Confinement - Jour 22

 

Batailles choisies #26

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En deux mots: je pense plus souvent aux horaires de sieste qu’aux ravages de l’épidémie. La journée avec les enfants, ce long fleuve tranquille. 


 

Est-ce à ça que ressemble l’apocalypse ? Une journée ensoleillée, dans une agréable maison d’un quartier tranquille, comme un dimanche en famille? 

Je vois passer éditos, articles, posts, sur l’avant confinement, le pendant, l’après, le monde en passe de cataclysme, le monde de demain s’il y en a un, le jour de demain s’il y en a un.

« En temps normal, je pense que je serais scotchée à mes écrans »

Et en temps normal, je pense que je serais scotchée à mes écrans, cherchant à comprendre, ou juste collée là par un besoin irrationnel de m’abreuver d’informations, de calmer mes angoisses ou au contraire de confirmer mes inquiétudes.

Dans ma tête vivrait le Covid-19, avec toutes ses ramifications et conséquences dramatiques, tout son potentiel apocalyptique.


Sauf que… j’ai deux enfants, un de quatre ans et un de bientôt deux ans. Alors tout ou presque de mon espace mental est envahi par eux, leurs besoins, leurs demandes.

Mes journées passent à régler leurs disputes, à prévoir les repas entre deux activités de peinture qui deviennent vite des activités nettoyage, à lire des livres, trouver des tuto de yoga pour enfants, m’assurer que les enfants auront bien leur moment de sieste ou d’écran, parce qu’il faudra glisser là notre temps de télétravail.

« Tenir jusqu’au déjeuner, tenir jusqu’à la sieste, tenir jusqu’au coucher. »

Mes journées passent dans ce mode survie qu’ont les parents de jeunes enfants : tenir jusqu’au déjeuner, tenir jusqu’à la sieste, tenir jusqu’au coucher.

Tenir, c’est-à-dire survivre - psychiquement.


Alors l’urgence de la pandémie, l’incertitude immense qui l’entoure, ce virus qui ressemble à une vengeance de dieux grecs furieux de notre hubris, tout est feutré par le monde qu’est une journée avec des enfants.


Je lis les Unes des journées cachée dans la cuisine parce que si les enfants voient le téléphone, ils vont me le réclamer pour regarder des vidéos des Titounis. Des nouvelles du monde extérieur ? J’ai à peine le temps d’y jeter un oeil.

Même ce blog, je me suis plusieurs fois demandée si je devais l’écrire, parce qu’il est tellement tourné vers l’intérieur, vers la vie du foyer, et si peu vers l’extérieur, vers ce monde qui nous envoie des appels à l’aide.

Je sais qu’au dehors, c’est une catastrophe, mais pour nous c’est une parenthèse, le temps suspendu des journées qui se ressemblent. Ce n’est pas une preuve d’insouciance que de ne prendre que de brèves (mauvaises) nouvelles du monde, que de paniquer davantage parce qu’on n’a plus de farine que parce qu’on craint d’être touché.

« indisponibilité, siphonnage, tunnélisation »

Cette indisponibilité mentale est un siphonnage du temps de cerveau disponible, que les enfants n’ont pas leur pareil pour mener à bien. C’est la tunnélisation, le fait de ne rien voir d’autre que les parois de notre tunnel. Un tunnel fait de soleil, de peinture et de bisous, de crises, de gronderies, d’impatiences. 

 
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