Un mec de la bande
 

Batailles choisies #666

Regarder son enfant s’intégrer à un groupe de gamins du quartier: l’encourager intérieurement comme la meilleure supporteure, trouver que décidément, son doux enfant deviendra sans doute un beau connard. 🥅


 

Au retour de l’école, Milieu, qui se dit très fatigué, traîne des pieds. La satanée montée dans notre résidence ne favorise pas la bonne humeur, c’est vrai, mais on y est presque, mon Milieu, allez, allez, un peu de courage, un peu d’effort, un peu de… distraction?

Soudainement, il a remarqué quelque chose, là-bas, qui l’intéresse vraiment et qui lui quitte d’un coup d’un seul toute la fatigue qu’il traînait avec sa mauvaise humeur depuis l’école. Il a remarqué un voisin de la rue d’en face, R., qui a une douzaine d’années et qui tape un ballon dans le muret en face de chez lui. Comme s’il avait vu le messie ou, mieux encore, Messi lui-même, il s’arrête et le regarde avec des étoiles dans les yeux et des projets plein la tête. Il lui adresse ensuite un timide geste de la main ainsi qu’un sourire et, lorsque ce salut lui est rendu, il articule d’une voix quémandeuse.

- Maman, je peux aller jouer au foot avec R.? Je suis en tenue, regarde, comme j’ai eu entrainement aujourd’hui.


Milieu n’est donc plus fatigué du tout. Il me refile son sac-à-dos et attaque, sans broncher, la pente ardue, trottinant derrière R. qui est allé inviter d’autres copains de la résidence.

Trois rues et cinq minutes plus tard, un groupe de sept ou huit gosses commence un match de foot, deux arbres pour un but, un poteau et un arbre pour un autre, une langue de gazon pour le terrain. 


Jamais je n’avais eu le privilège de regarder en direct, non seulement en tant que mère, mais aussi en tant qu’ancienne petite fille qui a eu du mal à se faire des amis, mon fils s’intégrer à un groupe de gosses qu’il n’a jamais vu.

Mon fils vient seulement d’avoir 6 ans.

Il est mignon, certes.

Il est gentil, certes.

Il est timide, certes - Maman, je deviens timide quand je suis avec des enfants plus grands, m’a-t-il dit récemment en regardant ses chaussures.

Mais ce n’est pas pour toutes ces raisons qu’il traîne avec des enfants plus grands. Non, c’est pour son amour et son toucher du ballon rond, auquel il joue tous les jours ou presque. C’est grâce à lui qu’il socialise, comme un vrai mec: sans parler, sans avoir aucune idée de comment les gamins s’appellent. Et c’est fascinant à voir.


Les équipes sont bientôt faites. Milieu, qui doit prouver sa valeur, est d’abord envoyé aux buts, premier échelon de l’acceptation sociale du ballon rond. Il est concentré à l’extrême, n’échange de parole avec personne. Mains sur les cuisses, regards acérés, il tente d’anticiper la trajectoire, se lance dans la mêlée, bondit mais, malheureusement, encaisse un premier but. La spectatrice muette que je suis retient un soupir de douleur, allez mon grand, allez, tu peux le faire. Un ballon passe à toute vitesse, Milieu saute, ouf, ça passe à côté. Troisième tir au but, Milieu arrête le ballon, s’élançant sans peur au milieu du panier de crabes de la surface de réparation imaginaire. Bravo, bravo, je me dis en moi-même, me retenant évidemment d’intervenir, de sauter de joie, d’applaudir ou de toute autre action honteusement maternelle. Il passe donc défenseur, fait quelques tacles bien sentis et sans douleur, deux bonnes passes. C’est bien, mon chou, vas-y, continue. Le voilà donc attaquant, on repart au milieu de la frange de gazon, on s’élance, on se fait chipper le ballon, on se bat pour le récupérer, quitte à glisser par terre ou à taper un sprint sur la route à côté, on remonte la pente, le but adverse étant vers le haut, on avise les poteaux.     

On donne tout ce qu’on a.

On donne un coup de pied.

But!

Tope-là, cris de victoire, danses du footballeur victorieux.  


Le petit R. est parti depuis 10 bonnes minutes, Milieu n’a même pas remarqué qu’il ne connaît donc aucun autre des gosses qui jouent comme si leur existence en dépendait, tout occupé à jouer, lui aussi, sa vie (sociale) sur ce match.

Pas que j’aie des doutes sur ce terrain-là. Clairement, Milieu est le futur gosse populaire de son bahut. Tout de même, je suis fière, tellement fière, de la coolitude silencieuse et éloquente de mon fils… tout autant qu’un peu peiné, un peu coupable, toujours, de le voir emporté par une masculinité toute traditionnelle, absolument sans échappatoire, de voir s’emparer de lui l’attitude du gars: la grossièreté du langage, les noms d’oiseaux qui volent, les tapes dans les mains de p’tits merdeux qui se croient très cools, les discussions sur les meilleurs joueurs et les meilleures équipes du monde. C’est donc comme ça qu’on devient un mec, un vrai?   


