Flex
 

Batailles choisies #638

En vacances, l’essentiel est de savoir donner à ses principes… des vacances. ⛱


 

Il faut savoir être flex.

Relax.

Détox.


Bon, les enfants, le temps télé, c’est seulement un film après le déjeuner. Ou bien un petit peu le matin, après le petit-déjeuner, avant qu’on parte en promenade. Ou bien aussi, pendant les temps morts, quand on va presque déjeuner, qu’on va bientôt y aller, qu’on attend celui-ci ou que celui-là a finalement envie de faire pipi. En même temps, vais-je m’arc-bouter sur mes principes, vais-je m’accrocher à mes petites réussites, ne rien laisser dépasser quitte à ne pas avoir l’impression d’être en vacances? Je vais laisser un peu plus de télé, je vais laisser déborder parce que c’est les vacances et que rien ne sert de se mettre à l’index.


Non, les enfants! On va quand même pas acheter des jouets, vous en avez plein à la maison, et il va falloir les faire entrer dans les valises et… Que dis-tu, Chéri? Ça leur fait plaisir et ça les occupera un peu chez Papi et Mamie… C’est vrai que sans jouet, ils ont du mal à faire autre chose que de se disputer. Les garçons, vous pouvez choisir un jouet, mais un seul! Vous m’avez soutiré 20 euros chacun, pardon, je vous ai donné 20 euros pour votre argent de poche du séjour, avec ça, vous vous choisissez un petit cadeau, ok? Grand, tu voudras un coffret de crayons de couleurs, évidemment, Dernier, tu veux un énorme camion de pompiers, comme de bien entendu, et toi, Milieu, un dinosaure, un superbe, magnifique, négociable, tyrannosaurus Rex


Là-bas, là-bas, Maman, une pâtisserie! Où ça? Là! Où donc? Ici! Mais non, tu ne peux pas voir si loin qu’il y a des gâteaux, des douceurs, des glaces, des sucreries, des viennoiseries. Et puis, même si tu vois, Grand, une pâtisserie, alors que j'ai essayé de mon mieux de faire un détour, de te montrer un avion dans le ciel, de ne pas te laisser voir ce supplice de Tantale, on ne va quand même pas t’acheter à manger. Encore une glace, alors? Bon, d’accord… Quand on est en vacances, les enfants ont, décidément, pour ce qui leur plaît, un œil de lynx.


Finalement, on va au square ou bien sur l’Avenue verte? On prend les maillots de bain ou on se couvre pour aller marcher autour du lac? On y va à trois, à cinq, à deux, deux par deux, un en avant, un autre en arrière, on part maintenant, maintenant, vraiment maintenant, dans cinq minutes, après un café ou un petit goûter. Ou bien on laisse que les enfants ne fassent un peu rien, qu’ils soient en vacances, qu’ils restent sur le lit, couchés comme des sphinx


Aujourd’hui, hors de question que je cède, je ferai preuve de fermeté, de sévérité, de raideur, dans cette semaine de flexibilité, étrange apax.


Dans les chambres, les piles de linge à ranger dans les commodes attendent une bonne volonté qui ne vient pas. Les valises gisent dans un coin, les livres restent fermés, les cahiers d’activités, alors qu’ils n’ont été noircis qu’à un seul endroit, traînent ouverts sur tous les meubles disponibles, les vêtements sales ont été cachés au fond des placards mais en débordent tout de même.     

En vacances, c’est le Bronx.

Mais en vacances, nous serons heureuX.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Scénarios catastrophe
 

Batailles choisies #637

L’imagination vive d’une mère inquiète pour son fils choupi mais pas très obéissant: cocktail molotov, insomnie gagnante. 🍿


 

Surtout, ne pense à rien.

Surtout, ne pense à rien.

Surtout, ne pense à rien de grave.


C’est l’heure de dormir, j’ai même un peu dépassé mon horaire de coucher. 

Allez, dodo.

Je suis fatiguée, comme toujours.

Allez, dodo.

Milieu et Grand partent dans quelques jours pour un week-end avec leur Tata, à Paris, ça va être exceptionnel, une expérience géniale mais… Grand, bon, il est coopératif. Milieu… il faut que je le prévienne bien, que j’aie une conversation sérieuse, pour éviter qu’il ne se perde, qu’il ne se mette en danger, qu’il … pire encore.

Allez, dodo.


Demain. 

Demain, je lui parle.

Demain, je retrouve les bracelets où écrire les contacts d’urgence.

