Mansplaining, variation

 

Batailles choisies #186

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En deux mots:

Une autre version du mansplaining/mecsplicage: la montée dans les hautes sphères de la pensée où toi, femme, tu n’es pas invitée.


 

Je parle avec un ami. Il n’a pas d’enfants et me pose des questions sur la maternité, sur mon rapport à l’écriture, sur comment je fais pour écrire avec les enfants.



Cette conversation est absolument dans mes cordes. Depuis que je suis maman, c’est même mon ambition de concilier les deux, de faire de la littérature avec mes gamins (coucou mon blog et ma bouée Batailles choisies), et j’ai l’impression que c’est une sorte de mission. Bref, cette conversation dont je suis la seule experte, ça devrait être facile.

Mais non. Je ne me sens ni écoutée ni comprise. 



Après avoir raccroché, je comprends pourquoi: pour parler de mon écriture, de mes projets littéraires en cours, d’où je veux aller en tant qu’écrivaine, je dois tout simplement parler de ma vie de famille. Il faut que je parle de mon quotidien, de toutes les choses qui semblent insignifiantes avec les enfants mais qui ne le sont pas. Parler de littérature, pour moi, c’est parler des heurs et malheurs de ma vie de famille, qui me rend aussi fertile que folle, sans avoir peur d’entrer dans les détails des horaires de coucher.

Or mon ami a cette habitude de chercher à voir plus grand, à poser des questions abstraites, théoriques, à chercher le “big picture” comme on dit en anglais.

Quand je lui dis que je cherche à garder trace, à chroniquer la vie de famille, parce que, tombant si facilement dans l’oubli, elle est délégitimée comme matériau littéraire, il me répond: mais est-ce que la littérature, c’est juste une façon de ne pas oublier?

J’ai aussi droit à: mais est-ce qu’il y a d’autres formes de légitimité littéraire qu’un roman? Ou: mais est-ce que le rôle de l’écrivain est de garder trace de tout?

« Un autre volet du mansplaining »


Plusieurs fois pendant notre conversation, je pense: mais arrête de me poser des questions et écoute ce que je raconte, ça va y répondre si tu sais écouter.

C’est un autre volet du mansplaining: prendre ta petite expérience féminine et l’universaliser. Te faire comprendre que tu ne poses pas la vraie, la grande, l’importante question. Que tu es coincée au niveau du sol et as raté l’ascenseur. Ce qui veut en réalité dire: ne pas écouter ta petite expérience féminine. 



Alors que justement, ce que j’essaie de dire, c’est qu’il y a beaucoup à voir au niveau du sol et que c’est même ce niveau, seul, qui donne accès à l’ascenseur. On fabrique la “big picture” avec des centaines de petites photos qui semblent anodines, banales, mais sont toutes essentielles, importantes, légitimes.

 

Compris? Une mère écrivaine qui parle des horaires de sieste, c‘est du Grand Art.

 
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