

Prendre le temps.

Prendre le temps de prendre soin.

Prendre soin de moi.

Faire un tour de vélo (à assistance éléctrique, le même que ci-dessus, oui) au lieu de me jeter sur mon ordinateur parce qu’il faut que j’écrive mon billet de blog. 

Lire un livre le soir au lieu de de me jeter sur mon ordinateur parce qu’il faut que j’écrive mon billet de blog.  

Prendre soin de mes enfants et faire des sorties avec eux plutôt que de tourner ma journée autour du temps-télé du début d’après-midi pour que je puisse terminer mon prochain billet de blog.

Prendre soin de mes parents, prendre le temps de jouer avec eux à des jeux de société au lieu de me jeter sur mon ordinateur parce qu’il faut que j’écrive mon billet de blog. 

Prendre le temps pour mon couple, prendre soin de mon mari, discuter avec lui, le soir, regarder une émission ensemble, lui tenir compagnie pendant qu’il bricole dans le jardin, parler de nos enfants, se retrouver un peu et retrouver notre belle entente, regarder les différends qu’on a pu avoir ces dernières années, et les regarder sous un jour nouveau, comme des choses du passé, des épreuves réussies. 


Alors tout ça mélangé, et le fait que j’ai senti qu’il fallait que je fasse, un peu, table rase, pour laisser éclore un projet, un quelque chose que je sens monter en moi, a voulu dire raccrocher momentanément le tablier de mon blog, faire une pause de ce format, faire un pas de côté de mon hygiène productiviste. 

Je n’ai pas arrêté d’écrire, pourtant, non, j’ai même repris ces dernières semaines, avec un nouveau projet. Quelque chose que j’ai laissé grandir, mûrir, quelque chose qui a des promesses, je le sens, ou je le crois. Un roman pour lequel j’ai besoin de faire de la place, en faisant un peu de vide - pour créer, les moments de vide, d’entre-deux, de loisir, sont essentiels


Ce roman a commencé sa descente, j’ai besoin, pour l’accueillir, de le laisser venir, à loisir. Il faut laisser venir ce que j’ai envie d’écrire, laisser naître, plutôt que de diriger cet accouchement en recourant aux forceps ou aux ventouse.   


J’ai eu besoin de prendre une longue pause de ce blog. Et j’en ai encore besoin.


À très vite.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Pas à l’abri d’une surprise
 

Batailles choisies #285

Mon mari prend son téléphone, appelle sa mère et lui annonce: ce week-end, tu prends les deux grands. Il vient de passer un niveau dans le game de la parentalité. Street Fighter II Turbo niveau Papa-Qui-n’en-Peut-Plus. 🤜🤛


 

Ce week-end, mon mari a l’air épuisé. Rincé. Exténué. Surtout découragé, en fait, à regarder ses enfants qui débordent d’énergie alors que lui n’en a aucune. Il a accumulé tellement de fatigue, les enfants, la pandémie, le changement de travail, les récentes nuits à travailler pour finir tel ou tel projet, les deux années passées sans prendre de vacances, que tout lui tombe dessus. Pourquoi ce matin? Sait-on jamais?


Il me dit qu’il n’en peut plus des enfants. Il me le dit avec le sourire, un ras-le-bol joyeux que je connais bien, quand on commence une journée en se demandant comment on va arriver à la finir. Il me le dit en riant.

C’est un chouette moment de complicité entre nous, puisque je sais bien ce que c’est de se lever certains jours et de se dire qu’on n’en peut plus et quand est-ce qu’on va pouvoir avoir une vie, enfin?

On se regarde par-dessus nos cafés, on rit un peu, et je lui dis:

-Mais tu sais pourquoi ça te fait cet effet aujourd’hui? Pourquoi particulièrement aujourd’hui? Parce que c’est le premier week-end qu’on passe tous les deux seuls avec nos 3 enfants.

-Quoi? Tu es sûre?

-Ben oui. Quand Dernier est né, il y avait mon père, puis ma sœur. Quand ils sont partis, on est allés se confiner chez ta mère. Là, on n’est plus que tous les deux.

-C’est vrai!

-Ça, se lever et n’en plus pouvoir, cette fatigue que tu ressens, c’est notre vie. C’est notre vie normale. 

Ce n’est pas une discussion tendue, au contraire, c’est léger, on rigole, on tombe d’accord: eh oui, cette vie de merde, ben c’est la nôtre


Mon mari continue de ruminer devant sa tartine et dit:

-Non, non, j’en ai marre. J’ai envie qu’on parte, juste tous les deux. Tchao les gosses, juste toi et moi, on commande à bouffer et on regarde des séries.

Eh, ben… on n’est pas à l’abri d’une surprise.

-Très bien, moi je suis pour, hein… mais ça me semble un peu ambitieux! Pour Dernier qui est allaité, déjà, mais même pour Milieu: il n’est encore jamais resté avec quelqu’un d’autre que toi ou moi. Ta mère ne veut pas le prendre parce qu’elle a peur que ça se passe mal.

-Ah non, ah non, ça y est, non, j’en ai marre, trop, c’est trop. 


La journée poursuit sa course, je me dis qu’il ne va rien se passer, ce ne serait pas la première fois qu’on nous oppose une inquiétude tellement forte qu’elle vaut fin de non-recevoir.


Dans l’après-midi, je l’entends discuter au téléphone, bizarre, il n’aime pas bien appeler. Il raccroche et me dit:

-C’est bon, tout est organisé.

-Ah?

-Le week-end prochain, elle prend les grands. 

Il ajoute: “Tout le week-end”, parce que ce n'est pas une mince affaire d’imposer ça comme ça.

  

Je n’ose, depuis, me réjouir de ce week-end où on n’aura pas à gérer les disputes entre les grands. Je n’ose me réjouir surtout du précédent que ça peut créer. Je n’ose anticiper, parce que les enfants vont bien nous pondre un mauvais plan, genre cas de Covid à la crèche, ou fièvre carabinée.


Mais bon. On n’est pas à l’abri d’une surprise.


D’autres batailles ⭣

Heloise Simonmari, pause