La famille Bidochon va dans une jardinerie
Batailles choisies #106
En deux mots:
Sortie dans une jardinerie. Nous en revenons avec quelques plantes et beaucoup de honte.
Une des sorties préférées des hommes de ma famille est d’aller dans une jardinerie. J’insiste sur les hommes de ma famille, parce que la seule femme de cette famille se passerait bien de cette sortie, mais enfin, je fais appel à votre bienveillance et vous rappelle que cela ne fait qu’une petite semaine que nous sommes, partiellement, déconfinés et que donc cette course est pour l’heure une activité familiale parfaitement acceptable, voire attendue avec impatience.
Aujourd’hui, nous voici, masqués et badigeonnés de gel hydroalcoolique, posant petit, moyen, grand et très grand pieds à terre à la jardinerie de l’Étoile.
Mon mari y sera ridicule.
Grand y sera trop enthousiaste.
Petit me fera honte.
Je passerai pour une mauvaise mère.
La famille Bidochon va dans une jardinerie, quoi.
Mon mari est venu acheter un citronnier. On lui indique où se trouve la rangée des citronniers. Il hésite pendant bien dix minutes sur le meilleur modèle, puis se décide et amène maladroitement un gros pot qu’il dépose avec satisfaction devant la guérite qui sert de caisse.
-Monsieur, c’est un pamplemoussier.
-Ah, je n’avais pas vu!
Il ramène son pot erroné parce qu’il est bien élevé, et procède à la même opération. Nouveau pot devant la même guérite.
-Monsieur, là, c’est un mandarinier.
Il faut savoir que mon mari est celui qui a la main verte dans la maisonnée.
Grand est déjà venu plusieurs fois et a ses habitudes. Il se promène comme chez lui au milieu des pots agglutinés, petites plantes à l’avant, moyennes au milieu et les plus hautes à l’arrière. Il est tellement heureux de choisir sa nouvelle plante (aucune de celle qu’il a achetées avant n’a survécu plus de deux semaines) qu’il la porte bien haut en criant “Papa, papa, regarde, j’ai trouvé”, en dégommant cinq pots, en arrachant des fleurs et en écrasant des plantes grasses sur son passage.
Quant à Petit, c’est une terreur, un de ces enfants qui réconfortent les no-kids dans leur choix de vie. Il est à peine descendu de la voiture qu’il déniche une flaque de boue, il court après les chats du propriétaire en hurlant “tcha”, “tcha”, il arrache des mandarines, des oranges, tous les fruits colorés qui passent à sa hauteur et vide la terre des pots. Je tourne à peine les yeux sur Grand que je retrouve Petit dans le fond de la jardinerie, où se trouve la maison des propriétaires, en train d’essayer d’entrer dans leur voiture.
Il ne reste donc plus que moi, la maman débordée, la plus bidoche des 4, courant après son bambin, essayant de dire fermement mais à voix très basse parce que j’ai honte, non, on ne touche pas à ça, arrête d’arracher les mandarines, bon, Grand, tu as choisi ta plante, mais Petit, arrête, on va rentrer, bon, mon cher mari, tu veux pas demander qu’on te montre un citronnier au lieu de te balader avec tous les fruitiers…
Allez, on rentre, on rentre dans notre prison à quatre, ou au moins personne ne nous voit.