Sur un coin de table
 

Batailles choisies #641

Les discussions sur la littérature surgissent parfois des coins de table - l’écriture aussi. 🪄


 

À la table du petit-déjeuner où, ce matin, nous nous attardons quelques miettes et moi, je discute avec un ami magicien de mon père, en séjour en Normandie, comme nous. On parle de sa magie, de son parcours, il est agréable et affable, modeste. Il sait que j’écris et s’intéresse à mon blog: d’où vient-il, depuis combien de temps je l’écris, quelle place a-t-il dans mon travail d’écrivaine et dans ma vie. 

- Avec les enfants, ce n’est pas facile de faire exister ce travail, de lui dédier de l’espace mental et du temps physique… d’ailleurs, j’aimerais continuer à discuter avec toi, mais j’entends les enfants qui m’appellent/se chamaillent/veulent aller aux toilettes. 


Le même ami est invité pour un café quelques heures plus tard, après le déjeuner, au moment du temps calme de mes garçons (entendez: le moment-télé), le seul où je peux travailler en étant à peu près tranquille, même si la télé ne me dispense pas de m’occuper aussi des garçons qui m’appellent/se chamaillent/veulent aller aux toilettes. 

Mon père et son ami s’installent dans le canapé, où ils engagent une discussion technique évidemment magique.   

Sur un coin de table, au milieu du salon, j’ai sorti mon ordi et j’écris mon prochain post de blog. Soudain, tout en continuant son analyse de spectacle faite à voix très haute, mon père me propose un café qu’il me sert à grand renfort de bruit de Nespresso. L’ami magicien lance un regard vers moi et s’excuse de faire autant de bruit et sans doute, pardon hein, de m’empêcher de travailler.


Ah mais non, vous ne m’empêchez de rien du tout!

Je vais finir mon post de blog, oui. Je vais le finir dans le bruit de la cafetière, avec les télés des enfants en fond sonore, au milieu d’une discussion sur un tour mathématique, en échangeant quelques politesses et questions réellement intéressées, en servant parfois de l’eau qu’on me réclame d’une voix aiguë - dans ce brouhaha, au beau milieu du salon, je vais écrire sur un coin de table.


Et là, ça fait tilt: je fais de la littérature de coin. Ben oui, c’est évident: j’ai toujours le coin de l’œil sur mes enfants parce qu’il faut bien éviter qu’ils ne se tuent; j’ai souvent un sourire en coin lorsqu'ils me disent des bêtises ou des mignonneries qui vont certainement terminer dans une des batailles choisies de la semaine; écrire est, certes, un temps pour moi, un espace réservé, mais je n’écris en réalité que le cul posé sur un coin de chaise, toujours prête à bondir à la moindre demande, au moindre éclat de voix; mon écriture vient des quatre coins de ma vie, aussi, même si je n’écris jamais mieux que lorsque je suis acculée dans un coin, serrée de tous côtés par les obligations qui me filent des points aux côtés quand, par exemple, l’un des garçons interrompt mes envolées littéraire pour m’informer qu’il va au p’tit coin.

Tilt, donc, je fais de la littérature de coin, et surtout, de coin de table: j’ouvre mon ordi dans la cuisine pendant que les enfants s’occupent (miraculeusement) gentiment tout seuls, je branche mon ordi dans la salon alors qu’hurlent Pat’ Patrouille dans la pièce de droite et Mario Kart dans celle de gauche, je cherche le mot qui irait mieux dans cette phrase, pour traduire ce sentiment complexe au moment où se lèvent des hurlements de goret (j’arrive, mais pas avant de l’avoir trouvé, ce mot).


C’est sur un coin de table que j’écris et existe. J’aimerais avoir un beau bureau, un de ces bureaux d’écrivains du 19e siècle, dans un manoir ou une villa, vaste espace, bois foncés, temps extensible donnant sur une fenêtre, un jardin et de hauts arbres. J’aimerais avoir cette chance de dire que je vais écrire pendant trois ou quatre heures, ou surtout de ne pas le dire, avoir la chance que la vie de famille coule sans moi. 


