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S’épaissir
 

Batailles choisies #690

Une dispute, une incompréhension, une pincée de mauvaise journée, un zeste de découragement et tadaa, l’inquiétude parentale a trouvé son liant. 🥣


 

L’inquiétude prend corps

Et 

S’épaissit


Grand

Grand, encore lui


Les soucis légers balayés

Dilués

Non, on ne va pas en faire tout un fromage

Qu’il n’ait ni envie de sortir

Ni envie de lire

Ni envie de s’épanouir

Ça va passer


Sauf que

Malgré mon optimisme

Après la pluie

Pas de soleil

La soirée est pénible


Grand

Grand, encore lui

Est difficile


Il grossit, de nouveau

Il demande à manger sans arrêt

Il ne sort plus autant avec ses amis 

Il reprend ses distances, ses timidités

Préférant rester à la maison tout seul

N’ayant plus envie

Ayant délaissé

Les jeux dehors

L’escalade

Les courses en trottinette avec les camarades 


Il est loin du meilleur qu’il peut être

Il est tout à côté de

La pire version de lui-même


Grand, comme mon inquiétude,

S’épaissit 


Ses faiblesses

Ses fragilités

Ne peuvent plus être diluées

Elles reprennent corps

Alors qu’il y a peu encore

Il était rayonnant

Volatile

Joyeux

Coquin

 

Mari, tu penses qu’on doit faire comment

Qu’on doit le mettre au régime

L’emmener voir un nutritionniste

Si on commence à surveiller son assiette son poids

Alors on va empirer son problème

Son image de lui-même

Si on critique son apparence

Évidemment il ne peut que se sentir mal

Ne rien lui dire garder silence

Impossible

On est ses parents

Et ses amis

Que se passe-t-il qu’il les délaisse ainsi

Et s’il devenait mollasson

Paresseux

Gauche

Malheureux


Les problèmes

Les angoisses

Les peurs

Les errements

S’épaississent

C’est une soirée qui aurait pu être belle

Et qui est, à la place, patine


Sans doute aussi parce qu’a grandi mon envie

Après un week-end avec Beau-Frère, Belle-Sœur

Et leurs enfants bien plus réussis que les miens

S’est épaissie ma jalousie

Et que bien sûr, non, ce n’est sûrement rien

Mais tout de même


Grand

Grand, encore lui


Il a la peau bien fine

Il lui manque le cuir de la vie

Parce que ses amis, ben

Il faut aussi qu’il apprenne à se moquer

Des mauvaises paroles

Qu’il sache s’endurcir

Contre les petites piques

Et qu’il sache se prendre en main 


Je ne sais pas s’il faut fabriquer un plan d’action

Ou simplement 

Essayer essayer essayer encore

Dormir

Boire un coup

Manger un bout

Voir demain

Si la nuit a allégé nos inquiétudes


Il va bien falloir que Grand s’épaississe

Pitié, que mes inquiétudes s’amenuisent.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Entrée en lice des combattants
 

Batailles choisies #689

On oublie qu’un conflit avec un enfant, c’est aussi, surtout parfois, un conflit avec l’autre parent. 🏟


 

Grand refuse de mettre un short et t-shirt, malgré les 30º annoncés. Grand préfère cacher son corps derrière des manches longues parce que… ben… dis-moi, Grand, pourquoi? Ben parce que mon amie J. m’a dit que j’avais des jambes moches. Ah bon? Mais enfin, absolument pas, tu es tout beau, mon Chéri! Tu ne peux pas accepter qu’on te dise ça! Et puis, même, tu ne vas pas crever de chaud pour te cacher!  


Grand.

Gentil. Trop gentil.

Timide. Trop facilement intimidé. 

Doux. Se laissant trop aisément impressionner, avoir, berner. 


Mari et moi avons tous les deux tenté de raisonner Grand, sans succès. Notre aîné a lancé un pavé dans la mare, qui nous a éclaboussé tous les deux. 

  • Tu ne peux pas le laisser s’habiller comme ça, me dit Mari. Mal fagotté, là, tout le temps, ridicule quand il sort, et me faire jouer à moi le rôle du méchant, qui dit non, hors de question de sortir ainsi!

  • Il a peut-être besoin d’un peu de temps pour se rendre compte de ses fragilités… et en tout cas, il a certainement pas besoin qu’on le critique tout le temps!

  • Ni qu’on ne le critique jamais!


Autour de Grand, rôdent des peurs non dites: Mari a peur que je ne sois pas assez stricte, et que j’élève des enfants qui font ce qu’ils veulent, trop sensibles, trop choyés, trop écoutés - un peu comme ce qu’il n’aime pas de mon frère, de ma sœur et de moi, quelque chose qu’il ne veut pas reproduire de l’éducation que nous avons reçue. De mon côté, j’ai peur d’élever mes enfants à la manière de ma belle-famille, en balançant critiques et hurlements dès le saut du lit, dans une posture autoritaire où c’est moi l’adulte, c’est moi qui décide.

Donc, lorsque Grand refuse de mettre une tenue appropriée, qui trahit un certain manque de confiance en lui et une difficulté évidente à s’affirmer, que faut-il en conclure? Que je l’ai trop protégé, choyé, couvé, et qu’il est, par conséquent, devenu sensible, faible, influençable? Ou que son père l’a trop critiqué, lui a trop envoyé de piques qu’il espérait éducatives, fortificatrices, sans chercher à écouter ses émotions, et que, par conséquent, il doit protéger son intégrité, son image de lui-même, en n’en faisant qu’à sa tête? 

Et que faut-il faire? L’engueuler plus - ou moins? L’excuser moins - ou plus? L’écouter plus - ou moins? L’obliger moins - ou plus?


Dans les feux croisés de ces peurs, angoisses parentales, problèmes non-résolus de ses parents et de nos propres enfances, se trouve Grand. Les deux combattants qui viennent d’entrer en lice sont Mari et moi. Grand n’est qu’un spectateur. Il est si difficile de faire la part de nos faiblesses, de nos fragilités et de celles de notre fils. Il est si difficile de faire un pas de côté, alors qu’on s’est engagés dans la bataille. On n’a plus de perspective et on ne fait que se tirer dessus à boulets rouges, mon fils semblant parfois n’être qu’un dommage collatéral dans un conflit qui est celui de deux adultes.

Si on prenait le temps de faire une trêve de Noël, on pourrait trouver ce que chacun de nous a apporté à notre fils et continue de lui apporter: Mari apporte son optimisme, sa bonté, sa naïveté, son humour à notre fils, son sens du détail; j’apporte mon esprit de gagne, ma volonté, mon intérêt pour les autres, ma tranquillité face à la vie. Et peut-être alors, que chacun, en donnant le plus, donne aussi le moins: je le grève de ma patauderie, d’un certain orgueil et d’une grande timidité, avec le bonus de ne pas savoir interagir avec un groupe de personnes; Mari le grêve de nonchalance, de manque d’ambition, d’une certaine mollesse.  

Mais, depuis les tranchées de la parentalité, impossible de voir ces aspects positifs chez nous. Nous n’arrivons qu’à ressortir nos vieilles casseroles, nos vieux combats, tout ce qu’on n’aime pas chez notre conjoint et dont Grand se trouve être l’infortuné ambassadeur.  


Et pendant que Mari et moi combattons, notre aîné reste là, suant sous son jogging, sous un soleil de plomb digne du Colisée.

Dans cette arène, nous sommes ensablés, Grand, Mari et moi. 

C’est par où, la sortie?


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