Le bobo imaginaire
 

Batailles choisies #667

Un cri perce la nuit - un cri de douleur. Ou bien est-ce le fruit de mon imagination? ❤️‍🩹


 

Qu’est-ce que j’entends, est-ce un cri imaginaire

Qui perce ma nuit

Non bien sûr une milliseconde et je sais bien que

Comme toutes les nuits c’est un cri bien réel


Ensuquée maternelle et résignée, l’imaginaire

Encore pétri de rêves de sommeil continu

Je titube jusqu’au lit de Dernier

Me glissant près de lui avec mon fatalisme bien réel


Parce que qu’est-ce que je vais faire, croire à l’imaginaire

Père Noël du doux sommeil qui n’est pas passé chez moi

Depuis presque neuf ans, le lâcheur, non, plutôt recourir

À ma stratégie de survie - dormir là - bien réelle


Sauf que contrairement à d’autres nuits l’imaginaire

Devient cauchemar: Dernier geint, se tortille, chouine

Me laisse présager le pire, oh, non, pas malade, 

Pas encore, on était pourtant sortis de ces emmerdes bien réelles


Il pleurniche donc et ce n’est pas le rêve idéal, non, ni le bel imaginaire

De mon enfant c’est un cri de douleur

Aïe aïe aïe, j’ai mal, j’ai mal

Dit-il d’une voix qui ne laisse aucun doute: maman, ma douleur est bien réelle


Mais où, où mon chou, où as-tu mal? Ce n’est pas son imaginaire

Qui lui joue un tour, non, il me montre 

Son genou, son tibia, ah sans doute comme tant de fois

Il s’est frappé contre le montant de son lit superposé, métal bien réel


Caresses, chuintements rassurants, tout ce qui vient à mon imaginaire

Pour le faire taire et me laisser dormir

Les bisous sur le genou mes frottements thérapeutiques

Ne marchent pas et la perspective d’une nuit pourrie devient bien réelle


Alors Dernier me lance une perche, il murmure depuis son diplôme imaginaire

De médecin: un pansement, je veux un pansement,

J’ai mal, je veux un pansement

D’accord, un pansement, c’est une solution, rapide et bien réelle


Vite vite dans la salle de bains, avant que mon imaginaire

Ne s’échappe vers mes problèmes du jour

Vers tous les soucis qui peuvent me garder les yeux ouverts

Et qu’il me tienne pour les deux prochaines heures dans un éveil bien trop réel


La boîte est ouverte, un pansement est sorti puis appliqué avec un baume imaginaire

Sur une peau sans blessure, sans la moindre égratignure

Et le bout de coton a sur l’âme de mon bambin

Douceur, rassurance, compréhension, pour un effet bien réel  


Retour de Dernier et de moi-même vers le pays trop souvent imaginaire

Des doux rêves ou mieux du lourd sommeil

La comédie du bobo et du baume a marché, le pansement a pansé

Je ne sais quoi mais le problème a bien trouvé sa réponse réelle

 

Pour soigner un bobo imaginaire

Nous vous recommandons, mesdames les mères, un câlin bien réel


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Un mec de la bande
 

Batailles choisies #666

Regarder son enfant s’intégrer à un groupe de gamins du quartier: l’encourager intérieurement comme la meilleure supporteure, trouver que décidément, son doux enfant deviendra sans doute un beau connard. 🥅


 

Au retour de l’école, Milieu, qui se dit très fatigué, traîne des pieds. La satanée montée dans notre résidence ne favorise pas la bonne humeur, c’est vrai, mais on y est presque, mon Milieu, allez, allez, un peu de courage, un peu d’effort, un peu de… distraction?

Soudainement, il a remarqué quelque chose, là-bas, qui l’intéresse vraiment et qui lui quitte d’un coup d’un seul toute la fatigue qu’il traînait avec sa mauvaise humeur depuis l’école. Il a remarqué un voisin de la rue d’en face, R., qui a une douzaine d’années et qui tape un ballon dans le muret en face de chez lui. Comme s’il avait vu le messie ou, mieux encore, Messi lui-même, il s’arrête et le regarde avec des étoiles dans les yeux et des projets plein la tête. Il lui adresse ensuite un timide geste de la main ainsi qu’un sourire et, lorsque ce salut lui est rendu, il articule d’une voix quémandeuse.

