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La guerre des boutons
 

Batailles choisies #649

On a le droit, en tant que mère, de faire bang-bang sur ses valeurs fondamentales - surtout si c’est pour du jeu. 🔫


 

J’avais entendu un jour un père dire qu’il refusait de jouer à des jeux de violence avec son fils. Que lorsque ce dernier lui avait un jour tiré dessus avec son doigt en guise de pistolet imaginaire, il l’avait fermement arrêté en disant: non, tuer des gens n’est pas un jeu, même pour rire. Je veux bien que tu me tires dessus avec un pistolet à eau, mais c’est tout.

Évidemment, cette position ferme, définitive et admirable, m’avait plongé dans des affres de culpabilité, qui n’a pas besoin de plus pour me tirer dessus à boulets rouges.

Et moi, mes enfants font des batailles de coussins!

Et mes enfants regardent Ninjago, des histoires de guerriers, de ninjas, de combats! 

Et mes enfants adorent jouer à la guerre, aux militaires et aux espions!

En bref: et mes enfants sont élevés comme des p’tits mecs!


Puis-je me considérer une mère féministe, alors, si je ne cherche qu’à demi à tamiser la violence masculine qui se glisse dans le moindre jeu des gosses de l’âge des miens?

Et n’aurais-je pas dû refuser tout net cet achat que Mari me montre fièrement?

Quoi? Un laser-game à faire à la maison?

Un set de quatre pistolets-laser pour se tirer dessus?

Un truc pour apprendre la violence, la méchanceté, la moquerie?

Un jouet qui va finir par créer des disputes de boutefeu avant de finir sa vie dans un placard?


C’est le premier essai, un soir de week-end entre chien et loup. 

Les enfants harnachés avec leurs armes, leurs cinq vies sous forme de traits de lumières bien collées contre la poitrine, courent comme des lapins dans le grand terrain de ma belle-mère, ils détalent en rigolant comme Gavroche au milieu des balles, ils se cachent derrière des arbres, sautent sur des murets, discutent stratégie et plans d’attaque, s’accordent sur des tours de jeu pour être l’équipe bleue ou rouge, coopèrent grands et petits pour que le partie continue. Ils apprennent à viser, deviennent bien meilleurs que moi en deux minutes non seulement au maniement des fusils mais aussi à tous les boutons sur lesquels il faut appuyer pour changer d’équipe, recharger, recommencer une partie, repartir à 0 avec ses vies plus vivaces que les neuf vies des chats. Ils sonnent la charge en criant, battent en retraite en hurlant, attaquent en éclatant de rire.

 

Ils sont adorables, malins, sains, en bref.


Je ne sais pas si je suis une mère féministe. Sans doute ce père me dirait qu’on peut faire pareil avec une bataille de pistolets à eau imaginaires. Mais, sur ce coup, je suis juste une mère qui a mis en pause le travail de remise en question constant, de sape morale, de révolutions intimes et immenses que signifie, être mère. Je suis juste une mère qui trouve ses enfants si choupis, si intelligents, si adroits que, peu importe le jeu, je prends. Les armes en plastique sont donc celles qui tirent le plus d’amour, et qui atteignent ma tendresse maternelle en plein coeur…


Tant pis pour l’éducation féministe, alors.

Il faut choisir ses batailles n’a jamais été une devise plus juste pour la vie de mère.

Bang bang. 


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Beaux bruits de casseroles
 

Batailles choisies #629

Il existe de plus jolis bruits que des oiseaux, des notes de harpe ou de rires de bambins: ceux des casseroles qui sont rangées dans la cuisine. 🥣


 

Qu’entends-je?

Qu’est ce doux bruit?


Il est un peu avant sept heures du matin et la maison résonne, non de pépiements d’oiseaux, ni de voix enchanteresses, ni même d’éclats de rire cristallins d’enfants de publicité.

