Jeux de cons
 

Batailles choisies #640

Où mon fils aîné est un c**, parfois gros, parfois p’tit, souvent vraiment, parfois pas du tout. ⛳️


 

Mon fils aîné joue les p’tits cons, des fois. Ah, mon Grand… je l’aime, le trouve intelligent, curieux, mignon, serviable, vif, plein d’humour, ah mais oui, bien sûr! Mais, d’autres fois, je trouve que c’est un petit con. Par exemple, là: il n’avait pas envie de sortir de l’hôtel où nous passons nos vacances. Mais j’ai promis à son père de le rejoindre pour qu’il ne soit pas seul avec nos deux petits. Je dois expliquer, insister, demander de la coopération, exiger de la gentillesse. Je reçois donc une attitude de tête à baffes, de coups de pied au cul qui se perdent, de p’tit con, quoi: Grand traîne des pieds, met son pull à l’envers, a soudain envie d’aller aux toilettes, finit par sortir, marche juste devant mes orteilles pour me faire trébucher, rit comme un imbécile et met le feu aux poudres de mon amour maternel.   


Enfin, ce n’est pas, non, que Grand soit un p’tit con. C’est qu’il joue au con. Il joue au con avec ses frères, répétant “moche”, “bête” ou “tais-toi” jusqu’à ce que des larmes coulent sur leurs joues, ou que des cris sortent de leurs gorges. Là par exemple, Dernier a dit qu’il avait soif, Grand a terminé son verre et lui répète qu’il n’y a plus d’eau, que l’eau, c’est fini - non! - c’est fini - non! - c’est fini - non!   


Il faut dire aussi qu’ils en font, des jeux à la con. Là par exemple, Grand, Milieu et Dernier s’amusent à faire les taureaux avec des cubes et cylindres en mousse. Ils se précipitent les uns sur les autres avec ces coussins pour bélier, éclatent de rire ou éclatent en sanglots en fonction de la force à l’impact.


En même temps, est-ce que je veux vraiment que Grand continue de faire ses jeux cons cons, là, quand il fait des historiettes de Mochis Squishy qu’il a achetés avec son argent de poche, juste parce que ses super copines de l’école en ont et que lui aussi veut faire partie de ce club rose-bonbon et kawaï? Ça m’exaspère souvent, ce côté girlie idiot auquel il veut appartenir, même si je m’empêche de critiquer, essayant juste de l’inciter à être moins… con con.   


Encore un parcours de mini-golf! Oh la la, Grand, je n’en ai pas très envie! J’en ai franchement marre de ce jeu… si? Si? Tu as vraiment envie? Et tu es en vacances? Oui, bon, si vraiment ça te fait plaisir, on retourne faire le 18 trous de mini-golf de l’hôtel. C’est juste que… c’est un jeu de cons, regarde il faut taper vingt fois la balle, le parcours a été mal construit, sur un terrain en pente, la balle revient au point de départ dans 14 des trous, dans les autres, elle passe par-dessus des rebords trop bas. Franchement, qui est le con qui a conçu ce mini-golf? 

Grand est bien choupi, malgré tout, il m’encourage, me donne des conseils, me propose de me donner quelques uns de ses points, pour que je ne perde pas de façon si honteuse.


Je joue à un con de jeu mais j’ai tout de même un amour de fils.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Séparation(s)
 

Batailles choisies #639

Faut-il séparer les enfants, ou les parents? 🖇


 

Comment notre couple avec Mari a-t-il réussi à survivre? 

Qui sait?

Comment a-t-on continué à s’aimer alors que nous avons eu un, puis deux, puis trois enfants? Alors que nous sommes passés par les maladies de crèche qui collent des enfants morveux à la maison pendant dix jours? Alors que nos boulots n’offrent qu’une flexibilité toute relative? Alors que notre fatigue nous rend trop souvent âpres, désagréables? Alors que les bagages que nous traînons, Mari et moi, nos visions du monde, nos principes, nos idéaux parentaux, alourdissent notre relation, la rendent souvent pesante, pleine de malentendus et de désaccords profonds qui ne se rangent jamais vraiment dans un placard?  


Comment a-t-on réussi à éviter une séparation, alors?

Une séparation qui, parfois, semblait l’unique issue à la corde raguée de notre amour, prête à céder à la plus petite usure supplémentaire?


Eh bien parce qu’à un moment, et surtout depuis que Dernier a eu trois ans, nous avons décidé que pour survivre, en tant que famille unie, en tant que couple amoureux, en tant qu’individualité psychique, il fallait se séparer. Enfin, les séparer. Oui, je ne sais pas lequel de nous a eu l’idée idiote d’avoir un puis deux puis trois enfants, mais ensemble, ils ne sont pas supportables. Alors il faut séparer les groupes. Plus les adultes sont nombreux, plus les séparations sont diverses et possibles, et plus notre séparation s’éloigne. Pendant nos vacances donc, nous appliquons ce principe à fond. Papi, tu prends Grand! Mamie, tu t’occupes de Milieu! Mari et moi on se débrouille avec Dernier! Papi et Mamie, vous restez un peu avec Dernier, je prends Milieu et Mari fait les devoirs avec Grand. Papie et Mamie, vous emmenez Grand à la pâtisserie, je vais avec Dernier au square et Papa va taper le ballon avec Milieu.


Lorsque Mari et moi nous retrouvons, alors, il nous reste de l’amour, de l’énergie, de l’envie, d’être ensemble.  


Mais bon, ce matin, Papi et Mamie qui sont partis à la salle de sport, il faut revenir à notre famille nucléaire. On va bien y arriver à faire deux groupes de nos cinq personnes, hein? Ou bien à se supporter? Après des semaines à rester sur notre principe de séparation des corps, le retour à l’unicité est catastrophique: Dernier et Milieu se chamaillent pour une balle, Grand traîne des pieds et n’arrête pas de râler, Milieu fait grève du foot après nous avoir talonnés pour en faire, Dernier se lance par terre parce qu’on lui dit qu’on n’a pas le temps de faire de la balançoire, Grand finit par se lasser de râler et se met à enquiquiner ses frères.

Puisqu’il n’y a pas eu de séparation des enfants, celle de leurs parents reprend du poil de la bête: Mari m’exaspère à vouloir absolument faire respecter les règles de politesse pendant qu’il me lance des regards noirs parce que je fais semblant de ne pas entendre qu’ils s’appellent tête de fesses et imbécile. Il est trop strict, je suis trop souple, il n’a pas amené de pulls, je n’ai pas pensé à une deuxième paire de chaussures, il a eu l’idée stupide de les amener ici, j’ai mis de la mauvaise volonté à jouer au foot donc forcément, forcément, ça ne va pas.


À l’heure du dîner, fort heureusement, la cavalerie est arrivée et les enfants sont de nouveau chacun occupés à ce qu’il leur plaît avec un ratio idéal d’un enfant pour un adulte.

Ouf, Mari et moi nous re-donnons la main.


Batailles en vrac⭣

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