Merci la famille

 

Batailles choisies #104

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En deux mots:

Je me sens très coupable: parfois, ma famille, je trouve qu’elle ne fait rien pour m’aider avec les enfants, et je la déteste. C’est un sale sentiment, pour des gens que j’aime. Vous?


 

Un petit cas d’école des sentiments contradictoires envers ma famille, parce que je me sens à la fois légitime et coupable - j’ai besoin de démêler un peu tout ça.

Une précision: j’habite loin de ma famille. Je ne peux donc compter au quotidien que sur ma belle-famille, ce qui explique, j’en ai conscience, bien des choses.

Autre précision liminaire, après laquelle j’arrête la contextualisation: cette histoire commence horriblement mal, finit bien, mais je la trouve emblématique de ces difficultés que j’éprouve face à mes proches et à la maternité. 

« Là, on va avoir besoin de vous »


Le déconfinement a commencé.

Pendant ces derniers mois, ma belle-famille nous a souvent montré son soutien. Je me souviens en particulier d’un message où beau-frère et belle-sœur (qui n’ont pas d’enfants) nous encensent, nous admirent sur les mois passés avec les enfants à la maison et tous les deux en télétravail! Mais comment vous faites! Vous êtes nos héros!

Déconfinement commencé, vous dis-je. 

Bon, eh bien, la belle-famille, là on va avoir besoin de vous. Parce que ces derniers mois ont été épuisants, on veut se reposer, se remettre de ce que ça nous a coûté. Une réunion de famille sur un week-end, on a peur que ça nous fatigue plus que ça ne nous repose.

-Alors, vous pourriez prendre un peu de temps pour nous soulager avec les enfants?

-Ah. Peut-être un week-end, ou un samedi. Parce que là, on a beaucoup de travail qui s’annonce, ça va être difficile de venir plusieurs jours.



C’est le coup dans le ventre. J’ai une réaction viscérale face à cette fin polie de non-recevoir. J’étais sur un nuage, enfin, enfin, on sort de ces cinq mois si difficiles, on va pouvoir passer le relai! On va pouvoir peut-être dormir le matin ou même s’asseoir au lieu de courir après les petits toute la journée. Mais apparemment, non. Mon optimisme était infondé. Parce que dès que j’ai réellement besoin d’aide, besoin qu’on me soutienne avec plus que des mots, alors là, finalement, il n’y a plus personne. Comment, je me dis, on peut nous encenser, peser la difficulté intenable du confinement, et ne nous donner qu’une petite tape sur l’épaule en lieu et place d’un vrai coup de main?

« La famille photos-et-sourires »


Je me reprends en pleine poire ce fait dont j’ai souvent douloureusement fait l’expérience: j’ai autour de moi une famille photos-et-sourires. De celles qui réclament de belles photos et se plaignent de ne pas assez voir les petits mais qui préfèrent les beaux sourires à la fatigue des vrais enfants, pénibles et épuisants, en chair et en os. J’ai si souvent souffert de ne pas avoir une famille qui aide les parents autant qu’elle réclame les enfants. Je n’ai pas la chance d’avoir cette belle-famille qui s’arrange, qui propose, qui se plie à ce qui marche pour nous. 




Je reviens à mon coup dans le ventre. J’aime beaucoup ma belle-famille, composée de gens bien. Quand ils s’occupent des enfants, ils s’en occupent vraiment bien. Mais là, j’ai une bouffée de haine, d’incompréhension, sûrement enflammée par le ressentiment de me sentir abandonnée quand mes enfants ne sont pas seulement beaux sourires pour belles photos. Et en même temps, je me sens coupable, horriblement, je les aime beaucoup, ils sont super, ils ont du travail, d’accord, peut-être que c’est moi qui en demande trop, qui ne comprends pas qu’on ne peut pas s’arranger autour de moi, de nos besoins.




« Encore arnaquée »

Et je me sens abandonnée, abandonnée à moi-même. Je me sens arnaquée. Pourquoi les enfants sont-ils toujours mon problème? Est-ce juste, ou normal? Est-ce que vraiment les autres devraient avoir les douceurs et joies des enfants, et moi, la maman, seulement les emmerdes, si on a finalement trouvé mieux à faire?




Je ressens très fort cette inadéquation des proches aux besoins de parents de jeunes enfants, surtout dans le contraste avec l’amour à distance, le facile, celui qui ne demande pas d’effort. Je le ressens d’autant plus que moi-même sans enfant, je n’avais aucune idée de ce que veut dire être là pour ses amis et sa famille avec enfants. Aucune. 

Bon, je me dois de faire retomber le soufflé maintenant: c’était un malentendu et on va s’arranger pour passer tous ensemble du temps pour qu’on puisse vraiment se reposer.

Ouf.

Merci la famille.

 
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