Gaz hilarant
 

Batailles choisies #693

Une baignoire, deux garçons, deux canards de bain. 🛁


 

La journée se termine et les humeurs sont en berne. Allez, allez, presser, presser, presser, débarrasser, ranger, aller au bain et au dodo, allez, allez. 19h40. L’heure du bain, l’heure des larmes contenues, l’heure où je ne souris plus. En revanche, dans la salle de bains… 

J’entends Dernier et Milieu, ensemble dans la baignoire, hilares. Évidemment, je vais devoir crier, évidemment, ils sont en train de faire les fous, ils ont mis de l’eau partout.


Ah non. J’ai mal entendu, mal anticipé et j’arrive comme un cheveu sur la soupe. Milieu et Dernier ont chacun un petit canard de bain, un jaune et un noir, trouvés dans je ne sais quelle pochette d’anniversaire et complètement oubliés depuis. Bof, pas les meilleurs jouets du monde. Pas de quoi se marrer…

Qu’ont-ils de particulier, ces petits canards qui ne paient pas de mine? Qu’est-ce qu’ils ont, qui provoquent ainsi la marade, comme le meilleur gaz hilarant?

Ces petits canards, posés sur le torse, la cuisse, une fesse, un bras, font les meilleurs bruits de prout

Oh… mais de ces bruits… que ni la bouche, ni même les fesses, ne pourraient faire aussi bien.

Oh… mais de ces bruits…

Des bruits de petits prouts

Des bruits de grands prouts

Des bruits de prouts gras.

De pet contenu.

De pet mouillé. 

Prout prolongé.

Prout fracassant.

Prout dérangé.

Prout timide.

Pet poli.

Pet dérapant.

Pet rugissant.

Pet perçant.

Prout goguenard.

Prout éclatant.

Prout mal à l’aise.

Pet discret.

Pet modeste.

Prout interdit.  

Prout facétieux.

  

Et ces prouts facétieux, petits, grands, gras, rugissants, goguenards, éclatants, mal à l’aise, dérapant, discrets, polis, contenus, font rire. Ils font éclater de rire, même.

De rire heureux.

Rire enfantin.

Rire gobelin.

Rire gargantuesque.

Rire radieux.

Rire réjoui.

Rire ébaudi.

Rire largué.

Rire fracassant.

Rire rugissant.

Rire prolongé.

Rires fraternels…

…et bientôt maternels.


Ils me font bien rire, ces petits coquins. 

Allez, prenez encore un peu de temps, de temps pour rire.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simonprout, rire, frères
Fatigué·e
 

Batailles choisies #692

De l’impossibilité de décider si on doit aimer et soutenir son mari ou le pousser dans les orties. 🥱


 

Dimanche, dernier de quatre jours d’un long week-end.

Premiers mots de Mari, au réveil: je suis fatigué.

Deuxièmes mots: j’ai mal à la tête.

Soupir.

Ce n’est pas le code Enigma. 

Ce n’est pas bien difficile à comprendre.

Ça veut dire: lève-toi et occupe-toi des enfants. 

Ça veut dire aussi: ne compte pas sur moi. 

Ça veut dire encore: je vais être de mauvaise humeur aujourd’hui.

Ça veut dire: tiens, je me déleste sur toi de ma charge parentale, émotionnelle et domestique. C’est cadeau.


J’ai vécu ce genre de réveil d’un matin de week-end si souvent depuis presque neuf ans, depuis que nous sommes parents que je m’y suis résignée. J’ai appris que ça ne sert à rien de se plaindre, de demander un relai, de dire que ce n’est pas normal que je sois toujours la première debout, que je sois toujours celle qui se prend la parentalité en pleine face dès le saut du lit.

Oui, parce que le réveil est un moment où être parent n’est pas un feu d’artifice. Je me lève après une mauvaise nuit, une nuit hachée, parfois entrecoupée de pleurs. Je sais qu’il n’y a aucune chance que je me rendorme. Je désespère parfois de voir le jour à l’extérieur, si sombre, signe d’une heure trop matinale, signe que l’espoir d’une grasse matinée est renvoyé aux calendes grecques. Je commence ma journée par les premières disputes (Non, Dernier, ne me touche pas les seins), par les premières résolutions de conflits entre frères (D’accord, je lis un livre, mettez-vous d’accord sur le livre, bon d’accord, un chacun, eh, laisse de la place à ton frère, mais sans vous pousser, enfin), ce travail émotionnel qui suce une énergie terrible. Je commence par penser aux autres - ne faites pas de bruit, ton père dort encore, chut, venez, on va descendre dans la cuisine, chut.

Alors, sachant que ces matins sont mon quotidien, que, pendant que j’ouvre les yeux sur un large faisceau fait résignations minuscules qui mettent à mal ma patience, Mari dort, peut-on accepter un autre matin de “tiens, occupe-toi des enfants, j’ai mal à la tête”?  


J’essaie, j’essaie d’être juste, de comprendre: Mari a une semaine de 45 heures de travail. Il a 15 jours calendaires de vacances annuelles. Il est en télétravail. Il est migraineux. Il s’occupe beaucoup de la maison, du jardin, des comptes, des assurances, de toutes les tâches qui fourmillent quand on a une famille de cinq. Il a passé les deux dernières années à rester avec les enfants malades, à les amener chez sa mère quand la crèche ou l’école les refusait, à s’adapter à l’emploi du temps des uns et des autres  Il est fatigué, oui. 


Mais quoi? Entrez dans la danse, dans la bataille? Reprocher que c’est toujours moi qui, que c’est encore moi que, que j’aimerais qu’il comprenne enfin que, et qu’il y ait un vrai changement. Je suis las de me battre sur ce point. C’est peine perdue. Il est plus éreintant de livrer bataille que d’accepter son sort. 


Il y a eu un équilibrage relatif de nos charges parentales et domestiques depuis quelques années, et les bons jours, les bons soirs, quand vient le temps du bilan du jour, je trouve que non, je n’ai rien à lui reprocher. Il n’y a plus que le sommeil, en termes de temps et de qualité, qui sont mon sacrifice à moi seule, et qui reste un point de tension, de rancoeur qui, je pense, ne sera jamais résolu et restera là, comme un reproche éternel, plus ou moins fort, plus ou moins latent, plus ou moins explosif.  


Je suis debout, là, au milieu du champ de bataille, avec mon drapeau blanc baissé, à attendre la suite du combat, à ne pas savoir s’il faut l’agiter ou bien reprendre les armes. Ou si de simples pourparlers de paix suffiraient. 

Juste, Mari: Tu sais, moi aussi je suis fatiguée.


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