Mollo
 

Batailles choisies #601

3 enfants, une maman et un papa, entrent dans un square. Qui en ressort le plus fatigué? 🦖


 

Et maintenant… on joue… à chat perché!

Oh… non! Chat perché! Mais franchement, ils peuvent pas jouer tout seuls, les gosses!

Oui parce qu’après, avoir joué à la course, à cache-cache derrière les herbes hautes, à chat, après avoir fait du vélo, de la trottinette, voilà qu’il propose autre chose… et chat perché en plus… “Non, pas chat perché”, lui répondent les enfants.

… Ouf, me dis-je…


- On va jouer au velociraptor, hurle gaiement Milieu! Tonton, tonton, toi tu mets ici, et tu dis à Maman que là-bas il y a un parc avec des dinosaures, et tu vas nous regarder avec des jumelles et nous, on est les vélociraptors.


Mon beau-frère, que j’aime beaucoup, est un enchanteur d’enfants. Il a une présence, une disponibilité pour eux, une attention qui en fait, immédiatement, leur favori. Et puis, en ancien chef scout, des idées pour occuper les gosses, il en a plein, toutes plus créatives et éducatives les unes que les autres. Vraiment, c’est admirable. Le seul problème, c’est que, ben, moi… je suis moins admirable. Je suis moins éducative. J’en ai beaucoup plus marre d’occuper des gosses et surtout, j’ai beaucoup plus d’enfants. Alors pendant que le G.O. mini-club tape dans les mains pour passer à l'activité suivante, assise sur un banc, je suis très mollement le jeu des yeux. 

Nous sommes à la place avec Milieu, Dernier et Nièce. Mon beau-frère a une fille un peu plus jeune que Dernier et, en bon père d’une seule fille, en homme qui est aussi un père stressé, en parent très éduqué, très impliqué, il s’occupe sans arrêt d’elle. Là, présentement, par exemple, Nico est en train de faire le velociraptor, grogne préhistoriquement en direction de mes enfants, qui s’en émerveillent. Il n’abandonne évidemment pas sa propre fille, qui s’est mise sur le côté, davantage habituée à des jeux plus tranquilles, ou plus intelligents. Mon beau-frère, pour ne laisser personne exclu, s’évertue à trouver autre chose… carbure, carbure pour une activité qui réunirait tous les enfants, tant et si bien que ses pieds finissent par dessiner trois cercles: 

- Les enfants, ici, dans ce cercle, c’est la maison. Ce cercle-là, c’est la forêt, et celui-là, c’est l’hôpital. Je me mets entre les cercles, je dis dans quel lieu vous devez aller et j’essaie de vous attraper! Allez, forêt! Hôpital! Forêt! Maison! Hôpital! Maison!  


Oh la la la, mais cher beau-frère, vraiment, je t’en supplie… vas-y mollo! Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi tu ne les laisses pas jouer tous les trois? Regarde, là, ils grimpent sur les jeux en bois, on n’est pas obligés de les suivre…


Ahh, mais bien sûr, Nico est stressé et n’a qu’une fille. Il a donc peur qu’elle tombe, qu’elle se fasse mal, il se précipite pour régler des disputes à peine naissantes quand, de mon côté du spectre de la parentalité (le côté épuisé)… ben, mes garçons se sont pris tellement de gamelles que je ne me lève que s’il y a du sang, je ne joue avec eux que par stratégie, pour qu’il dépensent toute leur énergie et que tout le monde dorme bien ce soir, je ne fais plus rien d’éducatif, trouvant qu’on en apprend beaucoup à bidouiller tout seul dans des plantes. Tant pis, alors, pour l’anticipé moment de partage avec mon beau-frère qui, contrairement aux enfants, a disparu dans les buissons. 


Après quelques minutes d’un jeu effréné dans les cercles, Nièce, soudain, ralentit sa course, trottine, avant de mettre un genou à terre en geignant. Son père accourt et demande: “Tu es fatiguée, ma chérie?” Nièce chouine un oui qui sonne la fin de la sortie, tout le monde rentre à la maison, mes enfants traînant des pieds et faisant la gueule parce qu’ils voudraient encore jouer aux velociraptor, ou à n’importe quoi d’autre où il faut courir et hurler.