Demain, je dois bien le prévenir des dangers, lui dire ce qu’il faut faire dans le pire des cas.

Allez, maintenant, dodo.  


Surtout, ne pense à rien.

Surtout, ne pense à rien de grave.

Surtout, ne pense à… 


Trop tard.

Trop tard, évidemment, puisque l’alerte s’est transformée en inquiétude légère.

Et si Milieu n’écoute pas les instructions?

Et si, comme hier, il traverse la route sans regarder à gauche?

Ah, mon Milieu, il est adorable, il est chou, vraiment, c’est un p’tit malin, mais… il n’écoute pas. Il est distrait. Il ne lit pas bien le danger. Il ne fait pas attention.

Et si Milieu traverse la rue au moment où passe un vélo? Une moto? Un bus?

Trop tard.

Trop tard, évidemment, puisque l’inquiétude s’est transformée en angoisse totale.


Trop tard, je vois déjà Milieu renversé par un bus parce qu’il avait le nez en l’air et qu’il est descendu sur la chaussée sans prendre garde au danger.

Trop tard, je vois déjà Milieu, en pleurs, perdu parmi une foule dense et oublieuse, ne sachant comment ni à qui demander de l’aide, ne réussissant pas, sous le coup de la panique, à parler français, incapable de dire ce qu’il lui arrive, ni comment s’appelle sa Tata.

Trop tard, je vois déjà Milieu qui tombe du haut de la tour Eiffel parce que la vue était si belle et que le parapet laisse passer les enfants maigrichons trop curieux.

Trop tard, je vois déjà Milieu faire confiance à la mauvaise personne, donnant la main à un Monsieur trop gentil, montant dans une voiture qui l’amènera à sa perte. 

Trop tard, je vois déjà une demande de rançon me parvenant pour mon fils, mots formés avec des lettres découpées dans des magazines, morceau d’oreille ou de doigt ensanglanté, qui me tire des cris d’horreur. 

J’ai donc regardé trop de séries, certes. 

Toujours est-il qu’il est trop tard pour dormir, trop tard pour confier sereinement Milieu à sa tante, trop tard aussi pour annuler le week-end tant promis, trop tard pour apprendre à mon fils la prudence, trop tard, trop tard.


Et il est désormais tard, très tard. Je tourne et tourne dans le lit, loin du dodo tant espéré, pendant que je tourne et tourne dans ma tête les pires pensées, les images d’horreur, pendant que je ne me trouve pas assez claire sur les instructions, pas assez prévoyante, pas assez bonne mère

Comment on fait pour arrêter la spirale des scénarios catastrophe?

Prendre des résolutions.

Demain, il faut que je repasse en revue les différents scénarios, et ce qu’il faut que Milieu fasse, sache, dise: - Milieu, si tu es perdu, tu dois faire quoi? Répète ce que je t’ai dit! - Je dois trouver une dame, je dois lui dire que j’ai perdu ma tata et qu’elle doit appeler le numéro sur mon bracelet. - Milieu, si tu es perdu et que quelqu’un te dit que ta maman l’a envoyé pour t’aider, répète ce que je t’ai dit! - Je ne dois partir avec personne, je dois demander à ce qu’on appelle la police et attendre que des dames et des messieurs en uniforme arrivent.  

Je tente de mitiger mon inquiétude, bon, je vais peut-être y arriver… mais en attendant, comment on fait?

Pas pour Milieu. 

Comment on fait pour dormir, quand son cœur est pétri de peine, quand son cerveau est noyé d’angoisses, quand sa gorge est comprimée de terreur?

Comment on fait?

On engage un co-scénariste.


Mari a aussi du mal à trouver le sommeil, pour des raisons que je ne connais pas. À peine ai-je remarqué qu’il a les yeux ouverts que je décharge ma conscience et mon barda

- Chéri, tu crois que ça va aller, Milieu, à Paris? Je veux dire… Grand, pas de souci. Mais Milieu… il n’écoute rien, il traverse sans regarder, il fait son têtu, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée qu’il y aille… tu imagines, s’il lui arrive quelque chose?

- Mais tu sais, quand il va à Santiago avec ma mère, ça se passe très bien. Il écoute, il donne la main, non, vraiment, aucun problème. Il fait son kakou ici, mais quand il y a un danger, un risque, il est beaucoup plus obéissant. 


Heureusement que mon co-scénariste trouve les films catastrophe parfaitement exagérés.


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