Publications avec le tag culpabilité
Toc toc
 

Batailles choisies #683

Qui est là? Des gosses avec le maillot de Messi sur le dos, des petites joies parentales, et la culpabilité - ma voisine envahissante de toujours. 🚪


 

Toc toc, qui est là?

C’est le voisin deux maisons plus loin, qui vient chercher Milieu pour jouer au foot.

Toc toc, qui est là? 

C’est le voisin de la rue d’en face qui veut savoir si Milieu est rentré parce qu’il y a un match en ce moment à la place.

Toc toc, qui est là?

C’est le premier voisin avec un autre gamin que je n’ai jamais vu et qui ne va pas à l’école avec mon Milieu mais qui vient chercher Milieu parce qu’aujourd’hui aussi il y a match.

Toc toc, qui est là?

C’est la chaleur de mon petit cœur de maman, heureuse que son gamin soit entouré, recherché, populaire et clairement bien dans ses baskets (plutôt, ses chaussures de foot).

Toc toc, qui est là?

C’est le pincement de l’inquiétude, en fait, il est pas un peu petit, notre Milieu, pour se balader sans surveillance dans la résidence?

Toc toc, qui est là?

Deux autres larrons qui viennent taper le ballon, mais Milieu est déjà parti avec ses copains, les garçons, vous le trouverez certainement dans la place là-bas, ou sinon, celle tout en haut.

Toc toc, qui est là?

C’est le super ami de Milieu, A. son coach personnel et son entraîneur de toujours, celui qui lui a donné le goût du ballon rond et a passé des heures à jouer avec lui, celui qui se retrouve

Toc toc, qui est là?

C’est la lourdeur du travail parental qui se rappelle à moi - vraiment il faut que je lui apprenne la gratitude, la fidélité, la loyauté. Maintenant qu’il a trouvé un ami plus grand et meilleur au foot, il largue A. sans état d’âme?

Toc toc, qui est là?

C’est la culpabilité qui vient mâtiner ma joie en me rappelant que j’ai un fils du milieu en plein dans les normes sociales de la virilité, qui a des tonnes d’amis du haut de ses six ans et pas la moindre once de déconstruction de masculinité. 

Toc toc, qui est là?

C’est la culpabilité, quoi, encore toi, tu as oublié quelque chose ici? Oui, tu voulais me dire que je continue à m’inquiéter pour Milieu, qu’il sait certes taper dans un ballon, mais enfin, aligner trois mots en français correct, faut repasser et peut-être, sans doute, que c’est de ma faute, qu’il soit si distrait, qu’il a peut-être même un problème, qui sait.  

Toc toc, qui est là?

C’est la culpabilité envahissante, qui me dit que je n’ai pas passé suffisamment de temps de qualité, à lui lire des livres, à parler avec lui et que maintenant qu’il sort jouer avec ses copains, il m’échappe, que j’ai perdu cette occasion, que je le laisse me glisser des doigts parce qu’au fond ça m’arrange qu’il soit autonome, mais que je ne devrais pas, non, je devrais le laisser près de moi.

Toc toc, qui est là?

C’est le voisin de la rue d’en-dessous et il veut savoir si je suis la maman du petit Milieu, qui est tombé en jouant et il pleure, et il s’est fait mal.

Toc toc, qui est là?

C’est l’inquiétude, la peur qui ne dit pas encore son nom, et s’il s’était fait vraiment mal, et s’il avait des séquelles et si il avait du mal à se développer, en plus déjà que je le trouve un peu taiseux et que ça m’inquiète parce que quand il était petit, il a manqué de sommeil et que je n’arrive pas à lui lire des livres ni à me consacrer vraiment à lui - tiens donc la culpabilité vient de rentrer par la fenêtre.      

Toc toc, qui est là?

C’est la légèreté et le grand éclat de rire, de voir mon Milieu qui n’ose pas jouer les grands blessés devant ses potes, qui se sent un petit peu obligé quand même parce que ses copains sont venus me chercher mais pour lui, c’est juste mardi, hein, il tombe tout le temps Milieu, il a tellement de bleus à force de se casser la tête et de faire des tacles qu’on dirait un enfant battu, mais il a son orgueil, il va pas réellement chouiner devant ses co-équipiers, bref, mais Milieu face à tant de sollicitude aurait bien envie, quand même, que sa maman lui fasse un gros câlin.