Trois déçus et deux fatigués se dirigent vers la maison, chacun occupé à ses pensées, au déjeuner futur, à trouver des activités pour remplir l’après-midi, au prochain jeu ou à la sieste venante. Ce que je retire de ma sortie? Oh, mais une culpabilité de n’être pas plus active autant qu’une grosse fatigue des parents très présents et surtout, une envie, une envie jalouse, d’avoir des enfants plus tranquilles. Attends mais attends, ça existe des enfants qui se fatiguent? Et mieux, des enfants qui sentent et disent qu’ils sont fatigués! Mais, mes enfants à moi sont des piles, ils ne sont jamais fatigués! Lorsqu’ils sont crevés, il n’arrivent pas à le dire, non, ils ne savent que le hurler sous forme de caprice, de colère ou de chouinerie!

Quelle envie…. Oh, mais quelle envie, d’avoir, ne serait-ce que pour quelques heures, un enfant qui dit clairement, mais pas trop fort, Maman, vas-y mollo!


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Fleurir - la 600e
 

Batailles choisies #600

Être parent, c’est aussi se tromper sur toute la ligne avec son enfant… et trouver que c’est merveilleux - un post tout en tendresse pour la 600e Bataille Choisie. 🌹


 

Grand ne sait pas se faire des amis.

Grand joue tout seul dans la cour de récré, c’est très inquiétant…

Grand est trop exclusif dans ses amitiés.

Grand n’a que des amies filles.

Grand n’aime pas le sport.

Grand est têtu et a peur de la nouveauté.

Grand ne sait pas se dépasser ni dépasser ses peurs.

Grand n’a pas le sens de l’effort.


Qu’elles me paraissent désormais lointaines, et ridicules, toutes ces inquiétudes que Grand a balayées en quelques mois! 

Ah oui, parce que, désormais, Grand veut inviter toute la classe à son anniversaire- ben oui, me dit-il en riant, je suis ami avec tout le monde!

Grand est invité chez un ou chez une amie un week-end sur deux.

Grand s’est pris de passion pour l’escalade et demande d’en faire tous les jours, ou au moins une fois par semaine si c’est pas possible tous les jours. 


Et qu’ai-je fait pour qu’il change ainsi?

Rien.


Grand qui a plein d’amis et ne reste pas accroché à ses premières amitiés, c’est déjà une fleur, une douce fleur des champs; Grand qui adore l’escalade, c’est la plus belle des fleurs, une rose splendide, c’est l’épanouissement de ce gosse empoté qui n’avait pas une once de coolitude, et qui n’est pas du tout celui que j’avais peur qu’il soit: Grand a commencé à fleurir, il a pris une couleur à laquelle je ne m’attendais pas, il lui pousse et pousse des ramifications et des ramages verts et jeunes, doux et tendres, magnifiques. Il est plus que capable d’être sportif, de faire quelque chose de nouveau, de se dépasser, de se prendre de passion pour un sport, d’aller au-delà de ses frustrations et de ses peurs, de rater une voie et de s’acharner pour la réussir, de vouloir faire des voies de plus en plus dures.  

C’est un plaisir immense que d’avoir tort, quand on est parent, un plaisir que je goûte pour la première fois avec une telle intensité, un plaisir fou que d’ouvrir la pochette surprise qu’a laissé traîner notre enfant, et d’y trouver la preuve de son indépendance, de sa force de caractère, la preuve qu’il prend ce que nous lui donnons, mais qu’il s’en sert pour ouvrir sa propre voie, la preuve aussi que ses parents ne sont pas les seuls à donner à boire à cette plante, que l’école, son maître, ses camarades, d’autres membres de la famille lui en donnent aussi. 

J’ai bien le droit, alors, non de me reposer sur mes lauriers, mais de me tranquilliser un tout petit peu et de regarder pousser cette plante, de me dire qu’on lui a donné un terreau pas trop mauvais, de trouver, pour un bref instant avant le cycle suivant des inquiétudes parentales, que notre travail parental porte, parfois, ses fruits - délicieux et exotiques.


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