Batailles choisies #390
Une histoire de sieste, de métamorphose en albatros et de plafond fissuré. 🕊
Regardez-moi prendre mon envol! Déployer mes ailes! Me lancer sans peur dans tout ce temps libre!
Ou bien...
Cela fait un petit mois que Dernier a commencé la crèche, en prévision de la rentrée scolaire où je reprendrai le chemin du travail.
Dernier ne va au jardin d’enfants que le matin. L’adaptation a été laborieuse: une petite heure la première semaine, deux petites heures la deuxième, trois la troisième, écourtée par les virus de bienvenue à la crèche, puis, enfin, déjeuner et donc matinée complète les trois derniers jours de la quatrième semaine.
Malgré la difficulté de l’adaptation, j’ai (re)connu le mois passé une sensation folle, incroyable: celle de la liberté! Quel bonheur de passer ma matinée au café du coin, tranquille, où personne ne me demande, à préparer mes cours et à écrire!
Alors pourquoi, pourquoi, mais pourquoi donc et re-pourquoi la sieste de l’après-midi est-elle devenue un temps mort, noyé, vidé, dont je ressors exténuée, découragée, avec du plomb dans l’aile pour le reste du jour?
Depuis une petite semaine, impossible d’enlever Dernier du sein lors de la sieste. Impossible. Il s’accroche littéralement, ses mains agrippées sur ma chair, sa bouche retenant mon téton et avec lui toute ma personne à ses côtés. Dès que j’essaie de me dégager, il pleure. Puis, au bout de 45 minutes, lorsque je pense enfin arriver à me libérer, il se réveille et me lance des regards d’amour et des “da” joyeux.
Quel dépit, mais quel dépit, mais quel dépit se lit alors dans ma figure malgré la sienne, superbe!
Je trouve ces 45 minutes coincée là, à regarder la discrète fissure dans mon plafond, absolument insupportables. Je déteste. Cette attente va contre le plus profond de mon être. Parce que, couchée là dans ce petit lit, je veux être ailleurs, je suis même déjà partie en pensées volantes vers une idée à écrire, un truc à faire! Je n’ai pas envie d’être là, sur ce lit à ras du sol. J’ai envie d’être un peu là-haut, dans ma tête, dans mon imagination, mes souvenirs, mes folies.
45 minutes prisonnière, 45 minutes perdues qui ensuite me feront perdre le reste de la journée puisque je n’aurai aucune autre chance de temps sans enfant avant 21h30 - et à cette heure-là, toute mère-albatros a envie d’aller s’étendre dans son nid.
Quand Dernier a commencé la crèche, je me suis sentie pousser des ailes! C’était incroyable d’avoir, matin et après-midi, des heures de travail! J’allais aller loin, j’allais voler haut, plus haut, acceptant de nouveaux projets.
Et là, non, en fait, mes ailes toutes belles toutes neuves… elles ont été rognées! Je pensais m’élancer… me voilà, toutes les après-midis, condamnée à effectuer de tous petits sauts et condamnée, malgré mes minuscules envols, sur le pont du bateau, à me casser le bec.