Confinement - Jour 32
Batailles choisies #36
En deux mots:
En réponse à Madame Figaro qui nous enjoint à porter de doux lainages avec des dessous suggestifs, je vous propose la visite guidée de mon placard.
Devant vous, voici un t-shirt à manches longues de 2001. Il a des taches de pesto (dîner lambda), de beurre (petit-déjeuner lambda), et des coutures décousues. Je le mets les dimanches, en hiver sous un pull, ou bien quand je suis vraiment pressée de sortir et avec l’espoir que je ne croiserai personne.
Dans ce tiroir-ci, nous trouvons tous les essentiels d’une maman de jeunes enfants : un jean sale mais que je mets quand même parce que je fais déjà assez de lessives, des hauts qui godaillent, des débardeurs dont je me dis qu’ils peuvent toujours servir mais dont je me demande de plus en plus “servir, mais à quoi?”
Là, les vêtements qui se repassent (enfin, “les”... une pièce). Là encore, les vêtements du travail, ceux qui sont beaux un an puis pelucheux comme les autres, c’est la démocratie chez moi. Ici, les piles de pulls jolis de loin uniquement, et de pantalons qui, les bons jours, me vont plutôt bien.
Dans ce tiroir-ci, néanmoins, que je pourrais appeler le coffre aux trésors, se trouvent les reliques de ma vie de jeune femme célibataire. Je m’émerveille que j’aie pu porter cette robe fendue, ce haut en voilage noir transparent ou celui-ci avec des strass discrètes et une échancrure d’une grande subtilité érotique. Je n’ai pas mis ces vêtements depuis environ 9 ans, mais je les garde et les regarde avec un sourire nostalgique comme Emma Bovary.
Ah. Nous voici devant un tiroir plus épineux. Le tiroir de l’opprobre, celui des sous-vêtements. J’ai bien peur qu’à sa simple vue, Madame Figaro n’annule mon abonnement. Culottes en coton moche au départ et désormais lessivé comme leur propriétaire, soutien-gorges trop petits ou trop grands et dans le fond, là-bas, un bel ensemble de grande marque encore emballé dans du papier de soie, qui espère à chaque anniversaire qu’on s’occupera de lui, et puis non, toujours pas, peut-être l’année prochaine.
Et ici, mais que vois-je? Une grande boîte étiquetée “Vêtements de grossesse”. Elle n’a donc pas été donnée? Ni brûlée dans un grand feu de joie? Ah, bon je croyais. Elle reste apparemment ici comme une menace.
Pendue à des cintres ou en boule (j’allais écrire rangée, mais soyons honnêtes), on trouve donc ma vie et celle des mères, celle qui ne s’instagramme pas, ne fait pas de belles couvertures, est souvent heureuse, toujours désordonnée et a beaucoup de taches.
Et pour elle, pas besoin de magazine.
Madame Figaro, allez vous rhabiller, voulez-vous?