Joyeux anniversaire
Batailles choisies #269
Les parents, est-ce que vous trouvez aussi que votre deuxième enfant est “difficile”? Plongée dans ma culpabilité, ma fatigue et mon amour pour mon deuxième fils - bienveillance bienvenue. 🌧
- Oh, Milieu? Il est très difficile.
Un jour, je discute avec un collègue qui a trois filles à peu près de l’âge de mes trois fils. Quand il me dit avec un soupir que sa deuxième fille a toujours été très difficile, je pense en moi-même: pauvre gamine! C’est dur d’être étiquetée comme ça, l’enfant “difficile”.
Il ne faut jamais critiquer les autres parents.
Moi aussi désormais, quand je parle de mon enfant du milieu, je lâche dans un soupir et avec un regard d’intense fatigue: “Oh, il est très difficile”.
Milieu fête ses trois ans. Joyeux anniversaire, mon terrible.
C’est un anniversaire que j’ai attendu avec impatience, comme si cette date me disait “à partir de maintenant, ça va aller mieux, à partir de maintenant, tu auras une relation apaisée avec ton deuxième”. Car ma relation avec mon deuxième enfant est un sujet qui me préoccupe, m’emplit de honte et de culpabilité.
J’ai passé des jours entiers à me répéter “qu’est-ce qu’il est pénible”, des jours à me dire “mais quand est-ce que ça s’arrête”, des jours à souffler en sa présence, des jours à jeter à la poubelle toute l’éducation positive à laquelle je crois, remplacée par des “non” et des “arrête ça tout de suite” gueulés sans ménagement.
Certains jours d’intense découragement, je me dis que je l’aime à peine. Que je le supporte.
Je veux croire qu’évidemment, s’il m’épuise autant, s’il me fait complètement sortir de mes gonds, si rester avec lui est une telle punition parfois, c’est à cause des confinements successifs. C’est cette foutue pandémie qui a fermé les crèches et qui me l’a mis dans les pattes dans une période ardue, celle des terrible twos, des non-veux-pas, touche-à-tout et c’est-moi-tout-seul, pendant des journées, des mois entiers, et même des années: sur une année et demi, sur 18 mois, il n’aura été à la crèche, en demi-journée que deux mois, en journée complète que deux mois.
Il m’aura fait des crises terribles, à se rouler sur le sol, à s’accrocher à mes jambes, à sauter de haut en bas en hurlant pour tout et n’importe quoi.
Il m’aura fait pleurer, m’aura épuisée, m’aura mise à terre, m’aura fait supplier que ça s’arrête bientôt, cette journée, cette semaine, cette pandémie.
J’ai une réserve de larmes et de culpabilité de cette relation basée sur tant de sentiments négatifs, pour lui qui n’y peut rien, qui est juste lui-même alors que je suis hors de moi.
Dans ce brouillard, j’ai bien quelques éclaircies, oui, des discussions amusantes sur les machines ou les camions (ses deux passions), des grands sourires qu’il me lance alors qu’on joue à cache-cache, des bisous qu’il me dépose sur les joues avec tendresse.
Reste que je ne sais pas. Je ne sais pas si on se relève de ce début de relation mère-fils. Moi qui ne suis pas une personne conflictuelle, qui suis positive et bienveillante, est-ce que je passerai ma vie à batailler avec lui? Dites-moi que la relation que l’on a avec ses enfants évolue lorsqu’ils grandissent! Qu’elle n’est pas gravée dans le marbre et la malchance!
Je me demande, dans ce sujet de préoccupation qui me traverse presque tous les jours, si ça tient aussi à la place de l’enfant, si le deuxième est toujours plus “difficile”. L'aîné, on lui fait sa place. Le suivant, il doit la gagner pied à pied. Pour exister, il doit jouer des coudes. Pour construire, il doit détruire l’équilibre qu’on avait trouvé comme famille avant son arrivée. Il grandit en modifiant le monde autour de lui, et modifier le monde veut dire déplacer, casser, détruire: déranger.
Aujourd’hui, jour de son anniversaire, premier jour de pluie de l’hiver.
Sortir sous l’averse se promener avec Milieu, se régénérer, l’eau qui coule sur nos visages, qui m’embue les lunettes, qui nous glace les mains et me donne envie de rentrer me blottir au coin du feu.
Peut-être que cette tête de mule, cette tête de bourrique, cet enfant terrible qui n’écoute que lui, qui chamaille son frère, me dévore, me décourage, m’épuise, cet enfant vif, malin, joyeux, sera un gosse qui aura poussé droit dans ses bottes, fort et courageux?
Peut-être. J’espère.
Joyeux anniversaire, mon terrible.