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La vie nocturne
 

Batailles choisies #633

Lors de mes insomnies, je rumine, rumine, rumine mes jours, mes idées, mes colères, et ruine, ruine, ruine mes nuits, mes pensées, mes espoirs. 🥱


 

C’est le milieu de la nuit.

Quel milieu, me demandez-vous?

Je ne sais pas.

Peut-être deux heures, peut-être trois, peut-être quatre heures du matin.

Le milieu de la nuit.

Le même que toutes les nuits, quand Dernier se réveille et qu’il vient à petits pas rapides me chercher pour que je dorme dans son lit.


Jamais Dernier ne me réveille vraiment lorsqu’il arrive au pied de mon lit, puisqu’à la minute où les bruits de ses petits pas résonnent sur le parquet, mon radar sonne et mon cerveau s’allume avec un grand poum. Je bondis alors hors de mon lit, éveillée d’un coup d’un seul, prends Dernier tout ensuqué dans mes bras et vais me coucher avec lui, au chaud sous sa couette, dans l’espoir de terminer ma nuit. 

Sauf qu’à cette heure du milieu de la nuit, lorsque l’enjeu est immense, mon mode fonctionnement optimum est activé. Sensible à tous les bruits, écoutant les respirations des uns et des autres, je cherche à anticiper un réveil, un pleur, une envie de pipi, événements minimes qui pourraient nous mener tous à la catastrophe. Et tant pis si je sacrifie mon sommeil: il faut absolument, coûte que coûte, que les enfants dorment et ne se réveillent pas.

Au milieu de la nuit, sortent alors de sous la couette où ils se tenaient bien au chaud, les responsables de mes insomnies: mes petits soucis du jour à venir, les pensées pour les élèves difficiles dont je vois les visages et que j’essaie, mais c’est peine perdue, de chasser; les pensées pour les copies à corriger, les cours à préparer, les erreurs que j’ai faites avec les enfants des autres ou avec les miens, et des paroles de chanson qui arrivent comme un cheveu sur la soupe. Et ce Dernier qui continue à nous épuiser… qu’est-ce qu’on va faire pour que ça se passe bien à l’école… this ain’t Texas… et ce gosse, là, en sixième, qui a un déficit attentionnel terrible, comment peut-on faire pour lui apprendre la syntaxe? 

Je suis sur la mauvaise pente, celle du jour alors qu’il fait nuit noire. Comme trop souvent, je sens que je vais faire une insomnie, sauter un cycle entier de sommeil et devoir enquiller une journée sur un manque cruel de repos.


Je tente, tout de même, de me rendormir, essayant un peu ci, un peu ça, un peu le reste: me concentrer sur ma respiration, me dire cinquante fois “ne pense pas au travail”, ce qui, évidemment, ne marche pas. Horloge intérieure détraquée. Réveil matin-nuit.


Alors, dans le froid, dans le noir, mes deux concubines, Culpabilité et Colère, s’éveillent elles aussi. Je suis en colère contre tous ces parents qui, contre tous mes enfants qui, contre surtout tous les maris qui ne se lèvent pas la nuit, hein! Comme si c’était à moi d’être toujours au garde-à-vous et scoute toujours! Mais, peut-être que je n’ai pas fait assez pour donner de bonnes habitudes de sommeil à Dernier et que j’en suis là, dans son lit, par ma faute et aussi que j’ai trop accepté, encaissé, de Mari, quand j’aurais dû, simplement, imposer une nuit sur deux. Culpabilité et Colère sont toujours là, la nuit. Sans doute ont-elles attendu, tapies dans l’ombre, que j’arrive avec la faiblesse d’une gazelle boiteuse. Je partage leur couche, me tournant et retournant dans le lit de Dernier, du côté de l’une puis du côté de l’autre, allant de l’une à l’autre. 

Les heures passent, le noir ne faiblit pas. Le milieu de la nuit devait être deux heures et il doit être au moins quatre, ou cinq, temps passé à ruminer et à m’épuiser. 


Peut-être que je m’assoupis quelques minutes. Je ne suis plus sûre.

J’ai le sentiment de n’avoir pas dormi quand Dernier, lui, trouve qu’il est repu de sommeil et qu’il est l’heure de se lever.


Le jour pâle se lèvera, encore une fois, sur une longue, épuisante et traînante, journée.


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