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La punition est levée
 

Batailles choisies #684

Une bien belle vue depuis la Pré-Cordillère: des champs labourés, des sommets enneigés et la presque fin du tunnel, là, juste derrière la chaîne montagneuse. 🌼


 

Dimanche, 9 heures du matin: 

- Dernier, ça te dit, on va faire une randonnée tous les deux?


Dernier répond immédiatement un oui enthousiaste, sautillant et battant des mains. Tout de suite, il sait ce que veut dire “randonnée”, demande où sont les chaussures, puis se met à préparer le pic-nic - une pomme verte, une barre de céréales et de l’eau. J’y ajoute une autre pomme verte (en cas de chute de la première), des biscuits au chocolat (j’ai de sérieux doutes sur le goût des barres vegan achetées par mon fils parce que l’emballage était joli), une deuxième bouteille d’eau (pour nettoyer les pommes chues). Je suis une mère expérimentée, après tout. Les sorties galère, ça me connaît, et les trucs et astuces pour les rendre un peu moins galères, aussi.  


À l’aventure!

On n’a que quelques centaines de mètres à faire pour arriver au morceau de montagne qui se trouve juste derrière chez nous. On marche main dans la main avec Dernier, on prend le temps de lambiner un peu, de regarder des insectes sur le trottoir, les herbes folles qui poussent dans les interstices du béton, puis on arrive à la montagne. Dernier attaque un sentier droit dans la pente pendant de longues minutes. Arrivé à une route en terre plus large, au milieu de la montagne, il s’arrête pour souffler. Puis, on s’assoit tous les deux pour regarder le paysage, qui est magnifique, toujours aussi magnifique. 

La Pré-Cordillère, en cette saison, a encore les aplats jaunes des fleurs sauvages qui la recouvrent au printemps et que l’été brûlera entièrement sous peu. La teinte des montagnes passe donc d’un vert encore profond sur l’ubac, à un jaune vif, à un brun sec déjà sur les versants d’adret. La vallée de Colina s’ouvre devant nous, avec les petites montagnes (dans ce pays où elles sont si hautes) qui l’entourent et que l’on voit, au loin, de tous les côtés. On distingue les champs, les canaux d’irrigation, les hauts arbres centenaires, les routes et les maisons d’hacienda. Quelques sommets sont encore enneigés. Le ciel gris par endroits, assez bas, et ses trouées bleues, révèlent les couleurs plus que ne le fait l’écrasant soleil de l’été. 

C’est magnifique. 

C’est toujours ce que je me dis quand je suis en plein air avec mes enfants. Qu’elle est belle, cette région dans laquelle nous vivons. Que nous avons de la chance. Qu’on a de la chance d’être là, tous les deux.       

Il fait une température fraîche parfaite. Les nuages, le ciel bas, nous offrent le répit à la chaleur écrasante qui va bientôt s’emparer de la région.

Il fait suffisamment frais pour qu’on zippe nos pulls et qu’on se serre l’un contre l’autre.

C’est chouette.


Ça y est, sortir avec Dernier n’est plus une punition. Il ne faut plus tirer à la courte paille pour savoir qui va se farcir notre petit dernier, petit terrible, petit capricieux, petit tyran.

Il écoute quand on lui dit d’arrêter de se rouler dans la terre, il partage son pic-nic, il ne pleure plus quand sa pomme tombe, comme inévitablement elle allait le faire - merci expérience, bouteille d’eau et deuxième pomme. On rigole quand on glisse, cul par terre, jusqu’en bas parce qu’on a mal évalué la descente. On en parle tout le chemin, de cette aventure, dans le babillage de mon fils: on va raconter quoi à Papa, quand on rentre ? - Qu’on est tombés dans la montagne et que poum sur les fesses ! - Et? - Et bobo. 


On a même la chance de voir des motocross qui passent tout près, de terminer nos goûters - les biscuits au chocolat font bien meilleur effet que les barres vegan, merci expérience.    


Bon, oui, sur le chemin du retour, j’ai dû le porter parce qu’il était trop fatigué. Bon, oui, sur les derniers mètres, il a fait un gros caprice parce qu’il ne voulait plus marcher et que je ne voulais plus le porter

Mais globalement, je dois bien dire que: la punition est levée. 

- Dernier, ça te dit, demain on refait une randonnée?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Un peu de légèreté
 

Batailles choisies #682

Levez-vous vite, bourrasques désirées, qui devez emporter les disputes dans les grands espaces de l’amour familier! 🪁


 

Pourquoi donc l’ambiance s’est-elle viciée? L’air s’est-il alourdi? La légèreté s’est-elle envolée?

C’est dimanche, il y a pourtant eu des doux moments, des jeux tranquilles, des moments de liberté, même. Mais là, la douceur est terminée. 

