Pas d’écran à la maison, principe brisé
Batailles choisies #70
En deux mots:
Je suis obligée de mettre la télé aux enfants pour pouvoir travailler. Je nous préfère sans télé. Je ne nous aime donc pas beaucoup en ce moment.
Une grosse dispute a éclaté avec Grand à propos des écrans cet après-midi. La règle depuis le début du confinement est la suivante: à l’heure de la sieste de Petit, il a le droit de regarder des vidéos (on lui installe un vidéo-projecteur dans le salon). Quand Petit se réveille, c’est fini.
Net et précis.
Sauf qu'à chaque fois, c’est la négociation: allez, cette fois c’est la dernière vidéo, allez, on avait dit après celle-ci, on arrête, non pas cette vidéo, une dernière, d’accord, mais pas celle-ci, allez, choisis-en une autre.
Cet après-midi, je me braque face à une nouvelle séance de négociation: allez, non, non, je n’en mettrai pas d’autre. C’est fini, c’est fini, un point c’est tout.
Il pleure, je m’acharne, je sais que c’est la mauvaise manière de m’y prendre parce qu’il fait une crise terrible, et il en est tellement altéré qu’il est inaccessible. Mais je me braque.
Il passe une bonne heure ainsi, en larmes, en berne, enragé. Grand est impossible à atteindre dans sa colère qui ne passe pas.
Je souffle et me rappelle pourquoi j’ai essayé, avant le confinement (on entrera bientôt dans notre troisième mois) de ne pas avoir d’écran à la maison pour les enfants. Je les trouve trop addictifs, autant pour mes enfants qui en demandent toujours plus, que pour nous, les parents, qui finissons par y recourir trop souvent, qui finissons par n’avoir aucun autre recours pour les occuper.
Que les choses soient claires: c’est avec l’écran baby-sitter que j’ai un cas de conscience, pas avec le moment familial où on regarde ensemble un film ou une vidéo. C’est quand je mets Youtube parce que comme ça je peux travailler, que je me sens mal.
J’ai beaucoup plus de mal à gérer mes enfants si la télévision est un sujet de bataille quotidienne. Certainement que d’autres parents s’y prennent mieux.
En tous cas, j’avais trouvé la solution: pas d’écran, pas de batailles. Parce qu’avec un enfant de quatre ans qui veut regarder encore une dernière vidéo, une dernière, une dernière, j’ai l’impression d’essayer de gérer un cocaïnomane, fou de colère, agressif, incapable de faire face à son afflux d’émotions - ou un enfant de quatre ans, en somme.
Sans écran, nous avions, Grand et moi, moins de conflits. Le lien était plus ouvert que brisé, il cherchait davantage à s’occuper seul et j’arrivais à trouver d’autres manières d’être avec lui, puisque m’interdire le plus souvent possible l’écran, c’était m’obliger à une présence à lui qui a des bénéfices: on passe un meilleur temps ensemble, on s’entend mieux.
Bref, je nous préfère tous sans écran.
Sauf que confinement oblige, je le colle tous les jours devant Youtube à l’heure de la sieste. J’ai besoin de ces deux heures pour travailler. Je me retrouve à sacrifier cette relation construite patiemment. Pendant deux heures, je prépare des activités pour mes élèves de collège, pour garder le lien avec eux, pendant que je lâche le lien avec mes enfants.
Et rien, pas d’espoir de revenir à la normale avant des mois.
Encore des mois à lui mettre des vidéos idiotes, à regarder son air abêti.
Le cœur gros.