Jusqu’à l’infini et en-deçà
 

Batailles choisies #648

Trois histoires de mon p’tit malin, mon p’tit filou, mon p’tit coquin, Milieu, enfant craquant, régulièrement mimi, souvent mi-ange, plus souvent encore mi-démon. ✨


 

MILIEU - J’aime Papa jusqu’à l’infini!

MAMAN - Oh, mais c’est beaucoup, ça! Et Maman?

MILIEU - Maman, je l’aime jusqu’à l’infini!

MAMAN - Oh la la, quelle chance j’ai! Et Dernier?

MILIEU - Dernier? Des fois, je me dispute avec lui, mais je l’aime quand même jusqu’à l’infini!

MAMAN - Il en a de le chance, de t’avoir comme frère! Et Grand?

MILIEU - Grand? Je l’aime jusqu’à 20.


*


C’est samedi après-midi, l’heure du temps télé pour les enfants. C’est un moment sacré, pour eux comme pour nous. Chacun choisit ce qu’il veut, tant que les enfants se taisent et que se tait en même temps qu’eux ma culpabilité, ça me va. Il faut anticiper, toujours anticiper, c’est la sacro-sainte règle et la terrible discipline dont l'observance est essentielle, alors un petit sondage des âmes et des envies me permet de faire des groupes, Grand avec Milieu en bas dans le bureau de Papa, Dernier en haut dans la chambre de Papa et Maman, ou bien les trois avec le même film ou bien Milieu et Dernier ensemble si Grand regarde quelque chose qui ne convient pas? Pour ceux qui partagent, il faut donc être patient, il faut accepter de finir de regarder cet épisode des Ninjagos, ou cette vidéo de Tom et Jerry

Et le patient… ben, c’est toujours un peu le même: Milieu. 

Milieu attend son tour pour choisir pendant que Dernier finit de regarder une vidéo fort longuette d’unboxing de camions playmobils sur Youtube. Milieu se plie aux desiderata de Grand qui regardera cette vidéo de géographie à laquelle il ne comprend rien. 


Milieu, néanmoins, a dû cogiter sur l’injustice d’être l’enfant du milieu, l’éternel bouche-trou car aujourd’hui, son aîné n’étant pas là, la place est libre dans le bureau de Papa. Ce qui veut dire que lui pourra non seulement y aller, mais en plus, pourra choisir ce qu’il veut regarder. Ce qui veut dire qu’il faut que Dernier ne sache pas que la télé du bureau est libre. Ce qui veut dire qu’il faut qu’il monte pour regarder dans la chambre, sans le voir entrer dans le bureau.     


Dernier, Dernier, tu sais quoi? Maintenant, tu vas regarder la télé, oui! Tu vas regarder des vidéos de camion! Oui, vas-y, monte dans la chambre de Papa et Maman! Et tu vas regarder touououououos les camions que tu veux!


Dernier, tout heureux, tout joyeux, monte à grands pas les escaliers et laisse dans son sillage un Milieu qui, retenant difficilement un sourire de p’tit futé, ferme rapidement la porte du bureau.


Enfin seul.


*


Mon Milieu, je le trouve si mimi.

C’est un p’tit curieux, qui pose plein de questions.

C’est un p’tit malin, qui a plein d’idées pour contourner les affaires qu’il n’a pas envie de faire.

Le problème, c’est que les p’tits futés… ben, ils ne sont ni coopérants, ni serviables, ni obéissants.

Mon Milieu, je l’adorerais sans limite s’il n’était pas aussi insolent!

MAMAN - Mais, Milieu, enfin, on doit demander avant de prendre le téléphone de Maman!

MILIEU - Non, c’est moi qui l’ai pris en premier.

MAMAN - Mais c’est le mien, c’est pas toi qui décides.

MILIEU - Et puis d’abord, Papa, c’est le plus âgé de la maison, donc c’est lui qui décide!

MAMAN - Milieu, tu ne me parles pas comme ça!

MILIEU - Toi, tu ne sais rien, d’abord. Et je ne t’aime pas.


Mon Milieu, je l’aime jusqu’à l’infini - ou juste un peu en dessous.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Pour le mieux
 

Batailles choisies #647

Se couler dans la vie des enfants parce que la vie de mère, c’est se mettre en pause, ou se mettre au rythme des autres, le soir, la nuit, et à 6 h du matin.  🕕


 

Mon portable est formel: il est presque 6 heures du matin.