- Maman, je peux aller jouer au foot avec R.? Je suis en tenue, regarde, comme j’ai eu entrainement aujourd’hui.


Milieu n’est donc plus fatigué du tout. Il me refile son sac-à-dos et attaque, sans broncher, la pente ardue, trottinant derrière R. qui est allé inviter d’autres copains de la résidence.

Trois rues et cinq minutes plus tard, un groupe de sept ou huit gosses commence un match de foot, deux arbres pour un but, un poteau et un arbre pour un autre, une langue de gazon pour le terrain. 


Jamais je n’avais eu le privilège de regarder en direct, non seulement en tant que mère, mais aussi en tant qu’ancienne petite fille qui a eu du mal à se faire des amis, mon fils s’intégrer à un groupe de gosses qu’il n’a jamais vu.

Mon fils vient seulement d’avoir 6 ans.

Il est mignon, certes.

Il est gentil, certes.

Il est timide, certes - Maman, je deviens timide quand je suis avec des enfants plus grands, m’a-t-il dit récemment en regardant ses chaussures.

Mais ce n’est pas pour toutes ces raisons qu’il traîne avec des enfants plus grands. Non, c’est pour son amour et son toucher du ballon rond, auquel il joue tous les jours ou presque. C’est grâce à lui qu’il socialise, comme un vrai mec: sans parler, sans avoir aucune idée de comment les gamins s’appellent. Et c’est fascinant à voir.


Les équipes sont bientôt faites. Milieu, qui doit prouver sa valeur, est d’abord envoyé aux buts, premier échelon de l’acceptation sociale du ballon rond. Il est concentré à l’extrême, n’échange de parole avec personne. Mains sur les cuisses, regards acérés, il tente d’anticiper la trajectoire, se lance dans la mêlée, bondit mais, malheureusement, encaisse un premier but. La spectatrice muette que je suis retient un soupir de douleur, allez mon grand, allez, tu peux le faire. Un ballon passe à toute vitesse, Milieu saute, ouf, ça passe à côté. Troisième tir au but, Milieu arrête le ballon, s’élançant sans peur au milieu du panier de crabes de la surface de réparation imaginaire. Bravo, bravo, je me dis en moi-même, me retenant évidemment d’intervenir, de sauter de joie, d’applaudir ou de toute autre action honteusement maternelle. Il passe donc défenseur, fait quelques tacles bien sentis et sans douleur, deux bonnes passes. C’est bien, mon chou, vas-y, continue. Le voilà donc attaquant, on repart au milieu de la frange de gazon, on s’élance, on se fait chipper le ballon, on se bat pour le récupérer, quitte à glisser par terre ou à taper un sprint sur la route à côté, on remonte la pente, le but adverse étant vers le haut, on avise les poteaux.     

On donne tout ce qu’on a.

On donne un coup de pied.

But!

Tope-là, cris de victoire, danses du footballeur victorieux.  


Le petit R. est parti depuis 10 bonnes minutes, Milieu n’a même pas remarqué qu’il ne connaît donc aucun autre des gosses qui jouent comme si leur existence en dépendait, tout occupé à jouer, lui aussi, sa vie (sociale) sur ce match.

Pas que j’aie des doutes sur ce terrain-là. Clairement, Milieu est le futur gosse populaire de son bahut. Tout de même, je suis fière, tellement fière, de la coolitude silencieuse et éloquente de mon fils… tout autant qu’un peu peiné, un peu coupable, toujours, de le voir emporté par une masculinité toute traditionnelle, absolument sans échappatoire, de voir s’emparer de lui l’attitude du gars: la grossièreté du langage, les noms d’oiseaux qui volent, les tapes dans les mains de p’tits merdeux qui se croient très cools, les discussions sur les meilleurs joueurs et les meilleures équipes du monde. C’est donc comme ça qu’on devient un mec, un vrai?   


Faut-il prendre son enfant comme il est, doux-amer, sportif et taciturne, sociable et macho, super pote et bien trop mec?


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