Les trois corniauds
Batailles choisies #533
Un classique de la télévision universelle, en direct live depuis mon jardin. 🥧
Milieu fait semblant de mettre une gifle à Grand qui répond en donnant un air-kick à Milieu qui tombe à grand renfort de hurlements de footballeurs sur l’herbe, roule dans tous les sens, avant d’éclater de rire.
Mes trois garnements se mettent ensuite à courir en rond en criant à pleins poumons, un tour autour du trampoline, un tour autour du poirier, un tour autour du tuyau d'arrosage. Arrivés en bout de course, Grand s’arrête brusquement: ses deux petits frères s’emboutissent alors dans l’aîné avec l’élégance d’une locomotive de far west et s’écrasent au sol, les uns sur les autres, hilares.
Se relevant grossièrement, l’un le cul d’abord, l’autre en faisant des petits bonds ridicules, le troisième en tortillant des hanches, ils vaquent à leur occupation, sauter, courir ou, pour Dernier, s’intéresser à un objet… ô combien magique: le tuyau d’arrosage.
Il s’en saisit, colle sa bouche contre la sortie et se met à entonner une chanson ou à appeler un ami, loin là-bas en fond de vallée du Tyrol. Grand et Milieu, coquins et organisés, se dirigent à pas de loup et en riant sous cape vers l’arrivée d’eau, qu’ils ouvrent à tout flot. Dernier, au moment où il regardait avec curiosité à l’intérieur du tuyau, se prend donc un jet en pleine face qui le désarçonne, certes, mais surtout le fait éclater de rire, de même que ses frères.
La suite des réjouissances est, en toute logique, des jeux d’eau, des éclaboussages, des hurlements de terreur joyeuse, des attaques et des ripostes. L’après consiste sans surprise à se déshabiller puisqu’on est détrempé et à jouer avec son corps tout nu, aux anges d’être en tenue d’Adam.
Depuis dix minutes que je regarde les enfants s’amuser et batifoler, j’ai une impression de déjà vu. Je cherche à identifier d’où elle vient. Ce n’est pas le calme ni la joie tranquille, non, ça ce n’est pas du déjà vu, c’est plutôt du jamais-vu. Mais vraiment, je suis certaine que je connais ces trois loustics…
Eurêka!
Quand j’étais enfant, je regardais avec mon père The Three Stooges, Les trois corniauds en français, un grand classique de la télé humoristique américaine, dans laquelle Larry, Curly et Moe nous tiraient de grands éclats de rire de vaudeville et de farce. Je nous revois, mon père et moi, mettant le soir une cassette des Three Stooges dans notre magnétoscope. La musique du générique. Les gifles. Les portes qu’on se prend en croyant éviter les fenêtres. Les tartes (les manuelles, les pâtissières) qu’on reçoit en pleine tête. Les idées qui semblent géniales et leurs réalisations toujours catastrophiques. Les insultes, les coups, les grimaces, les whoops whoops whoops… Le noir et blanc. L’anglais que je ne comprends que partiellement, surtout parlé à cette rapidité, mais qui pour mes oreilles est surtout une drôle de musique. The Three Stooges, c’est mon enfance.
Cela fait des années, 15 ou même 20 ans, que je n’ai pas regardé les trois frères. Je n’y ai même jamais pensé, alors que pourtant Youtube me le permettrait en deux clics. Amusant comme ce plaisir simple et partagé s’est caché pendant des décennies… et réapparaît alors que j’en reviens à mes garnements.
Présentement, Dernier, cul nul, s’assoit de toute la mollesse de ses testicules sur la tête de Milieu et cavale, cavale, cavale, en hurlant de rire sur son pauvre frère qui crie de joie lui aussi pendant que Grand lui met des fessées gentilles.
Mes trois stooges. Mes trois corniauds.
La substantifique moelle de l’humour des Stooges, juste devant moi, dans mon jardin, en vrai, en direct, sans filtre et sans pantalon.
Quelles joies dans ces rire…
Quel classique!
Il faudra que je le montre à mes enfants, ils vont adorer.