Le sans-culotte
 

Batailles choisies #615

Milieu, ce révolutionnaire en miniature. 🩲


 

Vous y croyez, vous, que j’ai demandé il y a peu à ma pédiatre une ordonnance pour que Milieu fasse un test d’audition?

Pourquoi donc? Ben parce que je trouve qu’il n’entend pas bien.

Souvent, il faut répéter: Milieu, Milieu, Milieu!

Souvent, il faut rappeler à son attention qu’on est en train de lui parler, Milieu, je te parle, regarde-moi, est-ce que tu as retrouvé ton camion que, Milieu, tu cherchais, Milieu, tout à l’heure?

Et que croyez-vous qu’il arrivât?

Milieu entend très bien, parfaitement bien.

C’est juste qu’il n’écoute pas. 

Il n’entend pas - pardon, n’écoute pas quand on lui dit qu’il faut ranger.

Il n’entend pas - pardon, n’écoute pas quand on lui dit qu’il faut débarrasser.

Il n’entend pas - pardon, n’écoute pas quand on lui dit qu’il faut monter, se laver les dents, se coiffer, s’habiller et surtout, mettre une culotte.


Mais Milieu, elle est où, ta culotte?

Milieu s’habille tout seul comme un grand, sans rechigner, choisissant au contraire ses vêtements avec beaucoup de soin, souvent un maillot de foot en haut et un short en bas. Sauf qu'un jour, je trouve qu’il est bien rapide à s’habiller, un autre qu’il s’est mis en maillot de bain avec la vitesse de l’éclair, un autre que pourquoi on lui voit les fesses dès qu’il se penche…

Mais c’est parce que Milieu est un petit malin, qui va s’habiller tout seul, et rapidement, pour que personne ne remarque qu’il n’a pas mis de culotte. Et lorsqu’on lui fait remarquer que, ben Milieu, elle est où ta culotte, allez, vas mettre une culotte, quand même… eh bien, il a de nouveau des problèmes d’audition. Ensuite, comme le petit futé qu’il est, il joue la montre et obéit doucement, monte tranquillement les escaliers, fait une longue pause de jeu, se résout en traînant des pieds à aller dans sa chambre, ouvre sans se presser son placard et, comme depuis belle lurette j’ai complètement oublié Milieu le sans-culotte, sans doute parce que je discute avec Grand ou tente d’empêcher Dernier de faire une centième bêtise, Milieu redescend, avec son sourire de renard, sûr qu’il peut rester encore un temps cul-nu sous son pantalon.       


En plus d’être lui-même têtu comme un révolutionnaire, insolent et quasi gore-tex aux gronderies, Milieu est un frondeur qui a l’esprit d’entraînement. Voilà qu’il a décidé qu'ils resteraient tous en pyjama, ce matin. Je l’ai sermonné qu’il était largement l'heure d’être habillé, grandes vacances, ou pas. 

Est-ce que je regrette d’avoir engendré une petite mule irrespectueuse? Non. J’ai logé, à fleur de cœur, l’inquiétude que Milieu ait des troubles de l’apprentissage, des lenteurs, inquiétude que Mari balaie d’un revers de main et d’un grand éclat de rire: tu l’as déjà vu construire des Legos? C’est une machine! Il ne fait pas ce que tu lui demandes parce que c’est un p’tit malin, et y’a pas de malin sans cerveau! 


Donc, oublions qu’il n’obtempère ni n’écoute ni n’obéit, ce qui m’insupporte et me fatigue, et concentrons-nous sur Milieu qui joue à malin et demi et qui, après m’avoir tiré la langue, dit qu’il ne va pas faire ce que je lui ai demandé en me regardant droit dans les yeux, finit par accepter parce que le ton monte, mais chuchote quelque chose à ses frères qui le suivent en courant.


- Et habillez-vous tous, hein, faites pas de bêtise là-haut!  


Les trois garnements, dont Milieu s’est fait le leader, courent en pouffant de rire, font un sacré remue-ménage à l’étage, ouvrent et ferment des placards à grand renfort de claquement de portes puis se précipitent en bas.

- Maman, disent-ils en cœur… ferme les yeux, on a une surprise pour toi..

- J’espère que vous êtes habillés parce que c’est la seule surprise que je veux voir…

- Oui, oui…

  

Assise sur le canapé, je ferme les yeux quelques secondes pour les ouvrir à la vue de trois paires de fesses qui se secouent devant moi. On n’a mis que des hauts, on n’a mis que des hauts et on fait la danse du popotin! Milieu éclate de rire et exulte fièrement: c’est mon idée!

 

Quand même, qu’est-ce qu’il est culotté…


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Batailles rangées⭣

Fin
 

Batailles choisies #614

Dernier a vécu son dernier jour de crèche. C’est la fin d’une époque, une fin attendue, désespérément, peut-être si désespérément qu’elle en est légèrement moins sucrée. 👋


 

Qu’on l’a attendu, ce dernier jour de crèche…

La crèche, c’est terminé - pour Dernier, qui aura trois ans dans quelques semaines et qui entrera en maternelle à la rentrée. 

La crèche, c’est terminé - pour nous, qui avons vécu sept ans de crèche en tout, avec le premier puis le deuxième, puis le troisième de nos fils. 


Pour Dernier comme pour nous, c’est l’été des fins.

Fin des couches.

Fin des siestes.

Fin de la crèche.

Fin de la petite enfance.

Fin de ma vie de mère de très jeunes enfants.


Pour Dernier comme pour nous, c’est l’été des débuts, aussi.

Début de l’autonomie.

Début des journées complètes, à organiser à cinq, ou au moins à trois.

Début des horaires similaires: tout le monde se lève à 7 heures, tout le monde au lit à 20 heures.


J’aimerais me réjouir, sabrer le champagne, chanter à tue-tête, sauter de haut en bas en battant des mains. Pourtant, lorsqu'on est parent, aucun diplôme, aucune médaille, ne nous est donnée à la fin d’une étape, qu’importe si elle aura été éreintante comme un marathon. Il n’y a pas de ligne d’arrivée, ou plutôt, on ne la voit qu’en se retournant, plusieurs mois, plusieurs années après, sans avoir vécu de vrai soulagement, sans ressentir de sentiment de clôture nette, de réussite ou de victoire. Le temps passe et laisse simplement sur le bas-côté certaines inquiétudes, beaucoup de souffrances, quelques joies éparses. 

Oui, objectivement, la petite enfance de mon fils est terminée et avec elle, toutes les galères qui y sont associées pour moi, pour son père, pour ses frères. Mais les galères ont l’art et la manière de traîner encore un peu. Il faut encore faire attention aux accidents dans la culotte. Les journées sont longues avec un petit qui ne fait plus de sieste mais n’a pas encore arrêté, en revanche, les bêtises. Et puis, plus de crèche pour le petit, pas de centre aéré pour les grands, c’est un été à m’occuper de trois enfants. Qu’importe. La crèche garde avec elle ses pires épisodes de virus, ses semaines de fermetures, ses rouleaux de sopalin à amener et que j’ai complètement oubliés, ses costumes pour les journées déguisées que mes enfants refusent de porter. 


Toujours est-il que le temps a exaucé notre vœu le plus cher. Ce n’est pas encore fête, mais presque, un délice dont je ne peux pleinement me délecter. Qu’à cela ne tienne, je vais anticiper et déclarer victoire: Mari et moi avons survécu à trois petites enfances enchaînées, nous avons souffert, mais c’est fini. 

C’est la fin.

Et maintenant, le début d’autre chose.


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