La lutte avec l'Ange

 

Batailles choisies #232

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Changer la couche de son bébé à 3h40 du matin: pour? contre? Priez pour moi? 👼


 

Dernier s’est endormi après la tétée du milieu de la nuit. 

Il est beau. 

Je le dis en toute modestie. 

Moins ensuquée que lors de la tétée de 23 heures, je prends un temps pour le regarder, couché dans le lit parental, enveloppé dans un plaid en polaire bleue, recouvert d’une épaisse couette sous laquelle je me tiens au chaud moi aussi.

Il est beau, ce bébé, dans l’obscurité faiblement éclairée par la veilleuse. À bientôt trois mois, il a de grosses joues, de fines lèvres rosées délicatement entrouvertes. Un bébé de cet âge ressemble vraiment à un Ange, à ces putti bien en chair qui virevoltent dans la lumière dorée des tableaux de musées.



Mais que se passe-t-il, mon Ange?



Dernier se met à gigoter soudainement, la paupière fébrile. Il bouge, se tord, se tortille puis oh! un bruit sec qui pétarade dans la nuit froide!

Un ange qui pète… 

Les représentations dans l’iconographie sont rares.



Je chute de mon petit nuage de maman comblée et enfile ma tenue d’urgence de maman stratège. L’alternative est donc: le changer parce que la couche contient sûrement plus que du vent, mais risquer de le réveiller. Ou le laisser dormir et espérer qu’il tienne jusqu’à sept heures du matin sans être dérangé par sa couche souillée. Choix difficile. 



Je le regarde comme s’il allait me donner la réponse, sa peau claire et douce avec le teint rosé du rassasié, ses sourcils blonds, ses longs cils, les discrets sourires qui lui fourmillent au coin des lèvres. À le voir ainsi, sa poitrine se soulevant paisiblement à chaque respiration, je me dis que je ne peux raisonnablement pas le réveiller. Un bébé qui dort est-il obligé d’être si beau? Cet Ange n’est-il que le démon déguisé de la flemme maternelle?

Non, allez, je vais le changer, ça fera trop d’heures avec une couche sale, si c’est pour qu’il se réveille en hurlant dans une heure et finisse avec les fesses rouges demain, je serai pas plus avancée.

Je place une main sous sa tête, une autre dans le creux de son dos et m’apprête à le sortir de son sommeil bienheureux quand il se met à s’étirer. Ma volonté flanche parce qu’un nourrisson qui s’étire, c’est une flèche de tendresse en plein cœur! Ses joues gonflent, sa bouche forme un cul de poule, ses épaules enserrent son cou. La tension est à son comble quelques secondes merveilleuses, avant que tous les gestes ne se détendent et que ses mains finissent au-dessus de sa tête comme s’il se rendait mollement au shérif dans un vieux western.



Risquer de le réveiller? Mon démon qui préfère dormir me souffle que non, comment oserais-tu? 

Dernier s’étire encore.

Prout.

La deuxième pétarade sonne le réveil. 

Je me décide pour la route en bordure de falaise, le haut risque: le changer dans le lit pour éviter le froid, le plus grand danger résidant ici dans le fait qu’il puisse faire pipi pendant l’opération, asperger les vêtements et les draps et transformer mon dilemme en très gros problème. Mais il est si beau, il ne ferait pas ça, ce petit Ange!



Vite, ouverture de la couverture, du pyjama, du body, guider fermement mais sans faire mal les jambes qui résistent au déshabillage, dégraphage de la couche, je tiens ma main prête à contrer le jet au cas où... 

Ouf, couche propre. Ce n’était que des bruits d’ange. Tout est vite refermé, reboutonné, rezippé, réenveloppé, replaidé, recouetté.

Nous sombrons tous les deux dans le sommeil, triomphant de ce combat gagné de haute lutte.

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