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Tarte à la crème
 

Batailles choisies #680

Du kitsch, de l’amour rose barbie et plein de crème pour une déception toute en tendresse. 🥧


 

Sur la table du salon, des jeux de société.

Les préférés de mes enfants: Pirat’ attack, le jeu des 7 familles, un puzzle représentant une carte du monde, le Monopoly honni. Mari est avec Dernier et Milieu en courses. Je serai donc seule avec Grand. Je me réjouis tellement de ce moment que je suis prête à accepter une partie de Monopoly.

Grand, Grand, ça te dit, on fait comme au bon vieux temps et on joue tous les deux? 


Les enfants sont bien ingrats. 

Ils sont bien mignons, aussi.

Mais surtout ils sont bien ingrats.


Mon fils aîné aura neuf ans dans quelques mois. Passer du temps avec lui, le connaître, découvrir ce qu’il aime, qui il est, est de plus en plus agréable. J’adore les discussions qu’on a désormais, j’adore qu’il me raconte ses histoires à l’école, qu’il me dise pourquoi il s’intéresse à telle ou telle passion en vogue, les beyblades, les mochis, Mortelle Adèle. Oui, je sais, c’est un peu tarte à la crème.

Après toutes ces années à nuancer les clichés de la vie maternelle, à tenter de ne pas tomber dans le piège de la critique en bonne et due forme ni dans celui de la béatitude banale, à chercher à ouvrir l’éventail, immense, coloré, des sentiments d’une mère aimante, me voilà à écrire des banalités type “mon enfant me fait grandir”, “mon enfant devient une petite personne et c’est si émouvant”… Tarte à la crème, quoi. 


- Grand, Grand, ça te dit, on fait comme au bon vieux temps et on joue tous les deux?

- Euh, non, je vais sortir avec mes amis.

- Ah. Je pensais qu’on pouvait faire un jeu ensemble.

- Non, je préfère aller avec L. et M. jouer dans la résidence.

- Ah.

 

Voilà ce que c’est que d’élever des enfants, hein! Vous passez des années pourries à essayer de les éduquer pour qu’ils soient de bonnes personnes, agréables, et quand ils le sont, ils passent leur temps avec quelqu’un d’autre? Pfff…

Pire: vous passez des heures interminables à jouer avec votre mauvais perdant de fils, à lui inculquer l’amour et l’éthique du jeu (coucou Papi) pour qu’il aille faire des pyjamas partys chez ses copains avec tous les jeux sympas achetés au fil des années! Je sais, je sais, c’est ça l’idée: tant mieux! Quelle joie de le voir s’épanouir…


Bon, ben, bisou, Grand. Amuse-toi bien, dis-je en l’accompagnant sur le seuil de la porte tout en essayant de cacher mon air déçu. 

Je regarde mon aîné partir tout joyeux, cheveux dans le vent, sourire sur la bouche.

La mienne de bouche, en revanche, reste bée.

J’ai pris un petit coup de réalité, là. 

J’en ai la gueule enfarinée - enfin, entartée.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

La guerre des boutons
 

Batailles choisies #649

On a le droit, en tant que mère, de faire bang-bang sur ses valeurs fondamentales - surtout si c’est pour du jeu. 🔫


 

J’avais entendu un jour un père dire qu’il refusait de jouer à des jeux de violence avec son fils. Que lorsque ce dernier lui avait un jour tiré dessus avec son doigt en guise de pistolet imaginaire, il l’avait fermement arrêté en disant: non, tuer des gens n’est pas un jeu, même pour rire. Je veux bien que tu me tires dessus avec un pistolet à eau, mais c’est tout.

Évidemment, cette position ferme, définitive et admirable, m’avait plongé dans des affres de culpabilité, qui n’a pas besoin de plus pour me tirer dessus à boulets rouges.

Et moi, mes enfants font des batailles de coussins!

Et mes enfants regardent Ninjago, des histoires de guerriers, de ninjas, de combats! 

Et mes enfants adorent jouer à la guerre, aux militaires et aux espions!

En bref: et mes enfants sont élevés comme des p’tits mecs!


Puis-je me considérer une mère féministe, alors, si je ne cherche qu’à demi à tamiser la violence masculine qui se glisse dans le moindre jeu des gosses de l’âge des miens?

Et n’aurais-je pas dû refuser tout net cet achat que Mari me montre fièrement?

Quoi? Un laser-game à faire à la maison?

Un set de quatre pistolets-laser pour se tirer dessus?

Un truc pour apprendre la violence, la méchanceté, la moquerie?

Un jouet qui va finir par créer des disputes de boutefeu avant de finir sa vie dans un placard?


C’est le premier essai, un soir de week-end entre chien et loup. 

Les enfants harnachés avec leurs armes, leurs cinq vies sous forme de traits de lumières bien collées contre la poitrine, courent comme des lapins dans le grand terrain de ma belle-mère, ils détalent en rigolant comme Gavroche au milieu des balles, ils se cachent derrière des arbres, sautent sur des murets, discutent stratégie et plans d’attaque, s’accordent sur des tours de jeu pour être l’équipe bleue ou rouge, coopèrent grands et petits pour que le partie continue. Ils apprennent à viser, deviennent bien meilleurs que moi en deux minutes non seulement au maniement des fusils mais aussi à tous les boutons sur lesquels il faut appuyer pour changer d’équipe, recharger, recommencer une partie, repartir à 0 avec ses vies plus vivaces que les neuf vies des chats. Ils sonnent la charge en criant, battent en retraite en hurlant, attaquent en éclatant de rire.

 

Ils sont adorables, malins, sains, en bref.


Je ne sais pas si je suis une mère féministe. Sans doute ce père me dirait qu’on peut faire pareil avec une bataille de pistolets à eau imaginaires. Mais, sur ce coup, je suis juste une mère qui a mis en pause le travail de remise en question constant, de sape morale, de révolutions intimes et immenses que signifie, être mère. Je suis juste une mère qui trouve ses enfants si choupis, si intelligents, si adroits que, peu importe le jeu, je prends. Les armes en plastique sont donc celles qui tirent le plus d’amour, et qui atteignent ma tendresse maternelle en plein coeur…


Tant pis pour l’éducation féministe, alors.

Il faut choisir ses batailles n’a jamais été une devise plus juste pour la vie de mère.

Bang bang. 


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