Le tri 
 

Batailles choisies #611

Début de l’été, début du grand rangement de la maison. Question: la FIN dudit grand rangement, c’est pour quand? 🗃


 

Allez, je dois trier les fournitures scolaires que je peux réutiliser l’année prochaine. Au prix des fournitures, chaque classeur, pochette ou crayon de papier réutilisable sera réutilisé, pas de scrupules… 


Bon, d’abord les fournitures de l’année dernière. Ces crayons de couleurs, oui, la plupart à peine entamés. Ces crayons de papiers, non, dans la boîte de coloriage pour la maison. Les feutres? Ceux avec bouchons, à tester, ceux sans bouchons, à jeter. Ce classeur? Si j’arrache soigneusement la décoration de la première page…

Pour trier correctement, il me faut un sac poubelle pour ce qui se jette, un grand sac, ah non, trois grands sacs de courses, un pour chaque garçon, pour préparer les affaires de la rentrée et un sac ou boîte de rangement pour ce qui reste à la maison. Il faut que je trouve un sac poubelle, des grands sacs de rangement, des boîtes de rangement.  

 

Est-ce normal que lorsqu’on cherche à faire moins de bazar, on commence surtout par faire plus de bazar?


Bon. Ils sont où les grands sacs en tissu dans lesquels j’ai pris l’habitude de mettre les affaires de rentrée? Dans le placard avec les sacs de courses? Non. Oh, il faudrait que je m’occupe de ce placard, avec les emporte-pièces, le rouleau à pâtisserie, les thermos qui ne sont pas pour l'école, une bouillotte. Non, qu’il reste là, ce bazar, si je le sors, il ne rentrera jamais de nouveau. 


Bon, d’abord pas le placard à pâtisserie et bouillotte mais le placard du bureau, pour trouver les grands sacs en tissu et après les fournitures. Il y a des jouets dans ce placard, mais pourquoi? Des rubik's cubes, des majorettes, une peluche, et ce dinosaure, là, que je ne me rappelle pas avoir acheté, comment il s’est retrouvé ici? Ah mais oui, ça c’est le placard où on cache ce qu’on ne veut pas que les enfants trouvent: le set de pâte à modeler, les perles réclamées par Grand et achetées pour lui, que ses petits frères essaient de déverser sur le sol, des colorants alimentaires pour faire des expériences, qui sont allées directement sur l’étagère la plus haute. Bon, les trucs cachés restent cachés mais les jouets, allez, je vais les ranger là-haut avec les autres. Sauf qu’il y en a tellement!   


Bon, les jouets donc et après le placard du bureau et après les sacs de courses, pas le placard à pâtisserie et bouillotte, et après les fournitures. Cette boîte avec les dominos, les Imanix, les cubes en bois et cette autre avec les majorettes, les camions-toupies, les camions-remorqueurs, les camions-grues, les camions-poubelles, les rubik’s cubes, ah oui, je peux mettre ceux du bas ici. Le set de cuisine et le set de fruits et légumes en bois? Je donne. Mince, il me faut un sac de jouets à donner. Et un autre de livres à donner. Et un pour les livres trop abîmés. 


Bon, les livres d’abord, les jouets, les sacs en tissu, pas le placard à pâtisserie et les fournitures.


Et ces chaussettes, entre Tchoupi et la cuisine et Plume le pirate? C’est vrai qu’il faut que je trie le tiroir à chaussettes orphelines, et bon, les vêtements. Ah! Mais ils sont là, les sachets en tissu pour les collations! Je croyais que les enfants les avaient égarés à l’école! Bon, je commence par le tiroir des déjeuners, bentobox et sachets à goûter. 


Le tiroir des déjeuners de l’école, le tiroir des chaussettes orphelines, les uniformes scolaires, les livres, les jouets, le placard du bureau, les sacs en tissu, pas le tiroir à pâtisserie, pour arriver, enfin aux les fournitures scolaires. 


C’est l’heure de l’été, l’heure du rangement et, pour l’heure, j’aurai réussi à créer un peu partout des petits tas de bordel en cours de rangement et des ensembles semi-rangés. C’est le grand tri, qui, pour faire moins de bazar, commence surtout par en faire plus.

Courage! Plus que les chaussettes, les vêtements, les lunchbox, les uniformes, les livres, les jouets, les sacs de courses, les affaires à pâtisserie, il faudra bien, et les fournitures scolaires…

Courage!


