Batailles choisies #165
En deux mots:
D’autres parents qui se sont cassés de la classe Zoom de leur enfant parce que celui-ci faisait n’importe quoi? De l’art de claquer une porte virtuelle. J’arrive au bout d’une année d’école à la maison... à bout.
Je mets un grand coup de poing sur le bureau en hurlant “Mais enfin! concentre-toi!” Grand sursaute, puis se met à pleurer, pendant que je l’oblige, en hurlant toujours, complètement hors de moi, à refaire le dessin que demande la maîtresse. Le micro est éteint de notre côté, alors je n’ai ni regard ni jugement qui m’empêche de me déboulonner. Non, il n’est pas question que tu montres ça à ta maîtresse. Grand essaie de redessiner l’arbre demandé secoué de sanglots, pendant que je lui crie qu’il ne fait aucun effort! Non, recommence, arrête de pleurer et regarde ce qu’elle te montre. Et puis en hurlant encore, de plus en plus fort, même, mais allez, c’est pas la peine, si c’est pour faire ça, va-t-en, dehors, de-HORS.
Je tiens à préciser que je suis enseignante. C’est pas bien glorieux.
Un petit peu de contexte pour expliquer ce coup de sang, une colère comme je n’en ai pas eue depuis des semaines? Si, je crois que le contexte est important - et qu’il m’aiderait à me requinquer, à me faire relever la tête, s’il vous plaît, accordez-moi un brin de contexte. Donc:
1) Les enfants ont mis des plombes à s’habiller pour sortir ce matin.
2) Petit chouine sans arrêt.
3) Petit a cassé une énième tasse.
4) J’ai essayé de cuisiner avec Petit, il en a mis partout en piaillant que “Moâ, moâ tout seul”.
5) Je n’éprouve que du mépris pour cette enseignante de mon aîné qui, clairement, prépare ses classes cinq minutes avant de les faire, ou plutôt avant de s’en débarrasser, et je me demande pourquoi on doit déployer des trésors d’organisation familiale pour suivre cette mascarade.
6) Grand a passé la première moitié de la classe à bâiller, se déconcentrer, jouer avec des stylos, me dire qu’il ne comprend pas en prenant son air idiot qui me fait vriller.
Ah… et peut-être que ça joue, hein, je ne sais pas, ça fait peut-être partie du contexte, hein…
7) La baby-sitter qui devait venir en fin d’après-midi pour me soulager avec les enfants et que je puisse travailler annule à la dernière minute.
Voilà, c’était le contexte. Ça aide?
Tout le reste de l’après-midi je me sens à demi coupable de ma gueulante, à demi uniquement parce que je n’ai même pas le temps de me sentir pleinement coupable comme je le devrais, trop occupée que je suis à occuper les enfants jusqu’au dîner.
Ce soir, au moment où je dis bonne nuit à Grand qui a été un amour le reste de la journée, je lui dis que demain, on refera l’activité demandée par la maîtresse, à un moment où il se sentira prêt, parce que je ne veux pas qu’on envoie une activité faite sans soin à la maîtresse, parce que je veux qu’on apprenne le sens de l’effort.
-Mais Maman, regarde Maman, je t’explique. Ce qu’il se passe c’est que quand je suis en classe, si tu te fâches très fort, eh bien les autres enfants ils t'entendent crier et ils n’entendent pas la classe et ils ne peuvent pas réussir l’activité.
C’est bon, je me sens entièrement coupable.
Il reste à Grand et moi cinq semaines de cours. Cette nuit, j’ai envie de pleurer, de tout envoyer bouler, de laisser toute cette année derrière Grand, et moi avec.