Par pitié, arrêtez

 

Batailles choisies #93

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En deux mots:

Pour garder la tête saine, j’ai besoin que les enfants ne soient pas toujours mon problème. La maternité, un supplice.


 

Je crie d’une voix suppliante avec des sanglots dans la gorge, “mais arrêtez, s’il vous plaît, arrêtez les enfants, je n’y arrive plus”. Je suis à terre, complètement lessivée d’une journée faite de petites bêtises, de jeux innocents auxquels je n’ai pas la force de participer et de demandes incessantes qu’aujourd’hui je ne supporte pas. Je ne m’énerve pas, je ne crie pas, mais je pleure presque, je les implore comme si c’était des bourreaux.

Ils ont passé la journée à être des enfants normaux, c’est-à-dire parfois mignons et tout le temps pénibles et épuisants, n’en ont fait qu’à leur tête, se sont éclaboussés avec de la boue, ont voulu aller chercher Papa (il travaille, on ne peut pas le déranger), Grand a boudé, Petit a eu un mauvais réveil et m’a baladée en chouinant dans toute la maison à la recherche d’un réconfortant qu’il n’a pas trouvé, et là, Petit vient de se mettre à quatre pattes pour boire l’eau de leur mare dégoûtante. 


Ah, et ça fait 4 mois que je suis confinée avec les enfants, le mari et le travail.


« Je mets genou à terre »


Toutes ces pichenettes du jour m’auront poussée au bord et m’auront fait mettre genou à terre. Je rends les armes, drapeau blanc, mais pas comme dans un film de guerre où ça reste noble, non, là, en pleurnichant. J’ai les jambes tremblantes, la voix cassée, je pleure. Je ne suis plus une mère qui essaie de garder le contrôle, juste une femme qui l’a complètement perdu.



Les enfants savent reconnaître que je suis sérieuse, que là c’est pour de vrai. Ils arrêtent, changent de jeu en rigolant.



« Nous sommes nos bourreaux respectifs »


C’est le poids du confinement. C’est juste trop long, c’est trop petit aussi de n’être que tous les quatre, très souvent tous les trois. Cela fait longtemps qu’on n’est plus un cocon les uns pour les autres, mais nos bourreaux respectifs.




Pour garder la tête saine, j’ai besoin que les enfants ne soient pas toujours mon problème. Que parfois ils n’existent pas, ils soient avec quelqu’un d’autre, ils vivent leur vie de leur côté pour que je puisse vivre de mon côté, la mienne.




Oui, j’aurais dû arrêter leurs bêtises avant, oui ils ont trop tiré sur la corde. Je n’aurais pas dû laisser faire, j’aurais dû prévenir le danger et la bêtise quasi certaine mais je n’ai plus de force aujourd’hui, je n’ai plus de cerveau pour prévoir, je n’ai plus envie, pas envie d’être là, avec eux.




Il y a des dégâts que le confinement a provoqués qui ne se voient pas à l’oeil nu, qui sont sous peau: l’épuisement, voir le tunnel non seulement sans fin, mais s’allongeant. 




« Le travail des émotions pour m’apaiser est nécessaire »

Je retrouve une sensation que je connais de façon épisodique depuis que je suis maman: la sensation nette que la maternité est une prison. Je l’ai eue plusieurs fois, comme des bouffées, lors d’événements très forts. Et puis j’ai trouvé des bouts de liberté ici ou là, une sortie avec une amie, le travail, l’écriture qui m’ont permis de me réconcilier avec ma vie. Je crois que cette sensation revient maintenant parce que je ne trouve pas d’échappatoire à ma prison. Parce que demain, après-demain, et encore pour des semaines ou peut-être des mois, ce sera ça. Qu’au lieu d’en parler avec mon conjoint, ce qui me ferait du bien, confinement oblige, ce soir on va se tourner pour s’occuper des enfants et puis travailler chacun dans notre coin.




Alors le nécessaire travail sur mes émotions, pour m’apaiser, pour me pardonner, que je fais d’habitude quand j’en ai marre, il sera juste repoussé sine die, ajourné, pour une autre fois, pour bientôt, pour la fin du tunnel qui ne vient jamais. 

J’effectue donc un travail sur les émotions très basique avec une plongée, une régression dans l’enfance avec un dîner dont je raffolais, petite: du riz à la sauce tomate et beaucoup de beurre, dîner de gamine, dîner de maman. 


Riz à la tomate, plongée en enfance, trajet direct vers un peu d’insouciance et de câlin pour fillette brisée. 


Ce soir, j’ai besoin d’une maman pour oublier que j’en suis une.

 
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