La course
 

Batailles choisies #607

Mais pourquoi la fin d’année scolaire est-elle toujours une course folle? 🏁


 

Allez, c’est la dernière semaine de l’année 

Scolaire

J’ai plus de temps

Adieu les copies adieu les bulletins

Plus de temps

Je m’en suis fait 

Des promesses et j’ai des plans 

Parfaitement tracés

Je vais 

Préparer mes cours pour l’année prochaine

Je vais 

Faire les corrections sur un manuscrit

Je vais 

Écrire à certains parents avant les congés d’été

Je vais 

Prendre un peu de temps pour moi

Je vais passer 

Plus de temps 

avec les enfants

Plus de temps 

avec mes parents


Mais pourquoi les jours où on n’a plus vraiment rien à faire

On ne fait à la fois

Plus rien

Et à la fois 

Trop de choses

Tout en faisant un peu rien?


Mince

C’est demain le spectacle de Noël à la crèche?

Vite, vite, le costume, short blanc, serre-tête blanc, ailes d’ange, elle sont où déjà 

Et avec ceci un goûter partagé? 

Mince

Il faut que j’amène des jus

Et je n’en ai pas

Mince

Lundi est déjà fini et entre

Les réunions

Les autres réunions

Les courses de dernière minute

Les discussions de fin d’année dans les couloirs

Mince

Mardi vient de s’achever avec d’autres réunions

Les bons derniers moments 

Avec les élèves adorés

Et les autres moments avec les autres élèves

Mince

Des courses

Un rendez-vous médical avant que les vacances ne me lancent

Dans les pattes

Les trois enfants à occuper et

Zéro

Plus de temps pour moi

Zéro

Mince

Mercredi les cours sont suspendus pour des activités de fin d’année

Qui font qu’on reste dans la cours à surveiller des gosses

Et qu’on ne travaille pas plus

Même si on n’est plus derrière son bureau

Mince jeudi

Le soir, je n’arrive pas à ouvrir mon ordinateur

Le soir, je ne veux pas vraiment ouvrir mon ordinateur

Je traîne ma fatigue de cette année passée à travailler

Ma fatigue de ces trois années passées à élever Dernier

Ma fatigue de ces bientôt huit années à être Maman

Mince

Vendredi férié

Et rien n’est fait


Mince

Je n’ai pas préparé mes cours pour l’année prochaine

Sauf quelques planifications basiques mais essentielles

On se console comme on peut

Je n’ai pas fini les corrections de mon manuscrit

Sauf quelques pages

On se console comme on peut

Je n’ai pas écrit à des parents d’élève

Tant mieux, je n’avais envie de parler ni des enfants ni à leurs parents

On se félicite comme on peut

Je n’ai pas pris de temps pour moi

Je n’ai pas passé plus de temps 

Avec les enfants

Ni avec mes parents


Et acculée par ce tas de choses à faire 

Tas dont je n’ai pas entamé la moitié du quart

Je vais repousser dans les vacances

Dans l’espoir des vacances et du temps libre

L’espoir d’un peu

Pour moi

Libre 

Plus de temps


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Heloise Simontemps, vacances, prof
Koh Lanta - épisode final
 

Batailles choisies #606

Un mari 10 jours en déplacement professionnel, ou le Koh Lanta maternel. Survivra? Survivra pas? Épisode 3: mais à quoi servent vraiment les maris? ❤️‍🔥


 

Jour 9


Voilà, les 10 jours s’achèvent demain.

Oh lala, ma pauvre! Et tu as survécu, vous entends-je vous exclamer… C’est héroïque, c’est incroyable, c’est fou, et tout ça, sans les coller devant la télé tous les jours, sans disputes, ou si peu qu’elles ne comptent quasiment pas!

Oh, merci, merci, comme c’est gentil. J’apprécie les compliments mais je ne vous dirai pas, comme un héros militaire américain: je n’ai fait que mon devoir! Non je vous dirai plutôt: je n’avais pas le choix. Ou bien: et j’aurais pu aller où, de toute façon? Ou encore: évidemment, c’est qui, la c*nne qui s’occupe des mioches? 