Me parvient depuis le bas, alors que je m’éveille, comme tous les matins, dans le lit de Dernier où j’ai fini par arriver dans le dernier tiers de ma nuit, un vacarme de cuisine.  


Cling.

Clang.

Ruit.

Fram.

Poum. 

Klonk.

Clic.


Je me lève doucement, en essayant de ne pas réveiller Dernier et descends voir ce qu’il se passe dans la cuisine. 

Grand, déjà habillé pour l’école, est en train de vider le lave-vaisselle. Comme il a la discrétion d’un éléphant et la délicatesse d’un bal musette, il ouvre les tiroirs à grand renfort de gestes larges, pousse la chaise en la faisant hurler sur le carrelage pour monter et ranger les verres en hauteur, fait tinter l’orchestre des couverts, tout en mettant la table du petit déjeuner.


Il m’accueille avec un grand sourire: 

- Bonjour Maman!

- Bonjour, mon grand! Tu as bien dormi?

- Oui, oui.

- Tu es très efficace, ce matin, dis-donc!

- Hmm, acquiesce-t-il.     


Est-ce la musique divine que j’entends? Est-ce le signe auditif du miracle? Non, bien sûr, c’est la musique féministo-machiavélique de Maman, à la fois fine et lourde, moderne et arc boutée sur ses exigences.


Je vous explique: cette année, j’ai décidé d’obliger mes garçons à participer aux tâches ménagères. Ils ne font rien sans qu’on leur demande. Ils ne mettent la table que si on les menace, ne font leur lit que si on leur crie dessus, ne débarrassent jamais le dîner et ne voient pas du tout pourquoi ils devraient ranger les chaussures qui trainent dans l’entrée. Alors j’ai réfléchi, je me suis dit qu’il fallait trouver un moyen de les faire coopérer davantage à la maison sans que je m’épuise à crier, râler, abandonner (et me sentir coupable). J’ai réfléchi et je me suis dit que je n’avais qu’un moyen de pression: la télé. Pas de tâches ménagères, pas de télé. J’ai fait une liste des choses qu’il peuvent faire à la maison, faire leur lit, vider le lave-vaisselle, faire du rangement, faire une lessive, du jardinage, mettre ou débarrasser la table. Chacune de ces tâches est associée à un nombre de points, plus ou moins élevé en fonction de la difficulté de la tâche (le jardinage vaut plus cher que mettre la table). Ces points deviennent, le week-end, des minutes de télé. 


La première semaine, les enfants ont boudé et boycotté le système. Et puis le week-end est arrivé et ils ont compris qu’ils regarderaient dix minutes le samedi et quinze le dimanche. Mari et moi avons fait tout un pataquès de “ben oui, vous voyez, ce que ça veut dire pour vous, il faut apprendre à faire votre part, ici c’est pas un hôtel et tout le monde doit y mettre du sien pour vivre en communauté”.


Nous en sommes au milieu de la deuxième semaine et Grand s’est désormais lancé à fond dans le chantage (ou devrais-je dire “apprentissage”?) maternel. Il réalise ses tâches ménagères sans râler… mais avec stratégie: il a compris qu’en exécutant les trois premières de la liste, “faire son lit”, “vider le lave-vaisselle” et “mettre la table”, du lundi au vendredi, il aurait une bonne tranche de temps-télé le week-end. Il se lève donc le matin, s’habille rapidement et fait tout son raffut pour que les assiettes et que ses points soient bien en place.  


Ce matin comme les autres, par conséquent, Grand, après avoir terminé de vider le lave-vaisselle, avance d’un pas décidé et va mettre des coches sur la feuille de papier où les tâches et les points associés sont listés. 


Je n’ai pas l’outrecuidance de me dire que ce système va marcher à vie, ni même un mois durant. Ni qu’il va m’épargner les disputes pour le rangement, le nettoyage, le travail domestique. 

Mais ce matin, tout de même, je ne peux retenir l’air ravi que provoque cette douce musique des casseroles.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