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La fin du Père Noël
 

Batailles choisies #658

Grand, j’ai quelque chose à te dire… c’est important… 🧑🏻‍🎄


Allez, c’est ce soir. 

Allez, il faut.

Il le faut. 

Il faut le dire. 

Il faut le lui dire.

Il faut lui dire, à Grand, que le Père Noël n’existe pas.

Il faut lui avouer que ce n’est qu’une fable, une invention de parents qui cherchent une excuse pour offrir de la joie et trop de merdouilles inutiles à leurs bambins en même temps que pour les obliger à finir leurs choux de Bruxelles. 

Il faut lui avouer qu’on ne trouve plus ça mignon, de croire encore à un bonhomme barbu qui vit au Pôle Nord, qui voyage par le monde grâce à un traîneau tiré par des rênes dont l’un a un nez rouge, qui s’arrête chez des millions de personne en une seule nuit, qui n’est pas gêné par les 37º qu’il fait au mois de décembre dans la région centrale du Chili alors qu’il porte un épais manteau, et qui entre par le petit conduit du poêle à bois de chez sa Grand-Mère.    

Il faut avouer, oui, qu’on ne se dit plus que c’est mignon mais qu’on trouve ça… préoccupant.


Parce qu’évidemment, on s’inquiète.

Grand est si adorable, si gentil, mais si protégé et si naïf.

Grand, qui n’a pas beaucoup de coolitude et qui a le L de looser écrit à l’encre invisible pour nous ses parents qui l’aimons, mais bien visible pour les enfants dans le vent, ne peut pas, non, en aucun cas, encore croire au Père Noël.

Il ne peut pas se retrouver face à ses petits camarades de CE2, se moquant de lui, le taquinant que quoi, tu crois encore, si il existe, mais non, t’es vraiment idiot ou quoi?

Et comment on fait pour être un tout petit peu plus cool, juste un peu, hein, pas obligé d’être le cool kid, mais au moins être grand, comme les autres?

Chaque année, à chaque Noël, je me suis dit que là, c’est le dernier où on croit au gros bonhomme rouge. Grand va comprendre tout seul. Et puis, non. Il est resté dans ce doux monde. 


 Avons-nous tort? Avons-nous raison d’empiéter sur sa jeunesse?

Je ne sais pas.

Mais à cause de nos inquiétudes de parents, à cause de cette douce naïveté de mon fils aîné, je ne vois aucune autre solution que d’avouer, de briser, de faire éclater la bulle et, peut-être, sécher des larmes. 


Les enfants doivent grandir, à la fraîche, à la dure ou à la force. Je m'assois à côté de lui, sur son lit, le soir. Ses frères dorment déjà. 

- Grand, j’ai quelque chose à te dire. 

- J’ai fait quelque chose de mal?

- Non, non. Je voulais savoir… ce que tu penses du Père Noël.

 - Euh… 

- Qu’est-ce que tu sais de lui?

- Ben, il vit au Pôle Nord, il apporte des cadeaux aux enfants et d’ailleurs, c’est bizarre parce que comment il a le temps…

- Chéri, tu penses vraiment qu’il existe?

- Euh… il existe pas?

- Non, mon Chéri.

- Mais comment? Alors qui l’a inventé?

- Ben, les parents.

- Quoi? Les parents? C’est les parents qui ont inventé le père Noël? Mais pourquoi?

- Ben, pour faire plaisir aux enfants, leur offrir des cadeaux, leur apporter la joie, souffler des paillettes sur leur vie.

Grand n’est pas déçu, ni triste. Il est plutôt pensif. Il me dit que son copain L. lui avait déjà dit mais qu’il ne l’avait pas cru. 

- Et il y a d’autres mensonges que disent les parents?

- Ben… pense à des personnages que tu trouves quand même un peu bizarres… Une qui t’apporte de l’argent…

- La p’tite souris? interroge-t-il d’une voix hésitante où perce une certaine déception. 

Un grand silence se fait. Grand est tranquille. La nuit est douce. Il vit une secousse minuscule que je lui donne pour lui éviter un séisme, sans savoir si c’est une erreur de ma part. Je trouve ce moment triste et beau à la fois. Nous vivons un moment de complicité, d’entente, que je chéris, que j’ai le temps, pour mon aîné, de prendre, pour l'accompagner dans un petit deuil de son enfance, étape, passage, moment d’avant, d’après. Grand se tait pendant de longues minutes, avant de reprendre, avec un air décidé plus qu’interrogateur:

- Et Milieu et Dernier?

- Ah, non, euh, ils y croient encore… Quand on est petit, ça apporte beaucoup de joie, c’est important qu’ils y croient encore. Tu me promets que tu ne leur diras pas la vérité?

