Batailles choisies #210
Venez jeter un coup d'œil dans les coulisses de mon blog et vous saurez quelles tractations se sont jouées pour une question toute simple: comment j’appelle mes enfants?
Avant la naissance de mon troisième fils, je me suis posée des questions d’écrivaine. Ce nouveau bonhomme va exister, forcément, dans mon blog. Alors, comment vais-je le nommer?
Je n’utilise pas les prénoms de mes enfants dans mon blog. Je ne crois pas y avoir particulièrement réfléchi lorsque j’ai commencé, simplement dans l’urgence du confinement, ça s’est fait logiquement: ne pas donner leurs prénoms permet, je crois, de s’imaginer un peu tous les enfants, les vôtres, ceux des voisins, et pas uniquement les miens qui ont des prénoms qui les individualisent et les situent.
C’est aussi, je m’en rends compte maintenant, une manière de passer du journal intime de maman débordée à une écriture d’écrivaine, une mise à distance de mes vrais enfants, pour qu’ils deviennent un matériau littéraire, que je peux modeler, tester, déformer.
Une question s’est donc posée à moi avant la naissance de mon petit dernier: comment appeler mon troisième enfant? Et sa conséquence logique: dois-je rebaptiser mon deuxième? Parce que jusqu’à la naissance du troisième, mon deuxième s’appelait Petit. Sauf qu’il y a un nouveau Petit in town, maintenant.
Alors quoi, appeler mon deuxième Moyen? Quand même, Moyen, c’est pas très flatteur. Ou bien, l’appeler Milieu? Mais Grand, Milieu et Petit, c’est une étrange énumération, un peu bancale.
Je m’étais décidée pour: Grand, Petit et Dernier.
Il y avait des arguments solides: ça permettait de ne pas changer le prénom littéraire de mon deuxième, en gardant une continuité dans le blog. Et puis Dernier, c’est plutôt joli - tendre comme dans “mon p’tit dernier”, ou “c’est mon dernier”.
Sauf qu’un jour, quelques semaines après la naissance de mon troisième fils, je regarde attentivement mon deuxième: il a les cheveux en bataille d’un garçon bagarreur; il a arrêté de me coller tout le temps, changeant son fusil d’épaule pour coller son père; il a une belle peau bronzée par le soleil; il se tient droit sur ses jambes musclées, mollets galbés et cuisses fermes; il pose des tas de questions en empilant ses mots comme des blocks, avec maladresse mais acharnement; me regarde de son air coquin quand il fait ce qu’il sait être une bêtise.
En fait, Petit n’est plus petit. Il a grandi d’un coup. Il s’approche des trois ans, de l’enfant, du garçonnet, en bref, n’est plus un bébé.
Non, je le regarde et décidément, il faut le rebaptiser pour mon blog: Petit, ce n’est plus lui. Ce nom ne lui va plus, lui sied autant qu’un t-shirt trop serré. L’arrivée de son jeune frère l’a fait changer d’identité. Et puis, devenir l’enfant du milieu, c’est une réelle transformation: devenir le grand frère de quelqu’un alors que jusqu’à maintenant on n’était que le petit frère, ce n’est pas rien et ça mérite qu’on soit rebaptisé.
Laissez-moi donc vous présenter ma famille, en vrai et sous ma plume: Grand, Milieu et Dernier.