Faut-il prendre son enfant comme il est, doux-amer, sportif et taciturne, sociable et macho, super pote et bien trop mec?


Batailles en vrac⭣

Batailles rangées⭣

La guerre du téton
 

Batailles choisies #665

Dernier va-t-il arrêter de me tripoter les seins? Dernier va-t-il grandir et devenir un féministe, capable de respecter le corps des autres? Attention, bataille à chute… 🌺


 

Cela fait deux ans environ que je me bats pour que Dernier arrête de me tripoter les seins.

Ça vend du rêve, hein?

Quelqu’un vous l’avait dit, à vous, que c’était ça, la maternité?

Que, dans les derniers mois, j’ai dû dire, presque tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, “non, Dernier, pas les tétés, les tétés, non!” 

Qu’en fait des tendres câlins imaginés, j’aurais droit quotidiennement à un désagréable malaxage de ma poitrine?


Ah! Parce que si c’était des caresses, passerait encore… mais non. Parce que tendresse, non, ce n’est pas le mot pour parler de ces mains qui ouvrent avec autorité le col de mon haut pour s’enfoncer entre mes seins. Il avance avec ses mains comme une mante religieuse vers sa proie, mon téton droit, avec une insistance qu’aucune récrimination ne parvient à contrecarrer. Les bosses de mes courbures sont pour lui une sorte d’Everest. C’est son giron tout autant, sinon plus, que mon giron. Il le veut, ce bout de rose de mon tétin joli, il passe par le bas de mon t-shirt ou par le haut, il le fait avec rapidité ou avec lenteur, discrètement, ou bien sans-gêne. Et si, depuis un an, j’ai réussi à ce qu’il ne touche plus mon téton, Dernier n’abandonne pas, se rabat sur la chair de mes seins. Il me malaxe. Il me tripatouille les plis. Il me fricotaille, me barbote, pinçouille mes appas et me bouleverse les monts.


Pourquoi est-il, ainsi un jobard du nibard? Un pochon du nichon? Un exalté des nénés ? Un frénétique des pare-chocs ? Un dévot des lolos? Un pervers des roberts?

Qui sait?

Dernier a eu, longtemps, très longtemps, besoin de se tranquilliser, besoin de calmer ses peines, de panser ses bobos, en me tripotant les seins. Je veux, désespérément, qu’il arrête. Et ce sera peut-être le signe de la vraie fin de sa petite enfance, le jour où il arrêtera. Et je le veux.

Mais, pour l’heure, c’est une bataille quotidienne. 

Il y a, parfois, quelques victoires: il a arrêté de me pinçouiller les tétons l’année dernière, se contentant des chairs - au moins ça ne fait pas mal; il ne cherche plus, depuis peu, à s'endormir avec ses doigts arachnides sur mon sein et a accepté de s’endormir sa main dans la mienne.  

Les armes, de mon côté, ne sont pas toujours les mêmes: suppliques, fâcheries, gronderies, rebuffades. Les trêves sont brèves, les négociations intenses, avec envoi d’ambassadeurs ou de GIGN, cela dépend. Les victoires restent tout de même en-dessous de mon objectif, qu’il arrête de fourrer ses p**tains de mains mantis sous mon pyjama. C’est vraiment le dernier front, surtout lorsqu’il est en phase d’éveil et que, avec la fin de la nuit et le début de la journée, il doit chercher à puiser toutes les ressources d’amour et de tendresse dont il a besoin pour le jour.


Dernière chance pour tenter de stopper cette horripilante habitude: je tente la conversation féministe. Qu’en comprend un sale gosse tête de mule de trois ans? Sûrement rien du tout. J’essaie, à toutes forces, de lui inculquer des valeurs féministes: le respect du corps de l’autre, c’est mon corps, je ne veux plus qu’on l’utilise, tu sais. J’ai besoin que tu comprennes que ces seins sont à moi. Que toi tu n’aimerais pas qu’on te touche comme ça, hein?

Cette dernière chance ne fonctionne pas.

Du moins, c’est ce que je crois.

Depuis plusieurs soirs, pourtant, je remarque que son rituel du dodo change: Dernier dort avec deux peluches: un éléphant et un hippopotame, “L'Éléphant” et “Popo l’hipotame”, de leurs petits noms. Et pour s’endormir, il m’explique qu’il va les tenir par la “colita”. Entendez, il agrippe bien fort dans sa main droite les queues des deux animaux et les garde toute la nuit dans ses poings. Je ne suis pas certaine de la qualité de ces peluches made in China et trouve les coutures entre la queue et le corps bien malingres. S’il continue à les serrer comme ça, les queues vont finir par leur en tomber.


Si c’est pas de l’éducation féministe, ça.


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