- Et est-ce que, cette année, je pourrai aider Abuelita à faire le Père Noël, pour mes frères?


Par une nuit calme et douce, c’est le début d’un autre Père Noël, celui des petits frères, celui où Grand devient grand, un assistant, un petit elfe si gentil, si adorable, qui souffle des paillettes sur la vie des autres. 

 

Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Le Grinch et les gribouillis
 

Batailles choisies #608

J’aime désormais décorer le sapin de Noël. Comme quoi, on n’est jamais à l’abri d’une surprise. 🧑🏻‍🎄


 

D’habitude, je souffle d’exaspération anticipée à l’idée de sortir le sapin de Noël. J’ai une réputation de Grinch et tout ce qui est rouge, barbu, chante “ho ho ho” et me fait dépenser de l’argent sur un truc inutile m’exaspère. Chaque année, c’est ainsi. Sortir le sapin de Noël est ma porte des Enfers. Les enfants réclament de le faire alors que j’essaie de repousser au maximum cette entrée dans la joie, histoire que la saison de Noël n’existe dans mon salon que du 22 au 25 décembre, histoire que le bazar ambiant et envahissant (que certains inconscients appellent la magie de Noël, mais qui laissent trop de paillettes et d’épines sur le tapis du salon pour être considéré comme de la magie) que génère nécessairement une famille avec trois enfants ne laisse de trace qu’un temps extrêmement réduit. 

Noël et son sapin, d’habitude, j’essaie de mon mieux d’éviter.

Cette année, lorsque les enfants me demandent de faire le sapin, je renâcle bien un peu pour le principe, mais bientôt je lance un enthousiaste bon, ben, allez, si vous voulez.


Et vous savez quoi?

Non, mais j’ose à peine le dire…

C’est tellement loin du Grinch que je suis fière d’être….

Je dois donc l’avouer…

Eh ben voilà: je passe un bon moment.

Un très bon moment, même.

 

S’est-il passé quelque chose dans ma vie, ou bien dans mon âme, qui m’a transformée en mère Noël? Non, je crois que, comme régulièrement cette année, j’ai trouvé avec soulagement et tendresse, que mes enfants grandissaient.


Cette année, c’est passion sapin.

Cette année, pour la première fois, c’est passion souvenirs.


Sortir le sapin en plastique de sa boîte (j’aime désormais les sapins en plastique, vous aviez oublié?). 

Sortir la boîte des décorations de Noël. 

Sortir de la boîte les classiques guirlandes lumineuses et musicales de l’Enfer, puis une vingtaine de boules de toutes les couleurs.

Regarder les enfants s’atteler à l'ornement de notre arbre de Noël avec tout le mauvais goût dont ils sont capables.   

Sauf qu’aujourd’hui, pour la première fois, je vois avec un plaisir immense et autant de tendresse, les garçons sortir leurs gribouillis de crèche et de maternelle sur le thème de Noël qu’on a rangés dans la boîte, sans doute pour décoration, sans doute parce qu’on ne savait pas où les mettre. Oh, ce rêne au nez rouge fait par Dernier avec une assiette en carton et des gommettes de couleur! Oh, ce pendentif papier en forme de cloche avec les paillettes sur les bords, un peu aplati par le voisinage mais enfin, plutôt mimi! Oh, ce père Noël fait avec un rouleau de papier toilette et des morceaux de papier rouge! Il n’est pas bien catholique, notre sapin, ainsi décoré de toutes les productions maladroites, de tous les travaux multicolores et fatigués, des dessins approximatifs et collages de travers qui pendouillent… mais c’est notre sapin, le nôtre, vraiment celui de notre famille.


Et voilà, on a beau être une maman fatiguée avec un éternel cœur de Grinch… tout de même, on s’attendrit…


Il faut dire aussi que l’attendrissement s’explique par le fait que, maintenant, aucun de mes enfants n’en est à l’âge Tarzan des sapins, où il s’agit de se balancer sur les épines et que je n’ai plus à m’inquiéter de retrouver les boules de Noël dans le baby-foot ou la cuvette des toilettes. De la déco des fêtes, je n’ai plus que les bons moments: profiter de la joie innocente de ses enfants, retrouver les gribouillis mignons de chacun des trois, et surtout, surtout, savoir que dans deux semaines, je remettrai toutes les décorations dans la boîte, boules, guirlandes de musique grésillantes et dessins moches, que je replierai les branches du sapin, que je le démonterai en trois morceaux, le remettrai dans sa boìte et dirai sereinement à l’année prochaine au bazar - pardon, à la magie, de Noël.


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Heloise SimonNoël, joie, bordel