Batailles choisies #651
Un jour, ça va. Deux, c’est trop. ⚖️
L’école a été suspendue deux jours pour cause de pluie diluvienne. Bon. Les jours en question étant un jeudi et un vendredi, c’est donc un week-end de quatre jours qui se prépare, dont deux seule à bord avec mes garçons - l’école est annulée pour la prof que je suis et les élèves qu’ils sont, mais pas pour le manant qui travaille dans le privé qu’est Mari.
Et franchement, ça a été, non vraiment, ça a été aujourd’hui, j’y crois à peine moi-même de ce bilan, Chéri.
Une journée de grosse pluie, enfermée à la maison, avec les trois garçons, je m’attendais à pire. Les enfants ont joué ensemble après le petit-déjeuner, ils ont fait des bêtises mais pas trop non plus, tu vois, ils ont un peu sauté sur les lits mais sans que ça devienne le bronx, on a regardé un documentaire tous ensemble, sur les démineurs de bombes de la deuxième guerre mondiale, pas forcément adaptés à leux goûts ni âges, mais enfin, ils ont bien aimé, ensuite on a joué au moins une heure et demi aux Legos, pas de dispute, Dernier a même compris et accepté que je n’allais pas avoir le temps de terminer son set de monster trucks. Et puis déjeuner, on est sortis se balader sous la pluie, les garçons se sont trempés jusqu’aux os et se sont amusés comme des p’tits fous, on est rentrés, douche, film, plus de Legos mais sans finir les monster trucks et, voilà, tu viens de rentrer.
Ça a été. Franchement.
Mais ça, ce “ça a été”, c’était hier.
Aujourd'hui, tout est pareil, mais en moins bien, en pire et en raté.
Les enfants n’ont pas voulu s’habiller, ni se laver les dents, ils ont joué entre eux en haut, certes pendant que je prenais mon café tranquille, sauf qu’ils ont joué à défaire mon lit, à mettre ma couette sans dessus-dessous, à se lancer mes oreillers à la figure avec joie, bref à se vautrer dans le plaisir de me faire sortir de mes gonds.
Et puis là, là, cette pièce de Lego je ne la trouve pas, oui, Dernier, ne t’impatiente pas, bon Grand, ça suffit, si tu ne veux pas faire des Legos, va dans ta chambre, Milieu, cherche toi-même les pièces! Ça doit faire bien trente-cinq minutes que je cherche cette petite pièce noire, avec deux embouts, à moins que ce ne soit trois embouts, celle qui va pouvoir terminer la bascule de ce set de monster trucks. Oui, oui, une toute petite pièce, une toute petite pièce que Dernier ne veut pas laisser tomber, il n’arrive pas encore à passer à une autre activité puisque, du haut de ses trois ans, il ne comprend pas que j’abandonne le Lego promis. Et puis, c’est vrai que cette construction est bien moins intéressante s’il n’y a pas ce cerceau à bascule dans lequel des motos et monster trucks peuvent sauter et faire des figures. Sauf que cette petite pièce, ah non, celle-ci n’est pas de la bonne forme, ni de la bonne taille, elle n’est ni dans la boîte des noirs, ni des gris foncés, ni des gris clairs, ni des bruns, ni des blancs, ni dans la boîte des couleurs mélangées parce que j’en ai eu marre de l’interminable tri par couleur.
Et, alors que je ne trouve pas cette pièce qui permettra de faire le point de bascule, le chaos, lui, en revanche, a trouvé le sien. Dernier s’impatiente et commence à jeter des Legos sous le lit, Grand se vexe de ne plus arriver à faire sa voiture de police et la détruit, avec un dépit pur et vindicatif, Milieu en a marre et se dit qu’il vaut mieux qu’il passe à autre chose surtout si sortir de la chambre peut lui éviter de ranger.
Ça y est. Tout le monde m’énerve. Les enfants me saoulent, ils n’ont rien rangé, ils ne savent pas attendre gentiment, ils s’en moquent de sortir ou de s’occuper calmement. Alors je crie, comme si j’étais à une compétition de monster trucks. Ça faisait longtemps que ça ne m’était pas arrivé, de me fâcher toute rouge.
Le deuxième jour, seule avec trois enfants à occuper: j’ai basculé.