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Batailles choisies #348
Comment apprendre à un enfant le sens du partage? Lui donner quelque chose qu’il ne veut pas partager. 🥐
Petit-déjeuner de fête en ce dimanche matin: des petits gâteaux, du pain de boulangerie française (au Chili, ce n’est pas peu dire) et surtout deux pains au chocolat que Milieu regarde avec une convoitise gourmande - une convoitise gourmande définissant élégamment le fait qu’il a hurlé “moi, moi, moi” dès qu’il les a vus, qu’il m’a filé le train dans la cuisine trouvant que ce matin le petit-déjeuner tardait trop et qu’il continue de hurler “moi, moi, moi” jusqu’à ce qu’un pain au chocolat se trouve dans son assiette.
Milieu est rarement un mangeur enthousiaste. Il picore, gigote, descend de son siège pour aller jouer, revient au bout de cinq minutes pour une ou deux bouchées, repousse son assiette et sa chaise pour retourner à ses camions, puis réclame à grignoter une heure après.
Voici pourtant le même Milieu, assis bien en face de son assiette, mangeant son pain au chocolat en silence, avec des gestes précis et appliqués, sans en faire tomber une miette.
Avec une méthode que nous avons rarement vue, c’est rapidement la fin du pain au chocolat.
Milieu tend la main pour attraper l’autre.
- Mais, Milieu, non! Celui-là est pour Papa. Papa aussi aime beaucoup le pain au chocolat, il faut lui en laisser un. Tu te rappelles, il faut partager, c’est très important de partager.
- Pain au chocolat pour Papa?
- Oui, mon chéri, il n’y en a que deux, on va en laisser un pour ton père.
- Et Papa, i’ est où?
- Il dort encore, on va le laisser se repos…
Ma phrase n’est pas terminée que Milieu a déjà ouvert en trombe la porte pour réveiller son père, qui arrive, ensuqué et le cheveu en bataille, tenu fermement par la main par Milieu qui l’assoit sur une chaise avec autorité.
Papa pose en souriant le pain au chocolat dans son assiette et va le porter à la bouche lorsqu’il est rattrapé par une leçon de savoir-vivre:
- Papa, i’ faut partager. Partager c’est impo’tant.
- Tu veux un morceau, mon chéri?
- Voui.
Papa coupe un morceau, que Milieu engloutit aussitôt, avant de dire en postillonnant des miettes:
- Papa, partager c’est impo’tant! I’ faut partager! Partager!
Et ainsi, petit à petit, Milieu mange un bon trois-quarts du pain au chocolat, laissant à son père dépité un petit quart de viennoiserie, sa première en presque 6 ans de vie loin de la France.
Lorsqu’il n’y a plus de pain au chocolat sur la table ni dans les bouches, Milieu repousse énergiquement sa chaise et lance à son père en remuant un index sentencieux: “I’ faut partager!”
Leçon bien acquise, alors?
Quelques jours plus tard:
- Milieu, donne des myrtilles à ton frère s’il te plaît.
- NON!
- Mais Milieu, tu te rappelles que c’est important de partager? Comme la fois où Papa a partagé avec toi le pain au chocolat?
- Pain au chocolat, partager! My’tilles, pas partager.
Leçon en cours d’acquisition.