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Un jeu d’enfant
 

Batailles choisies #510

Page publicitaire auto-promo: Un jeu d’enfant, prose et parentalité, est un très bon livre. Achetez-le. Lisez-le. 😇


 

AVERTISSEMENT: Je suis une des contributeurices de l’anthologie Un jeu d’enfant aux éditions de L’Allumette (et j’en suis ravie, fière et heureuse). Tout éloge pourra donc être parti-pris. 


En même temps, ce livre est bien - faudrait-il que je le cache? Quatorze récits de mères et parents, quatre interviews de mères écrivaines ou d’écrivaines mamans (une autre version de l'œuf et de la poule), faudrait-il faire semblant que ça ne va pas être étincelant?

Dès que j’ai reçu le e-book, je me suis jetée dessus. C’est dire comme cette anthologie est belle, douce, prenante, tenaillante, puisqu’au milieu de ma fatigue, au milieu de mon marathon quotidien et au milieu de mes enfants, j’ai joué des coudes avec mon temps qui s’envole et j’ai lu du premier au dernier mot.  

Lire d’autres mères et d’autres parents m’a fait un bien fou, lire des récits de vie que je n’ai pas vécue, d’autres vies de parent que la mienne, de césarienne, de RGO, de “vraie maman” et de “l’autre maman”, d’Unité Mère-Enfant, de mue, de robe citron, d’heures à regarder le plafond, d’insomnies, de doutes, de douleurs qui immobilisent des mois durant. À moins que… je n’ai vécu cette vie-là de mère, aussi? Camarades contributeurices, j’ai eu l’impression de toustes vous connaître! Nos expériences sont proches et éloignées les unes des autres, uniques et similaires, différentes et identiques. 

Qu’est-ce qu’être parent, alors, d’après nous? Pas un jeu d’enfant, apparemment puisque de nos textes ressort l’impression d’être nul.les, incompétent.es, d’être dans une impasse, de ne pas savoir, faire, dire, agir, de vivre des épreuves plus épiques que celles d’Ulysse, d’Achille, ou de Gilgamesh - tant qu’ils n’auront pas à leur actif l’exploit d’habiller un bébé récalcitrant, ils pourront aller se rhabiller. C’est bien quelque chose que nous avons en commun, quelque chose de fort, de positif: de nos textes, de nos vies, nous sommes sorti.es grandi.es, comme (ou plus encore) que les héros de l’Antiquité


Au milieu de ces vies racontées, quatre écrivaines disent leur lien entre prose et parentalité: ce qu’est être parent et écrire, ce qu’est être parent et l’écrire. Ça aussi, ça m’a fait un bien fou de le lire, pour moi qui vit intimement, tous les jours, cette tension folle d’être parent, d’écrire, d’avoir des enfants et de continuer à écrire.


Je suis passée de texte en texte et d’interview en interview en souriant, en riant, en pleurant, en gardant au fond de moi l’exigence de bienveillance, de gentillesse et de combat qu’est la parentalité - comme un jeu d’enfant, finalement… 


À mes sœurs et adelphes contributeurices, j’ai envie de dire: merci. 

Merci à Frédérique, notre éditrice, de rendre visibles nos existences de grandes et petites joies, peines, pleurs, rires, merci d’être têtue et de montrer que parentalité et littérature ne clashent pas mais vont main dans la main,  

Merci à Marie, pour ta colère qui, propulsée par la fatigue, devient rage de vivre,

Merci à Coline, pour ta maternité triviale, que tu prends au sérieux, celle qui ne désespère pas mais exige de vivre,

Merci à Sandrine, parce que tu montres avec douceur que le mot “maman” a beaucoup de couleurs

Merci à Laurie V., parce que tu t’es trouvé.e et non perdu.e dans les boucles de tes enfants,

Merci à Claire, pour les fuck off lancés au vent et aux vêtements genrés de bébé qui empêchent les corps et les esprits,

Merci à Virginie, parce que tu laisses chaque événement de femme prendre sa place en littérature,

Merci à Alice, parce que tu détricotes la fable du bonheur qui t’a retenue prisonnière et que tu tisses celle qui libère,

Merci à Danielle, parce que tu as exploré ce qu’est être mère quand un accident de la vie t’a empêchée de l’être comme tu l’imaginais - s’il t’a rendue un peu autre, tu es restée la meilleure mère possible,

Merci à Tiphaine, parce que ta souffrance autant que ton amour sont moteurs pour tes filles, parce que tu as raison de vouloir être visible,

Merci à Sophie, pour le package “écrire fait partie de ma vie”, écrire à tout prix, écrire sur tout, qui est tellement inspirant, pour “l’ambivalence entre le moche et le beau” de la maternité,

