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Le foot pour les nuls
 

Batailles choisies #622

Un match de foot amical pour l’anniversaire du meilleur ami de mon fils, ou le combo gagnant qui ne gagne pas grand chose. ⚽️


 

C’est l’anniversaire d’A., le super copain de Milieu, son coach personnel, entraîneur mention ballon rond, avec lequel il joue tous les jours à taper dans les buts. 

C’est l’anniversaire d’A., sur le thème du foot bien évidemment, et tous les invités ont sorti leur plus beau maillot, Milieu inclus. 


L’ambiance est au foot, ça oui! L’anniversaire se tient sur une partie d’un terrain du club local, tous les cotillons, gobelets en plastique, assiettes en carton, pop-corn débordant de seaux motif gazon et balles blanches et noires, participent à la fête. Côté bande sonore, c’est pas mal non plus, puisque que deux clubs du coin s’affrontent sur le reste du terrain, les bleus contre les rouges, gamins d’une dizaine d’années soutenus par les coachs, les parents, les oncles, les grands-parents, et tout le bled.


Papa, Grand, Milieu, Dernier et moi traversons cette ambiance de soir de grand match, avec le sourire: ça va être une super après-midi! Occupation sportive à l’air libre, enfants nourris (certes de chips), moment de partage.

Combo gagnant.

 

Milieu ne veut pas jouer.

Grand donne des coups de pied dans des cailloux sur le bord du terrain et attend que sa meilleure amie, J., la sœur d’A., arrête de jouer avec sa cousine et remarque qu’il est arrivé.

Quant à Dernier, il tourne autour du banquet en réclamant des chips, du coca, des biscuits, des chips, du coca, des biscuits, des chiiips, du cooocaaa, des biiiiscuits!


Évidemment, rien n’est simple quand on a trois enfants. Rien ne roule comme sur des roulettes.


- Mais Milieu, tu vas jouer, quand même? Dernier, non, non, on ne peut pas manger le gâteau sans l’anniversairé! Grand, mange en attendant que J. veuille jouer avec toi.


Les amis de A. ont tous dix ans, Milieu est donc intimidé de jouer avec des enfants de presque deux fois son âge. Il regarde, depuis un petit coin, pendant un bon bout de temps, et secoue continuellement la tête quand il est invité à mouiller le maillot. Dernier ne comprend pas qu’il est trop petit pour participer au match et va chiper la balle sous les huées des joueurs. Grand s’est rasséréné d’être ignoré en attaquant son deuxième hamburger. 


Le temps passe et, miracle, Milieu enfile un maillot qui lui arrive aux genoux mais c’est pas grave. Miracle, Grand a accepté de participer au match, il jouera avec J., les deux étant aussi indifférents au sport l’un que l’autre. Miracle, Dernier s’est rassasié de cochonneries et va taper des tirs au à peu près but avec son père. Le temps passe et, révélation, je regarde tout ce petit monde et je me dis… 


Dis donc, ils sont nuls au foot, les gamins.


À part Milieu et un autre gamin, élancé et bronzé, qui ont un mouvement plutôt élégant, un geste sportif leste et précis, sinon les autres ont la classe d’une grume, la précision et légèreté d’un lanceur de troncs, l’accélération d’un pousse-pousse et le jeu d’ensemble d’une volée de mouettes. Alors qu’à côté de nous, les bleus contre les rouges jouent leur vie, avec un talent ou au moins une application certaine, de ce côté du terrain, c’est les Brêles contre les Nases. Volées de travers, mêlées à huit, centre-droit qui slice sérieusement vers la gauche, tête qui touche plus l’air que le cuir, coup de pied mode robot, regroupement style auto-tamponneuses.

- Allez, pour la fin du match, encouragent les entraîneurs, on va faire des penaltys!

Grand marque, sans élégance, mais avec une efficacité de constructeur d’autoroute. Milieu ne veut pas tirer parce que tout le monde le regarde. A. s’élance, tire, frôle le poteau du haut et voit partir son but au-dessus des grilles, en même temps qu’un anniversaire victorieux. Il s’effondre, en larmes, sur le terrain, inconsolable, malgré les tentatives mouchoirs de ses parents. Un deuxième penalty, pour lequel l’entraîneur insiste qu’A. retente sa chance, est arrêté par le gardien. Nouvel effondrement. 

Coup de sifflet final. Milieu, qui n’a aucune conscience des émotions des autres, va demander à son super copain, à son coach personnel, qui a encore les yeux rouges et bouffis s’il veut faire des tirs au but. 

Combo perdant. 


C’est heureusement l’heure du gâteau. Le trop plein de sucre et de gras redonne de la joie à tout le monde. Les premiers enfants partent, les parents se dispersent, il ne reste que mes enfants aux mains grasses et deux ou trois joueurs chevronnés. On s’échange des passes, on taquine le ballon, on retrouve le sourire, A. sèche ses larmes.


Un frère aîné vient chercher son cadet. Il regarde les joueurs quelques minutes, voit A. rater encore un but et lâche, fort et avec une franchise toute naturelle: 

- Dis, donc, au foot, ils sont drôlement nuls!