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

Écrire mais…
 

Batailles choisies #610

Quand on veut être écrivaine, qu’on a trois enfants et une vie professionnelle, écrire est un cruel mirage, là-bas, encore un peu plus loin, encore un peu plus demain… 🏝


 

Je ne rêve que d’une chose

Écrire


Ce rêve me fait miroiter ses promesses mais…

Écrire? Oui, après…

Écrire? Oui, demain…

Écrire? Oui, un autre jour…


Je vis avec

L’impression que mon écriture, c’est pour après

Après le déjeuner

Après la première année de crèche de Dernier

Après la deuxième et dernière année de crèche de Dernier

Après une lessive

Après une autre lessive


Je suis lestée de

L’impression que mon écriture, c’est pour demain

Demain quand les enfants pourront jouer tout seuls

Demain quand j’aurai terminé de préparer les fournitures scolaires pour la rentrée

Demain quand Dernier dormira enfin des nuits complètes


Me dévore

L’impression que mon écriture, c’est pour un autre jour, une autre fois

Dès que le dîner sera prêt

Dès que j’aurai trié les vêtements et les jouets

Dès que Mari s’arrangera pour me donner le temps d’écrire

Dès que j’aurai terminé cette paperasse


Je vis avec et je m’en suis accomodée, de cette écriture des interstices. Aujourd’hui, pourtant, elle me pèse terriblement, parce que j’ai l’impression que l’oasis tant attendue, tant espérée, tant fantasmée, n’est qu’un mirage qui se dérobe à ma patience et à ma résignation.

J’ai passé les huit dernières années de ma vie à jouer des coudes dans nos vies à tous afin de trouver du temps pour écrire, m’asseoir devant mon ordinateur avec la douceur de sentir que c’est ce que je veux et dois faire, défi de plus en plus difficile, à mesure qu’un enfant s’est transformé en un enfant et un travail à mi-temps, à mesure qu’un enfant s’est transformé en deux enfants et un travail à trois-quart temps, à mesure que deux enfants se sont transformés en deux enfants, une pandémie et une grossesse, à mesure que deux enfants en pandémie sont devenus trois enfants, dont un tout le temps malade, et un boulot à plein temps. 

Pour les prochaines deux semaines, miracle, eau fraîche dont on peut se délecter d’avance de boire à pleines mains, j’ai bidouillé, de mon mieux, avec les cartes que j’ai en mains, les conditions pour écrire: 1) ce sont les grandes vacances, 2) mes cours sont prêts pour la rentrée 3) Grand et Milieu sont chez Abuelita, 4) Dernier sera le matin à la crèche pour deux petites semaines. J’ai très exactement 10 matinées pour écrire, travailler à mon deuxième roman, lui donner le coup d’éperon dont il a besoin.


Après cette dernière crise de larmes qui me siphonne mon énergie

Demain

Dès que Dernier est à la crèche


Soirée catastrophe, pleurs jusque tard dans la nuit, enfant récalcitrant, déjà les quelques heures de ma première matinée d’écriture me semblent étiolées d’avance par la fatigue et le découragement

Matinée de grand retour à la crèche pour la dernière quinzaine de sa vie, qui commence terriblement mal, pleurs, cris, hurlements de désespoir

D’aller jouer avec ses petits amis

Et je rentre à la maison

Pour écrire

Dès que j’aurai retrouvé une contenance

Dès que j’aurai enlevé les années de fatigue de mon front plissé

Dès que ma culpabilité et mon attente inquiète que la crèche m’appelle pour me dire que non, vraiment, il pleure trop, que non, vraiment, il faut que je le récupère, se seront envolées.   


J’avais tout prévu pour écrire, mais je suis assise et épuisée, face à mon ordinateur, à chercher une liberté qui ne vient pas. Elle me coûte cher, cette liberté, elle est abrégée avant d’avoir été commencée, elle est entamée avant d’avoir été croquée.


Vais-je pouvoir écrire? Où est-elle ma vie d’autrice? Où est-elle passée?


Comment vivre quand

Écrire 

N’est que

La dernière dernière dernière chose

Quand j’ai terminé tout le reste

En bout de course

À bout de souffle

In fine

En fin de compte

À la fin des fins

La dernière ligne droite

In cauda venenum

Écrire

Dès que

Après

Demain


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