Merci à Anaïs, parce qu’on peut naître mère dans une pièce qui sent le médicament, qu’on peut faire naître trois adultes en même temps,

Merci à Fabienne, parce que tu dis des gros mots de maternité: les “jamais”, les larmes, les “tu es nulle” qu’on se crie à soi-même sans oser le dire, les “ça me fait du bien d’être loin de mon bébé”, 

Merci à Anne-Sophie, parce que c’est bien vrai que nos textes, comme nos enfants, ne seront jamais aussi propres que ce dont on rêverait, 

Merci à Julie, parce que j’ai vécu les hauts et les bas, les rires et les larmes, les pics de bonheur et les chutes dans l’angoisse comme si j’avais été là, avec un bébé qui hurle à gorge ouverte dans un monde où tout a fermé,

Merci à Elisa, pour ces mots qu’il faudrait dire, tous ces éclats de maternité qui sont lancés sur nous, qu’on attrape au vol, qu’on évite, qu’on prend en plein cœur, comme l’amour de nos enfants, 

Merci à Déborah, parce que tu montres les mille feuilles de nos désirs d’être mère, parce qu’on n’est jamais prêtes, qu’on se dit… en fin de compte… un magnifique et murmuré peut-être,

Merci à Maude, pour le ciel des femmes admirées, pour leur corps qui porte tous les possibles, tous les pouvoirs, pour la maternité qui repousse les limites et apprend à être indestructible.


Merci à vous toustes qui avez mis le feu! Je suis très heureuse et fière de faire partie des allumeureuses. 

Longue vie à notre anthologie Un jeu d’enfant


Que son feu éclaire les plus sombres cavernes!


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

À Sancho
 

Batailles choisies #275

À quoi sert mon mari? Don Quichotte m’aide à répondre à cette épineuse question. 🛡


 

J’ai dédié mes deux premiers livres à mon mari: la dédicace dit “à Sancho”, un surnom d’après un personnage du Don Quichotte de Cervantès.

Depuis dix ans, mon mari et moi nous amusons que l’un de nous est Don Quichotte, le chevalier un peu zinzin du roman, et l’autre est Sancho, son fidèle serviteur, admiratif autant que las, souvent résigné et constamment inquiet pour l’homme à la triste figure. 


Ai-je besoin d’expliquer lequel est lequel dans notre couple? 

Don Quichotte, c’est celui qui vit des aventures, même ridicules, souvent illusoires, celui qui s’engouffre avec toute son âme dans des idées fixes sans fondement mais avec une certaine poésie, celui qui n’a pas peur d’affronter des ennemis imaginaires avec des moyens dérisoires.

Sancho, c’est celui qui, derrière le chevalier, porte les sacs sur son baudet.

Lui et moi nous reconnaissons bien dans cette dynamique, les deux personnages n’existant pas l’un sans l’autre. J’ai des dizaines d’idées et autant de projets, qui parfois prennent l’eau, parfois font de mauvaises rencontres, parfois fonctionnent alors que personne ne misait une peseta dessus. Lui m’accompagne, lentement mais sûrement avec son mulet, y portant tout ce qui nous permet de former famille, papiers de banque, charge administrative, optimisme tranquille. Je trouve les deux personnages également sans gloire mais pleins de personnalité. 

Le compagnonnage entre ces deux personnages riches et attachants est d’ailleurs ce que je trouve le plus touchant. Il faudrait que je le relise, mais j’ai des souvenirs des conversations entre les personnages, joyeuses et désenchantées, légères et ironiques, qui nous collent bien à la peau:

-Oh, regarde, chéri, des moulins! J’y vais, ne me retiens pas!

-Chérie, prends au moins une assurance accident corporel!

-Mon amour, nous allons prendre les enfants et partir au bout du monde vivre dans une roulotte!

-On revend la voiture, alors?  


Je ne sais pas si je dédierai mes prochains livres à Sancho. Je ne sais pas si je dépasserai cette impression que la dédicace manque de naturel. Je la trouve un peu artificielle, comme la marque d’une écrivaine plus jeune, manquant de confiance. Mais je pense à Nabokov qui a dédié tous ses livres à sa femme Vera et j’aime cette route parcourue à deux, l’un cliquetant dans son armure rouillée, l’autre cahotant cahin-caha à hue-dada.

Ce dont je suis sûre, en revanche, c’est que Sancho est aussi important que Don Quichotte et qu’il est partout, à mes côtés, dans mes livres et dans tout ce que j’écris. 


D’autres batailles ⭣

Heloise Simonmari, écrivaine