Fatigue
Batailles choisies #643
Fin des vacances, retour à la vraie vie, retour à l’épuisement quasi permanent. Mais tout de même, c’est mieux qu’il y a un an, deux, ou trois. La vie mi-fatigue, mi-raisin. 🌦
Retour des vacances.
La douceur printanière de la Normandie où nous étions en vacances il n’y a que quelques jours de cela, a été remplacée par un froid piquant, le plus dur en ce début de printemps chilien depuis soixante-dix ans. Le décalage horaire qui tourne à plein régime floute les gens, les voitures, ma vie-même, dans un brouillard de mal réveillée. Fatigue.
Non, mais tout de même, je suis heureuse de retrouver ma vie, heureuse d’avoir passé de si belles vacances!
Allez, courage.
Retour des vacances, première semaine de cours.
Les 5e qui sont trop lents. Fatigue.
Les 6e2 qui vont trop vite. Fatigue.
Les 4e qui font trop de bruit. Fatigue.
Les 6e3 qui ne participent pas du tout. Fatigue.
Après nos deux semaines de vacances en France, le retour à ma vraie vie, celle où je ne suis pas assez écrivaine, pas assez oisive, pas assez libre, où je suis bien trop prof de français au collège avec bien trop de copies à corriger, est aussi piquant que le froid. Fatigue.
Non, mais, tout de même, ce métier a ses bons moments, mes cours sur la formation des mots en français ont super bien marché, les élèves ont super bien travaillé! Le cours sur L’Odyssée n’est pas prêt, mais il va falloir que je m’y mette. Allez, courage.
Retour des vacances, première réunion avec des parents.
Cette mère a donc sollicité une réunion avec la moitié de l’école pour s’épancher longuement sur la psyché de son pauvre petit? Sans jamais, bien sûr, remettre en cause sa propre psyché, qui n’est pourtant que la cause des souffrances du pauvre petit en question? Non, mais, Madame, ai-je envie de hurler, lâche-le votre gamin! Laissez-lui de l’air, de l’espace, du temps, arrêtez les médocs, la télé, détendez-vous et voilà! Fatigue.
Non, mais, tout de même, il faut bien donner un temps de parole aux parents, les laisser parler, c’est aussi mon rôle même si ça m’a mangé quarante-cinq minutes de mon précieux temps.
Allez, courage.
Retour des vacances, reprise de l’école pour les enfants.
Allez, courage.
Ah ben non, en fait. Grand est tout content de retrouver ses copines, Milieu demande quel jour c’est le foot et Dernier, Dernier, que nous imaginions tous les matins en pleine crise, se roulant par terre, hurlant jusqu’à la grille de la maternelle, ben non, Dernier prend plutôt bien son retour à l’école. Il est tranquille. Quelques larmes dans les bras de l’Asem bien sûr, mais rien de terrible. Serait-ce les vacances qui lui auraient fait du bien, qui l’auraient fait grandir ainsi?
Retour des vacances, dernier jour de la semaine.
Mari est parti tôt ce matin pour un déplacement. Nous l’avions dit à Dernier, l’avions préparé, mais sans doute trop à la va-vite, que son père ne l’amènerait pas à l’école ce matin, qu’il irait simplement avec ses frères et sa mère. Sauf qu’il a absolument fallu mettre un manteau, ce matin, ah non, mon Dernier, il fait super froid, et que Papa n’est pas là, mais Dernier, on te l’a dit, tu te rappelles, il rentre tout à l’heure?
Mais, non, ça doit être la fatigue, il décompense, se met à hurler, impossible de le calmer, il hurle depuis la porte de la maison jusqu’à celle de la classe, à une heure où passent bien des gens qui s’en sortent mieux que moi. Des parents compatissants se retournent sur cette mère qui n’y arrive pas. Des élèves à moi baissent les yeux, n’osant pas croiser les regards de ce mioche hurlant et de cette mère luttant.
Dernier, Dernier, Dernier, jusqu’à quand?
Fatigue.
Non mais tout de même, il faut bien avancer, continuer, tout passe.
Fatigue.
Allez.
Courage.