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Bientôt l’aube
 

Batailles choisies #681

Quelle promesse laisse entrevoir l’aube? De l’espoir? Du faux-espoir? 🌄


 

Décalage horaire oblige, il est 4 heures du matin et je suis réveillée. Ma journée a commencé. 

Depuis que je suis mère, lorsque l’aube me cueille et que je dois bien admettre que je ne vais pas me rendormir, je me retrouve face à un choix qui n’en est pas un: puis-je me lever, ou vais-je devoir tournicoter dans le lit, en silence et sans souffler d’exaspération, pour éviter de réveiller la maisonnée?


Depuis peut-être un ou deux ans, je me dis que je devrais me lever tôt. Que je pourrais commencer ma journée à 5 ou 6 heures du matin, avec une heure, une heure et demi de travail pour moi, de travail d’écriture. Ce n’est pas tant parce que je crois ferme en l’adage “l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt”, que parce le soir, je suis crevée. Lorsque les enfants dorment, chaque soir, j’ouvre mon ordinateur et je travaille. J’écris, je relis ce que j’ai rédigé le week-end passé, je prépare une publication. Mais à cette heure-là, après avoir enquillé une journée de travail et un tunnel dîner-bain-dodo, mon énergie me quitte, je suis éreintée, ce qui fait que j’ai trop souvent l’impression d’écrire dans le brouillard, et de ne pas exister réellement. Je me dis donc depuis plusieurs années que j’aimerais commencer ma journée par l’écriture et un grand café, quitte à me coucher à 21 heures.


Sauf que mes enfants, en tous cas les deux plus jeunes, ont une ouïe de chouette, en particulier à partir de 4 heures du matin. Le moindre bruit dans la maison passé le premier chant du coq les fait tomber du lit et me fait désespérer: les rares fois où j’ai donc tenté ce temps pour moi très matinal, eh ben, je me suis retrouvée à remonter quatre à quatre les marches parce que j’avais entendu des petits pas et qu’il ne faut surtout pas que la maisonnée se réveille. Je me suis glissée dans le lit de Dernier ou de Milieu, prodiguant caresses et silence absolu à tout prix, pour qu’ils se rendorment, envoyant valser mes désirs d’écrire dans une maison qui dort, envoyant mon café chaud au fond de l’évier.


Alors, honnêtement, si c’est pour mettre tout mon espoir dans ce temps rien qu’à moi pour qu’il me soit volé par la nécessité que les enfants fassent leur nuit, ou que je le paie avec des gosses réveillés et traînant leur épuisement toute la journée, ou que mes enfants finissent par comprendre que si on se lève tôt, on a un temps avec Maman et qui donc tombent du lit dès que j’ai écrit un mot, non, je préfère ne pas tenter.      


Mais aujourd’hui, en plein décalage horaire, je ne peux que m’étonner de ce cadeau que me fait l’aube: il est 4 heures et tout le monde dort, sauf moi. Il est 5 heures et tout le monde dort, sauf moi. Il est 6 heures et tout le monde dort, sauf moi. Il est 7 heures et des petits pas se font entendre. Mais il est 7 heures. 

Le jour se lève donc sur une nouvelle vie.

Les trois enfants ont dormi, toute la nuit, seuls.

Je ne suis allée dans aucun lit. Personne n’est venu envahir le mien.


Quel incroyable jour…

Je vais donc bientôt, bientôt, pouvoir commencer mon existence par un temps pour moi, plutôt que de glisser ma personne dans les maigres interstices de temps que me laissent les enfants?

L’aube m’accueille de ses promesses.

  


(Update: il n’y a eu que deux nuits de sommeil ininterrompu, toutes les suivantes, j’ai joué à mon traditionnel jeu de lits musicaux. L’aube est bien traîtresse et l’espoir maternel toujours aussi naïf)


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Tarte à la crème
 

Batailles choisies #680

Du kitsch, de l’amour rose barbie et plein de crème pour une déception toute en tendresse. 🥧


 

Sur la table du salon, des jeux de société.

Les préférés de mes enfants: Pirat’ attack, le jeu des 7 familles, un puzzle représentant une carte du monde, le Monopoly honni. Mari est avec Dernier et Milieu en courses. Je serai donc seule avec Grand. Je me réjouis tellement de ce moment que je suis prête à accepter une partie de Monopoly.

Grand, Grand, ça te dit, on fait comme au bon vieux temps et on joue tous les deux? 


Les enfants sont bien ingrats. 

Ils sont bien mignons, aussi.

Mais surtout ils sont bien ingrats.


Mon fils aîné aura neuf ans dans quelques mois. Passer du temps avec lui, le connaître, découvrir ce qu’il aime, qui il est, est de plus en plus agréable. J’adore les discussions qu’on a désormais, j’adore qu’il me raconte ses histoires à l’école, qu’il me dise pourquoi il s’intéresse à telle ou telle passion en vogue, les beyblades, les mochis, Mortelle Adèle. Oui, je sais, c’est un peu tarte à la crème.

Après toutes ces années à nuancer les clichés de la vie maternelle, à tenter de ne pas tomber dans le piège de la critique en bonne et due forme ni dans celui de la béatitude banale, à chercher à ouvrir l’éventail, immense, coloré, des sentiments d’une mère aimante, me voilà à écrire des banalités type “mon enfant me fait grandir”, “mon enfant devient une petite personne et c’est si émouvant”… Tarte à la crème, quoi. 


- Grand, Grand, ça te dit, on fait comme au bon vieux temps et on joue tous les deux?

- Euh, non, je vais sortir avec mes amis.

- Ah. Je pensais qu’on pouvait faire un jeu ensemble.

- Non, je préfère aller avec L. et M. jouer dans la résidence.

- Ah.

 

Voilà ce que c’est que d’élever des enfants, hein! Vous passez des années pourries à essayer de les éduquer pour qu’ils soient de bonnes personnes, agréables, et quand ils le sont, ils passent leur temps avec quelqu’un d’autre? Pfff…

Pire: vous passez des heures interminables à jouer avec votre mauvais perdant de fils, à lui inculquer l’amour et l’éthique du jeu (coucou Papi) pour qu’il aille faire des pyjamas partys chez ses copains avec tous les jeux sympas achetés au fil des années! Je sais, je sais, c’est ça l’idée: tant mieux! Quelle joie de le voir s’épanouir…


Bon, ben, bisou, Grand. Amuse-toi bien, dis-je en l’accompagnant sur le seuil de la porte tout en essayant de cacher mon air déçu. 

Je regarde mon aîné partir tout joyeux, cheveux dans le vent, sourire sur la bouche.

La mienne de bouche, en revanche, reste bée.

J’ai pris un petit coup de réalité, là. 

J’en ai la gueule enfarinée - enfin, entartée.


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