Grand et Mari se sont disputés à propos de chaussures pas rangées, de questions pas bien posées, de difficultés mal explorées. Milieu a épuisé son père d’insistance jusqu’à ce qu’il accepte de taper le ballon dans la rue, sous les yeux de son grand frère à la moue fâchée, puisque Grand s’ennuie, boude, empêche les autres de prendre du bon temps - dans n’importe quel ordre. C’est devant trois sourires pincés, donc, que je me pointe, Dernier, moi et nos deux sourires grimaçants en plus. Ah oui, parce que dans notre équipe non plus, on n’a pas particulièrement passé un bon moment. Enfin, ça a bien commencé et puis ça a fini pareil qu’avec le reste de la maisonnée: moyen. Dernier s’est invité chez le petit voisin, qui devient son super copain surtout, uniquement, en raison du fait qu’il a des super jouets d’enfant unique ultra gâté. J’ai dû rester là, à faire une conversation poussive avec des parents, certes sympathiques, mais enfin pas assez fun et surtout beaucoup trop stressés à mon goût, pendant que Dernier s’éclatait avec toute la collection de camions de Cars du petit voisin qu’il a ignoré par ailleurs superbement. Après avoir sorti ma plus belle collection de sourires polis, après avoir réussi à sortir Dernier de cette caverne d’Ali Baba, nous arrivons donc, dans le même état que les autres membres de ma famille: cœurs lourds, nuages lourds prêts à crever sur un dimanche qui part en cacahuètes.


Mari propose d’un air dépité et d’un ton énervé: bon, on va lever des cerfs-volants, oui ou non?

Les cerfs volants qu’il a achetés le mois dernier sont encore dans le coffre. 

Les enfants rechignent, Mari trépigne, je ne baragouine plus et saute sur l’occasion: oh, oui! Allez hop, en voiture!


Cerf-volants, donc.


Le massif où nous allons, pas loin, est terriblement venteux en fin de journée. Il souffle un air froid à décorner les bœufs ou, dans notre cas, à faire s’envoler des cerfs-volants en quelques secondes. Les enfants rayonnent! Oh, comme ils volent haut! Oh regarde, Papa, Maman, tu as vu comme il est haut mon cerf-volant! Oh, comme vous faites bien, les enfants! Oh, comme il est doux de voir les sourires qui s’épanouissent sur leurs visages! Les soucis, les tensions, les disputes, se sont envolées…

Il faut toujours se lancer dans des activités dès que l’air s’est vicié. Car un grand coup de vent peut tout aérer…

À moins que…  


Le fil du cerf-volant de Grand s’est cassé!

Oh, non!

Il part là-bas, dans la pente de creux et de bosses, d’herbes et de fleurs sauvages touffues et urticantes! 

L’idylle familiale serait donc finie?

Grand va pleurer bouder crier?

Absolument pas! 

Mari, n’écoutant que son amour filial, court derrière le cerf-volant.

Grand, n’écoutant que son courage, court derrière Mari qui court derrière le cerf-volant.

Milieu, n’écoutant que le bruit des exclamations d’effort de son père et de son frère aîné, en oublie qu’il tient lui-même un engin volant - et le laisse s’échapper, rouleau et filin inclus.

Milieu, n’écoutant personne comme d’habitude, se lance alors à la poursuite de Grand qui court derrière Mari qui court derrière non pas un mais deux cerf-volants. 

Mari finit par réussir à récupérer celui de Grand, mais doit repartir dans la pente en soufflant comme un bœuf pour le deuxième (fils et objet volant).

Grand, tenant serré son propre cerf-volant, tente de rattraper celui de Milieu, qui s’est accroché à un arbre, en sautant de haut en bas pour récupérer la corde. Mari vient à sa rescousse, enjambant d’un pas hésitant toutes les plantes qui piquent pendant que Milieu glisse et dégringole dans la pente pour rattraper les deux autres larrons.

Le vent soufflant de plus en plus, leurs exclamations se perdent dans la montagne.  


Dernier et moi, eh ben… nous regardons cette scène et nous sourions.

C’est drôle de voir les autres dans la galère. 

J’hésite à prévenir Grand, Milieu et Mari, qui commencent doucement, cerf-volants sous l’aisselle, à remonter la pente, que Dernier a le poignet lâchant et le désintérêt croissant mais… 

Non. 

Dernier, au lieu de laisser s’envoler, par dépit, lui-aussi, le carré de plastique à motif dragon, annonce qu’il ne veut plus faire de cerf-volant, et me colle le truc dans les mains avant de s'asseoir dans la terre pour jouer avec un camion qu’il a amené. Il faut que j’enroule le fil alors que Dernier ne sait pas ce qu’il a fait du dévidoir. Je décide de l’enrouler autour de ma main, parviens bien à la moitité avant de me dire que c’est un peu idiot parce que je suis en train de me ligoter toute seule.


À ce moment-là, Mari, Grand et Milieu arrivent. Je souris, leur demande si ça a été la rando.

Mari me regarde, me sourit, me demande si j’ai l’intention de devenir un saucisson.

Tout le monde rit. Tout le monde a des épines qui piquent collées dans les ourlets de pantalon, sur les chaussures, aux manches des pulls. 


L’air devient de plus en plus frais, le ciel de plus en plus gris, il est temps de remballer, non sans remercier le vent d’avoir soufflé sur nous cinq toute cette légèreté.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