Il est vrai que j’en ai souvent marre de ranger, de fait, mes ambitions littéraires dans un coin, vrai aussi que je m’épuise à faire exister ce travail alors que je n’ai pas le temps, pas l’espace, pas la liberté de créer, d’écrire. 

Mais je continue, sur mon coin de table. 

Parce que sans doute, c’est une place qui n’appartient qu’à moi. 

Parce que, je crois, j’y crois, depuis cet endroit-là, on voit autre chose, on vit et on écrit, on fait exister tous les coins et recoins de la vie de famille.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Jeux de cons
 

Batailles choisies #640

Où mon fils aîné est un c**, parfois gros, parfois p’tit, souvent vraiment, parfois pas du tout. ⛳️


 

Mon fils aîné joue les p’tits cons, des fois. Ah, mon Grand… je l’aime, le trouve intelligent, curieux, mignon, serviable, vif, plein d’humour, ah mais oui, bien sûr! Mais, d’autres fois, je trouve que c’est un petit con. Par exemple, là: il n’avait pas envie de sortir de l’hôtel où nous passons nos vacances. Mais j’ai promis à son père de le rejoindre pour qu’il ne soit pas seul avec nos deux petits. Je dois expliquer, insister, demander de la coopération, exiger de la gentillesse. Je reçois donc une attitude de tête à baffes, de coups de pied au cul qui se perdent, de p’tit con, quoi: Grand traîne des pieds, met son pull à l’envers, a soudain envie d’aller aux toilettes, finit par sortir, marche juste devant mes orteilles pour me faire trébucher, rit comme un imbécile et met le feu aux poudres de mon amour maternel.   


Enfin, ce n’est pas, non, que Grand soit un p’tit con. C’est qu’il joue au con. Il joue au con avec ses frères, répétant “moche”, “bête” ou “tais-toi” jusqu’à ce que des larmes coulent sur leurs joues, ou que des cris sortent de leurs gorges. Là par exemple, Dernier a dit qu’il avait soif, Grand a terminé son verre et lui répète qu’il n’y a plus d’eau, que l’eau, c’est fini - non! - c’est fini - non! - c’est fini - non!   


Il faut dire aussi qu’ils en font, des jeux à la con. Là par exemple, Grand, Milieu et Dernier s’amusent à faire les taureaux avec des cubes et cylindres en mousse. Ils se précipitent les uns sur les autres avec ces coussins pour bélier, éclatent de rire ou éclatent en sanglots en fonction de la force à l’impact.


En même temps, est-ce que je veux vraiment que Grand continue de faire ses jeux cons cons, là, quand il fait des historiettes de Mochis Squishy qu’il a achetés avec son argent de poche, juste parce que ses super copines de l’école en ont et que lui aussi veut faire partie de ce club rose-bonbon et kawaï? Ça m’exaspère souvent, ce côté girlie idiot auquel il veut appartenir, même si je m’empêche de critiquer, essayant juste de l’inciter à être moins… con con.   


Encore un parcours de mini-golf! Oh la la, Grand, je n’en ai pas très envie! J’en ai franchement marre de ce jeu… si? Si? Tu as vraiment envie? Et tu es en vacances? Oui, bon, si vraiment ça te fait plaisir, on retourne faire le 18 trous de mini-golf de l’hôtel. C’est juste que… c’est un jeu de cons, regarde il faut taper vingt fois la balle, le parcours a été mal construit, sur un terrain en pente, la balle revient au point de départ dans 14 des trous, dans les autres, elle passe par-dessus des rebords trop bas. Franchement, qui est le con qui a conçu ce mini-golf? 

Grand est bien choupi, malgré tout, il m’encourage, me donne des conseils, me propose de me donner quelques uns de ses points, pour que je ne perde pas de façon si honteuse.


Je joue à un con de jeu mais j’ai tout de même un amour de fils.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