Une lecture à très haute voix
Batailles choisies #87
En deux mots:
Énorme crise de rage, d’opposition et de pleurs de Petit à 21 heures. Je suis fatiguée. J’en ai marre. Comment me sortir de ce mauvais pas? (Petit truc pour parents dépassés dans ce billet)
Debout sur le comptoir de la salle de bain, Petit est en train de vider avec joie un tube de dentifrice sur sa brosse à dents, plus bas sur les brosses à cheveux, plus bas encore sur le carrelage.
-Allez, allez, ça suffit.
Je ne sais pas si c’est parce que je lui ai enlevé le tube de dentifrice, parce que je le prends dans les bras avec fermeté, parce qu’il aime reboucher maladroitement le tube et que je l’ai frustré de ce plaisir, ou juste parce qu’il se fait tard et que la fatigue le gagne aussi, mais c’est la crise. Il se met à hurler, à pleurer, il est rouge de rage et de colère. Et ça part en spirale, en sirène, en sucette.
Il pleure, crie de plus en plus fort, entrant de plain-pied dans la panique.
Quand j’essaie de le prendre gentiment dans les bras, et à cette heure-ci le prendre gentiment est très difficile parce que je n’ai plus beaucoup de patience, il crie plus fort, se débat, me fait le coup de la poupée de son, à devenir inattrapable avec ses membres tout mous.
Il me griffe le visage de rage, essaie de me mordre l’avant-bras.
Que faire? J’en ai marre, il a été assez pénible aujourd’hui, a beaucoup chouiné, exigé, voulu faire ci, ça et son contraire.
Lui crier dessus? Bof. C’est, d’expérience, contreproductif.
Le poser par terre et le laisser pleurer toutes les larmes de son corps, comme le propose Papa? Ça va pas nous mener bien loin.
Je vais au salon avec le marmot hurlant qui continue à me griffer et me mordre, je le pose sur le tapis, essaie de ressaisir mes esprits, de trouver comment le calmer pendant que le marmot hurlant en question, après s’être roulé par terre, se cache derrière le fauteuil en me regardant avec des yeux hargneux et plein de pleurs.
Éclair de lucidité: je prends un livre qu’il aime beaucoup, Bébé Loup part en promenade et commence à le lire à haute voix. Je sors mon plus beau jeu, ma lecture avec le ton comme j’ai appris à l’université, je tourne chaque page avec un air enchanté.
Petit est encore caché derrière le fauteuil. Il continue à pleurer, mais moins fort, en jetant des regards vers le livre et sa maman, les pleurs se calment encore et finissent par s’arrêter, alors que démarrent les petits pas qui, tap, tap, tap, s’approchent pour lire le livre avec moi. Petit redevient un amour en montrant tout ce qu’il connaît sur les pages.
Et j’ai une réminiscence: je me vois faire la même chose avec Grand, il y a deux ans, lors de ses propres crises de terrible twos.
Avec ma réminiscence vient la rationalisation: je me rappelle que c’est un bon truc qui peut servir face à une crise de rage, où l’enfant est devenu une sorte de robot dézingué qui part dans tous les sens, qui spirale, pschite et est trop brûlant pour être pris dans les bras. Il suffit d’enlever tous les à-côté, et d’offrir une seule petite lumière sur laquelle se concentrer, qui déshabille tous les mouvements désordonnés de la rage.
Petit vient d‘avoir deux ans, je garde le truc en tête, ça ne fait que commencer.
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