Confinement - Jour 11
Batailles choisies #15
En deux mots: faire de la pâte à sel avec ses enfants, 4 et 2 ans. Bilan: plus jamais.
J’aurais dû m’en douter que ça tournerait mal. Une accumulation de petits riens qui, dans la vie de famille, fait tout : toutes les fatigues, toutes les exaspérations, toutes les colères.
Il est 11 heures du matin, je suis debout avec Petit depuis 6h30, sept disputes ont déjà été désamorcées, trois ont été détonées à mon grand dam, je suis à court d’idées pour les occuper jusqu’au point-pivot du déjeuner. Après le déjeuner, tout va mieux, tout passe plus vite.
J’ai alors une idée.
Pourtant, j’aurais dû me douter que c’était une très mauvaise idée. Qui me l’a mise dans la tête, cette idée que je dois bien me résoudre à appeler stupide?
Le papa ce matin a planté dans la tête de Grand qu’ils allaient faire des lettres en pâte à sel (oh, oui, Papa, de la sel à pâte!) mais après sa vidéoconférence. Simultanément, s’est plantée dans ma tête cette demande de la maîtresse qu’il fallait envoyer des photos des activités (pâte à sel donc).
Bon, Grand redemande quand est-ce qu’on fait “les lettres en sel à pâte”. Allez, ça fera l’activité jusqu’au déjeuner.
La pâte attend les 4 petites mains. Sauf qu’elle colle, j’ai dû mettre trop d’eau. Grand essaie de faire les lettres, n’y arrive pas, se frustre, je tente de lui montrer si, comme ça, en la faisant sauter un peu, tu vois, on arrive à faire des boules, Grand secoue les mains pour faire partir cet intrus, ça vole de partout, un peu sur le sol, le plan de travail, le visage de maman, les cheveux de Petit qui lui, par contre, apprécie beaucoup l’activité, les mains pleines de cette substance collante, c’est merveilleux, qu’il essaie de manger mais j’ai d’autres problèmes, Grand est parti bouder dans le salon, allez, reviens, regarde je vais remettre de la farine, voilà, tu vois, c’est mieux, non, non, c’est nul la pâte à sel, c’est nul, plus jamais je vais faire de la pâte à sel, chouine-t-il en partant dans le salon les mains dégoûtantes, je le rattrape pour lui laver, il se débat, je le coince dans mes jambes, le traîne, jusqu’au lavabo le plus proche, puis le lâche, il hurle qu’il me déteste et ne fera plus jamais de la sel à pâte avec moi, seulement avec Papa, je retourne dans la cuisine, pour trouver Petit en train d'étaler avec application la pâte collante sur le plan de travail, puis entreprendre de la lécher avant que je ne l’arrête, ah non, ah non, c’est quoi ça! Alors, je m’entends hurler, ça suffit, tous les deux, dehors!
Les enfants dans le jardin en train de pleurer.
Moi par terre en train de nettoyer.
Des larmes salées qui tombent sur le carrelage.
J’aurais dû m’en douter.