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Gênance
 

Batailles choisies #588

Arriver à l’heure où termine un anniversaire - ou le pet de l’esprit maternel. 💨


 

Ma tête de mère de famille nombreuse n’est qu’une salade d’horaires et d’obligations, des rouleaux de PQ pour la garderie, ce vendredi c’est costumé à la crèche, il faut acheter un cadeau pour l'anniversaire de M., ah mince, Grand n’a plus de bâtonnets de colle, j’en profiterai pour chercher le veston du costume pour le spectacle de Milieu… Bref, ma tête engloutit jusqu’à l'indigestion ces informations qui travaillent jour et nuit, sont brassées là quelques semaines, quelques jours ou quelques minutes, qui se retrouvent mélangées à la vie de famille et ses à faire de tous les jours, en emmener un chez le coiffeur, racheter des chaussures à l’autre, être à l’heure au foot ou à la musique. 


Pour l’anniversaire de Fernando auquel est invité Milieu aujourd’hui, j’avais prévu un savant et savoureux mélange, une salade composée d’obligations et de bonnes occasions: ok, donc, je dépose Milieu à 16h à la maison du trampoline; pendant la fête, Grand et moi, on va chez le coiffeur; au retour on passe acheter quelques légumes, on aura peut-être le temps de prendre un café tous les deux? C’est tip top, ric rac, impec, nickel chrome: mon organisation par le menu est parfaite.


Pourtant, comme aujourd’hui, alors qu’il est 16h, que j’arrive tout sourire à l’anniversaire, que Milieu est tout excité, tellement heureux qu’il m’a demandé toute l’après-midi si on pouvait partir à l’anniversaire; alors que déposer mon fils à la maison du trampoline n’est que le premier item sur ma liste; alors que je m’étonne de croiser les amis de mon fils en sens inverse de notre direction, alors que je me rends lentement compte que, merde, je me suis plantée d’horaire, je suis arrivée à la fin de l’anniversaire; mon esprit maternel, souffrant d’une indigestion d’obligations et de mille salades de projets, lâche un gros raté - un gros pet d’organisation.


Ces trois prochains week-ends, mes aînés ont, à eux deux, quatre anniversaires. Les quatre anniversaires ont lieu dans des lieux dédiés aux célébrations, un peu tous les mêmes, à des heures un peu toutes les mêmes, avec des noms de camarades un peu tous les mêmes. Est-ce Alonso qui fête son anniversaire à la maison du trampoline rue Alba nº3 samedi 15 à 16 heures? Ou bien Fernando aux jeux et trampolines rue Alba nº 2 dimanche 16 à 13h30? À moins que ce ne soit Benjamin le dimanche 23 à 16h30, rue Alba nº1, au Lasergame? Et, Martin, c’est aussi à la maison du trampoline, ou celles des jeux et du trampoline, c’est le dimanche 23 ou le samedi 22? Attends, attends, il y en a un qui commençait plus tard que les autres, à 17h, attends. À chaque jour suffit sa peine. Fernando fête son anniversaire à la maison du trampoline rue Alba nº3 ce samedi à 16 heures, et c’est tout ce qui compte. 

Je prends anniv après anniv. 

Dommage, parce que celui-là, il aurait fallu le prendre avant.


Enfants et parents s’en vont quand on entre dans la salle de jeux. Décomposée, mortifiée, je vais droit vers la maman et m’excuse platement. Pardon, mille pardon vraiment, je me suis trompée d’horaire! La mère de Fernando me lance un ne t’en fais pas, ça arrive, d’une bienveillance pointue qui sonne faux, sans doute parce qu’elle a pris la peine de renvoyer hier l’invitation, que je n’ai pas regardée, certaine de ma mémoire; sans doute davantage parce que Fernando est en pleine crise de fin en fête, en plein down et qu’elle ne sait plus quoi faire pour qu’il arrête de hurler à la mort; sans doute aussi parce que sa cadette, qui a deux ans, l’accapare de ses demandes; sans doute encore parce que j’arrive, moi et ma politesse gênée, comme un cheveu sur la soupe. Alors, par courtoisie, un peu sèchement, elle dit: c’est surtout dommage pour Milieu! Qu’il prenne une part de gâteau, au moins…    


Milieu ne comprend pas bien pourquoi son copain pleure, il essaie de donner son cadeau à Fernando, inatteignable dans son chagrin, et finit par poser le paquet sur une table. 

Mon fils ne comprend pas bien non plus pourquoi il n’y a plus aucun de ses camarades mais il s’assoit à une table jonchée de miettes et de gobelets de plastique et mange tout seul sa part de gâteau d’anniversaire. 

Autour de lui, des employés du lieu passent le balai.

Les parents de l’anniversairé commencent à remballer. Comme je me sens très mal, je propose maladroitement mon aide pour ranger, mets deux trois choses dans des cartons, et, comprenant que notre présence fait plus de mal que de bien, dis à Milieu, bon, ben, on doit y aller.

Milieu ne comprend toujours pas bien ce qu’il lui arrive. Je lui explique, je m’excuse, je lui dis que je vais me faire pardonner, je l’intègre à nos plans de coiffeur qui sont nettement moins bien que ceux de sauter sur des trampolines toute l’après-midi, je fais un signe aux parents de Fernando, et laisse dans la fumée du pot d’échappement une intense gênance qui pue.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