Pause
Batailles choisies #546
Avec plus de culpabilité que de soulagement, je vais faire une pause de mon blog Batailles choisies. Pour combien de temps? Je ne sais pas (culpabilité +++). ⏯
Est-ce parce que je trouve que ce que j’écris n’est pas bien en ce moment? Que mes meilleurs billets sont derrière moi?
Que j’ai parfois l’écriture automatique, contrainte, sans l’âme maternelle si ambivalente qui fait, il me semble, tout l’intérêt de mon écriture?
Ou parce que j’ai l’impression d’y avoir travaillé d’arrache-pied depuis trois ans, dans des moments très difficiles de ma vie, et que, malgré tous mes efforts, ça n’a mené à peu près nulle part, en terme de carrière?
Que mon blog ne s’est jamais concrétisé en publication papier, tangible, que la proposition de collaboration d’un grand journal, magazine, éditeur n’est jamais venue, restant un rêve d’orgueil d’écrivaine inconnue?
Ou parce que je me suis fatiguée des réseaux sociaux, de la présence qu’ils requièrent pour espérer diffuser mon travail, de leur faux-semblant de légèreté alors qu’ils sont pesants et décourageants?
Ou parce ce blog, qui a été ma bouée durant de sombres années, est moins utile maintenant que la tempête confinement-troisième bébé est passée? Que je suis sans doute, maintenant, trop heureuse pour écrire bien?
Est-ce parce que, mes enfants grandissant, moi sortant la tête de l’eau de la petite enfance, je n’ai plus rien à dire, tout simplement?
Non, non.
Pause.
Arrête d’écrire n’importe quoi.
Pause.
Le doute et les remises en question n’ont rien d’alarmant, elles sont le quotidien de toute écrivaine, de tout auteur, de chaque artiste. À toutes ces questions, les réponses sont nuancées. Je sais, je sais, je sais, je me le répète pour m’en convaincre!
Il faut vingt billets de blog, trente peut-être, pour qu’il y en ait un qui me semble sortir du lot. Ces vingt ou trente ne sont pas des déchets, non: ils sont des passages obligés.
Je n’ai pas l’écriture automatique, en ce moment, mais j’écris beaucoup… autre chose, ce qui rend ma pratique du blog assez compliquée: j’écris Nos enfants, nous-mêmes dont il faut rendre le manuscrit durant l’année, je prépare mes cours d’arrache-pied en profitant des grandes vacances pour commencer l’année du bon-pied, pour anticiper, pour me ménager la possibilité d’écrire, sans être noyée par mon travail de jour.
Non, non, Héloïse, tu le sais bien que ton écriture n’a pas mené nulle part. Tu as de nouvelles lectrices, tu as noué plein de contacts de tous types, tu es dans un cercle de femmes qui donnent à l’écriture de la maternité autant d’importance que toi. Oui, évidemment, ce serait bien que chaque avancée dans ta carrière, chaque progrès dans ton écriture, se concrétise, soit visible, soit notable, mais enfin, ce n’est pas comme ça que ça marche.
Et puis toute cette semaine à ne pas écrire, toute cette semaine à me dire, à me convaincre que j’avais besoin d’un pause, toute cette semaine j’ai eu des dizaines d’idées, des déclics sur des chansons d’Henri Dès que j’écoutais enfant et que j’ai la joie immense de redécouvrir maintenant avec mes enfants; sur les non-parents qui croient qu’aux problèmes des enfants il y a des solutions qu’on applique alors qu’il n’y a en réalité que des rustines qui permettent d’arriver au problème suivant; sur ma libido qui en ce moment connaît une telle embellie que j’aurais envie de l’expliquer en termes féministes. De matière, je ne manque pas, non. Le quotidien s’allège dans son organisation mais les questions que je me pose, les doutes qui m’assaillent sur mon éducation, sur mes garçons, leurs personnalités, leurs faiblesses, leurs forces, continuent de me travailler tous les jours.
Alors, quoi, cette pause, que j’ai tant hésité à prendre?
Eh bien, je vais la prendre comme elle vient, comme mon blog est venu: je ne sais pas bien où ça va, mais je vais aller là, les pieds dedans, la tête dans le guidon.
Lecteurices, vous voudrez bien m’excuser un instant?