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Prendre le rythme circadien
 

Batailles choisies #144

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En deux mots:

Ayant plusieurs enfants, j’ai le droit (si, si, j’ai les papiers) d’être en retard sur l’écoute de mes podcasts préférés. Aujourd’hui, je réagis à l’épisode sur les nouveaux pères des Couilles sur la table.


 

Pour savoir si les nouveaux pères existent ou si les femmes les pourchassent comme la baleine blanche depuis la Renaissance, il faut écouter l’(excellent) épisode. 

J’ai envie, moi, de revenir aux fondamentaux, qu’expose si clairement Myriam Chatot parce que cet épisode des Couilles sur la table sur les nouveaux pères touche à des réalités qu’en tant que femme et mère de jeunes enfants, je vis intimement tous les jours


« Tout vivre en 24 heures »


Qu’est-ce qu’un jeune enfant? C’est un être humain qui vit sur un rythme de 24 heures, ce qu’on appelle le rythme circadien.



S’occuper d’un de ces êtres suppose de (tenter de) maîtriser ce rythme si particulier: là mon petit pleure parce qu’il a tété il y a déjà trois heures; là, il va bientôt être fatigué, donc bain maintenant et pas dans un quart d’heure; sortir à cette heure, non, il risque de s’endormir sans pouvoir faire une sieste de tout son soûl et être difficile après. 

Les soins à un jeune enfant sont donc une question de tempo et de temps: c’est une adaptation du rythme d’adulte à son rythme à lui, extrêmement exigeant et auquel il vaut mieux se plier sous peine de passer des journées atroces. 

On apprend, à force d’erreurs, de tâtonnements, de mise en sourdine de son propre rythme, bref: on prend le coup.

J’ai d’ailleurs remarqué à quel point l’adaptation totale à ce rythme et l’expérience intime de ce temps, acquise en essuyant les plâtres avec mon premier enfant, m’avaient permis de bien vivre les premiers mois de mon deuxième. 


« Concilier le rythme de l’enfant et le sien »


D’autant que, mieux on comprend ce rythme, mieux on peut le faire co-exister sans trop d’accroc avec les rythmes des autres, en particulier du sien.

Par exemple, pour moi, il était absolument exclu de faire des tâches ménagères (durant mes congés mat, mais encore aujourd’hui) pendant les siestes. Déjà que je m’en occupe toute la journée alors si, quand l’enfant dort et que je peux faire quelque chose pour me recharger les batteries, je plie le linge ou prépare des purées d’épinards, je vais me défenestrer. 

Il n’y a que deux choses qu’on ne peut pas faire avec un jeune enfant: dormir et travailler. Je faisais donc durant les siestes l’un ou l’autre, mais jamais, jamais, jamais autre chose. 

D’où une réputation de grosse psychorigide des horaires qui me suit avec raison: je ne démords pas d’une organisation des temps des uns et des autres qui me permettra de dénicher un trou d’air pour moi, et puis j’en ai marre de me justifier là-dessus parce que finalement je suis une sorte de cheffe d’orchestre, on ne va pas me reprocher de vouloir jouer toutes les notes de la partoche.  

Myriam Chatot aborde aussi cette question dans l’épisode: cette règle d’or que je m’impose implique d’être multi-tâches, passer la purée d’épinards en gardant un oeil sur bébé pour ne pas avoir à la faire pendant les siestes, par exemple. 


« Et devinez quoi? »

Et surprise, surprise, ou pas vraiment si vous me lisez régulièrement, ce rythme ne se comprend et ne se prend que si vous le suivez sur l’ensemble du cycle. Si vous en avez la responsabilité les 24 heures, puis les suivantes, puis les suivantes encore. Ce sont des savoir-faire qui ne se développent qu’à plein temps. 

Et devinez à qui on impose de connaître intimement ce rythme (en leur faisant croire d’ailleurs qu’elles en ont déjà l’intuition, ce qui est faux)? Les mères. 

Et devinez à qui on ne donne pas la possibilité de s’y confronter d’abord et donc de s’y impliquer ensuite (en leur faisant croire d’ailleurs qu’ils ne sont pas nés avec cette fameuse intuition)? Les pères.


À quoi sert un congé paternité ambitieux, c’est-à-dire long et où le père est seul, durant de longues périodes, avec l’enfant?


À ça. 

À acquérir ces compétences, qui sont plus des savoir-faire que des savoirs et qui le placent sur un terrain d’égalité avec la mère.

À arrêter de plaindre les Messieurs qu’on voit galérer avec leurs enfants, parce que vous savez qui galèrent avec les enfants? Leurs mères. Mais à force, et j’emploie exprès cette expression qui indique qu’on nous force, de mille et unes manières, la mère galère moins. 


Vous voulez un nouveau père, un vraiment nouveau? Laissez-le galérer, c’est cadeau - de naissance. Et donnez-lui l’obligation de s’impliquer sur 24 heures, et pas sur les trois petites quand il rentre du boulot.


Qu’au moins on soit vraiment deux parents à ramer dans la galère.

 
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