Mes yeux sont formels: j’ai assez dormi.

Ma réalité est formelle: je ne peux pas me lever.


J’ai envie de me lever. Envie de descendre discrètement dans la cuisine. Envie d’ouvrir mon ordinateur. Envie de faire vrombir notre machine à café flambant neuve, beau bolide qui moud le grain et fait flotter dans l’air une odeur de dimanche. Envie de boire l’amère breuvage à petites gorgées. Envie d’écrire. 


Il est six heures du matin et je veux aller travailler. C’est une énergie qui me pousse, une force qui vient de ce que je souffre d’un terrible sentiment d’échec en ce moment. J’ai l’impression de ne plus être écrivaine, d’avoir regardé, sans voir ou sans comprendre, ma vie se faire dévorée par mes autres vies, vie de mère de famille, vie de prof surtout. Mon deuxième roman est au garage, et menace de terminer son existence à la casse comme deux autres romans que j’ai écrit il y a dix et quinze ans. Je ne me sens écrivaine que parce que je m’accroche à mon blog, que je tiens avec acharnement et dans lequel j’ai de plus en plus souvent l’impression de perdre mon âme d'écrivaine au lieu de m’y épanouir.


Mais, tant pis, chasse les idées de déprime, de blues, de sombre, et appuie-toi sur cette envie de te mettre au travail. Je pense, je veux croire, que si je retrouvais un meilleur régime de travail, je réussirais à sortir de cette spirale de sentiment d’échec. Ça fait d’ailleurs longtemps qu’elle me trotte dans la tête, cette idée, cette envie, d’un changement de rythme qui redonnerait de la place et de l’ampleur à mon écriture. Cela fait plusieurs semaines que je me réveille tôt, que je suis prête à commencer ma journée, que je pense à ce maudit roman, à ce post de blog, que j’ai des idées, que je veux.

Oui, oui, pourquoi ne pas mettre mon travail d’écriture le matin tôt, quand la maisonnée dort encore? La voilà, la sacro-sainte solution!


Tout doucement, je soulève les couvertures puis me glisse hors du lit. J’attrape mon portable, le bloque sous le bras ainsi que mes chaussettes antidérapantes, prends de l’autre main mon ordinateur, mon chargeur, mon casque, sors discrètement de la chambre pour ne pas réveiller Mari, ferme la porte derrière moi, ferme aussi, en passant, celle des garçons.

À pas de loup, je descends les escaliers, j’allume le chauffage en lançant d’intérieures imprécations au faible bip de la télécommande puis, après avoir pesé le pour et le contre de faire marcher la cafetière, son délice, son odeur et son ronronnement et avoir décidé que non, ça ne valait pas la peine de tout risquer, j’ouvre mon ordinateur et m’assois sur le canapé, une écharpe qui traînait dans l’entrée sur les épaules - à 6h12, il fait frisquet.

Je regarde mon document ouvert et commence à… 

Évidemment.

Dernier, en haut, s’est réveillé.

C’est tout ce que j’ai réussi à faire, ouvrir mon ordinateur. 

Évidemment, mon pari a échoué.

Dernier s’est réveillé trop tôt, n’arrivera pas à se rendormir, sera difficile ce soir et sans doute aujourd’hui aussi, et je n’ai pas écrit une ligne.


Je remonte en quatrième vitesse, me glisse dans le lit avec Dernier pour essayer, espérer, qu’il se rendorme et nous évite cette journée pourrie qui s’annonce, me tiens parfaitement immobile, parfaitement en suspens, parfaitement dépitée.

Je rumine, le regard collé au plafond, m’en veux, de ma naïveté, en veux un peu à ma vie et à mon fils. C’est donc ainsi? Le moindre écart, le moindre pas de côté, m’est interdit…

Il est si difficile de devoir sans cesse me couler au milieu des horaires des enfants, de devoir m’adapter, de ne jamais pouvoir arranger mes horaires et devoir sans cesse faire pour le mieux, c’est-à-dire m’arranger autour des horaires des enfants. Exister seule est encore impossible alors que j’aimerais tant qu’on ait des existences parallèles, chacun dans son truc.


Alors je reste là, à ruminer, à attendre.

À attendre.

Parce que, pour l’heure, c’est pour le mieux.


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