Le jour 9 a été tranquille, tout doux, tout a roulé, dîner impeccable, bain sans éclaboussure, coucher à basse tension. Demain, c’est dimanche. Demain, Mari est de retour.  

Je m’en suis sortie. 

Je m’en suis sortie. 

Je m’en suis si bien sortie que ça vaut la peine de le dire trois fois come Beetlejuice. 

Pourtant…

Je me voyais me disputant tous les matins avec les enfants qui ne veulent pas s’habiller, après lesquels il faut courir pour qu’ils se lavent les dents. Je me voyais restant jusqu’à la nuit à préparer les repas pour le lendemain. J’étais sûre que je finirais toutes les soirées à hurler de ma voix aiguë sur des enfants terrifiés, à maudire le ciel et tous les hommes.    


Mais, non, à part deux soirées ratées, tout s’est bien passé. Certains soirs, c’était même plus tranquille qu’avec Mari. Et oui, parce qu’en tant que parent principal, j’ai institué la majorité des routines des enfants. En tant que parent principal, j’ai le plus d’expérience de résolution de ces conflits du quotidien qui pourrissent la vie et le moral, mais qu’on ne peut pas éviter et qu’il faut surfer comme un dangereux rouleau. En tant que parent principal, j’ai l’habitude d’être écartelée entre les besoins, pleurs et demandes des garçons et j’ai l’habitude de m’effacer pour y répondre de mon mieux, malgré ma fatigue, mon ras-le-bol.


Mari n’était pas là. En revanche, celui qui est là, tout à fait là, géant, dans l’absence du père, c’est le patriarcat. Oui, je suis capable de m’occuper seule (enfin, je n’oublie pas Papi sans qui j’aurais probablement jouer un one-woman show de Médée) des enfants pendant un déplacement de mon conjoint. Si j’en suis capable une fois, j’en serai capable d’autres fois. J’en suis capable parce que c’est moi qui passe le plus de temps avec les enfants. Et comme je passe le plus de temps avec eux, je suis capable de passer le plus de temps avec eux dans des situations stressantes, tendues, épuisantes. Et cette expérience, cette capacité à prendre sur soi, à organiser, planifier, anticiper pour que les enfants et moi survivions, il n’y a que moi qui l’acquiers. La balance parentale est déjà déséquilibrée chez nous, ce qui est tristement normal dans les couples hétérosexuels. Et ce genre d’événement ne fait, évidemment, que la faire pencher davantage du côté de la c*onne qui s’occupe des gosses. À moi l’ingratitude, à lui les voyages d’affaires, à moi les cris, à lui les discussions où on a des choses intéressantes à dire ou à entendre.


Et s’il y avait, en échange, des jours d’absence, où je pourrais être en congé de ma maternité, ne plus me soucier, pendant 10 glorieux jours, des dîners, des douches, des couchers d’autres personnes que moi… mais alors, ok, je donnerais ces jours d’exclusivité parentale, si je pouvais, en échange, avoir des jours d’exclusivité de moi-même. Sauf que non: je sais bien que ça n’arrivera pas. Pour Monsieur, rester seul avec trois enfants? Impossible. Considérer que j’ai aussi besoin d’avancer ma carrière, notamment littéraire, et que pour ça, il faut prendre de son côté de la balance parentale les trois poids avec lesquels nous cohabitons? Je rêve.


Ma conclusion, c’est que ben, 10 jours… j’ai tenu parce qu’une mère n’a pas vraiment besoin d’un père, alors que l’inverse est impensable. Pour le dire vite: un mari ne sert pas à grand chose. Ce n’est qu'à moitié la faute dudit mari, bien sûr, c’est surtout celle d’un monde construit autour du travail parental gratuit des mères. Que Mari soit victime et/ou complice et/ou coupable n’empêche pas que c’est fatiguant. J’ai, certes, réussi ma mission… j’ai, certes, aménagé mon île déserte et ai réussi à éviter les monstres et animaux sauvages… mais j’en ai marre.  


Alors, qui élimine-t-on, ce soir, à Koh-Lanta? Et pourquoi pas le Patriarcat, dont on ferait le meilleur feu de joie?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